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A MADAME COURIER.

Paris, jeudi matin, juin 1821.

Ma brochure a un succès fou; tu ne peux pas imaginer cela ; c'est de l'admiration, de l'enthousiasme, etc. Quelques personnes voudraient que je fusse député, et y travaillent de tout leur pouvoir. Je serais fort fâché que cela réussît, par bien des raisons que tu devines. Je n'oserais refuser; mais je suis convaincu que ce serait pour moi un malheur. Cela ne me convient point du tout. Au reste, il y a peu d'apparence, car je crois que je ne conviens à aucun parti.

Tu trouveras quatre exemplaires de la brochure avec tes souliers qui doivent être partis aujourd'hui.

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de ma dernière brochure. Il prétend que cela le compromet beaucoup. Tu vois ce que c'est qu'une place. Tout le monde est pour moi; je peux dire que je suis bien avec le public. L'homme qui fait de jolies chansons disait l'autre jour : A la place de M. Courier, je ne donnerais pas ces deux mois de prison pour cent mille francs. Ne me plains donc pas trop, chère femme, si ce n'est d'être séparé de toi.

Un vieux président que tu as vu chez ta tante a dit qu'il était fâcheux que cet arrêt ne pût être cassé; qu'il était ridicule. Il paraît que ce n'est pas seulement son opinion. Il ne parle jamais, dit-on, que d'après d'autres.

Ne réponds pas à tout ceci, et ne me mets rien dans tes lettres qui ne puisse être vu de tout le monde.

J'allai hier voir le local qu'on me destine : il me paraît bien disposé, au midi, sec, en bon air. Tous ces gens-là ont la mine de se bien porter; ils reçoivent des visites sans fin jusqu'à huit heures du soir. Il y avait là trois jeunes femmes ou filles très-jolies.

A MADAME COURIER.

Paris, dimanche, 14 octobre 1821.

Je suis entré ici le 11; c'était, je crois, jeudi dernier. Je suis étonné de n'avoir point de lettres de toi depuis ce temps. J'ai peur qu'il ne s'en soit perdu quelqu'une; j'en serais bien fâché. J'attends de toi des nouvelles importantes. Sois tranquille sur mon compte; je suis aussi bien qu'on peut être en prison: bien logé, bien nourri; du monde quand j'en veux, et des gens fort aimables; logement sain, air excellent. J'espère n'être point malade; c'était tout ce que je craignais. Te rappelles-tu deux volumes que nous avait prêtés la Homo sur l'histoire de la peinture en Italie? l'auteur 2 vient de me les envoyer avec cette adresse: Hommage au peintre de Jean de Broë. Je reçois le Constitutionnel sans y être abonné. Je ne sais à qui je dois cette galanterie.

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Je suis dans une chambre grande comme ta chambre jaune, exposée au midi; point de cheminée; en hiver on met un poêle; couché sur un lit de sangle et un matelas de crin que j'ai apporté; une petite table pour écrire; une autre pour manger. Je mange chez moi; on m'apporte de chez un restaurateur assez passable, aux prix ordinaires. Ma chambre donne comme les autres

Libraire de Tours.

* M. Beyle, connu sous le pseudonyme de Stendal.

sur un long corridor. On m'enferme, le soir à neuf heures, à double tour; cela me contrarie extrêmement, quoique je n'aie nulle envie de sortir. On m'ouvre le matin à la pointe du jour. Nous avons une promenade grande comme le quartier de terre d'Isambert : nous n'en jouissons qu'à certaines heures. Le reste du jour, elle appartient aux prisonniers pour dettes, qui sont séparés de nous. On vient nous voir de dehors; mais il faut aller demander à la police une permission qui ne se refuse pas; cependant c'est un ennui. Il y en a qui aiment mieux être ici qu'en pays étranger, et je crois qu'ils ont raison; cependant je maintiens toujours que c'est une grande sottise de se mettre en prison. Il y a ici un homme qui l'a faite cette sottise-là, et s'en repent cruellement. Cauchois-Lemaire voit sa femme tous les jours, et beaucoup d'autres gens; il me paraît tellement accoutumé à ceci qu'il n'y pense seulement pas. Pour moi, cinq jours, depuis que je suis enfermé, m'ont paru longs, et les cinquantecinq qui me restent me paraissent aussi bien longs.

Adieu! trésor. Embrasse le cher Paul.

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A MADAME COURIER.

Sainte-Pélagie, octobre.

Ta description de Paul à table m'enchante. Que ne suis-je avec vous deux! Cependant mon absence aura cela de bon, que tu t'accoutumeras à te passer de moi pour toutes les affaires.

Je reçois des visites qui me font perdre un temps bien précieux. C'est à présent surtout que mes journées sont chères. Ta tante m'a fait demander si je tenais beaucoup à la voir.

Les chansons de Béranger, tirées à dix mille exemplaires, ont été vendues en huit jours. On en fait une autre édition. On lui a ôté sa place; il s'en moque: il en trouvera d'autres chez des banquiers ou négociants, ou dans des administrations particulières. Il était là simple copiste expéditionnaire. On ne sait s'il sera inquiété; je ne le crois pas. Il a pourtant chanté des choses qui ne se peuvent dire en prose.

Mes drogues se vendent aussi très-bien, et le marchand est venu m'annoncer ici que nous pourrions bientôt compter ensemble. Je crois que j'ai bien fait de m'en tenir au marché à moitié. On le dit honnête homme; et c'est pour commencer. Je le tiens par l'espérance.

A MADAME COURIER.

Le 3 ou 4 novembre 1821.

Violet-le-Duc m'est venu voir avec Bobée. Il veut avoir mes notes sur Boileau. Je serai obligé de leur donner quelque chose qui me fera perdre un temps infiniment précieux.

B. vient aussi me tourmenter: il m'a tenu trois

heures aujourd'hui. La perte de ces heures est irréparable pour moi et pour mon Longus qui s'imprime. Il est probable que jamais je n'aurai le temps d'y retoucher après cette édition, qui n'est cependant pas telle que je la voudrais. J'ai heureusement donné quelques touches imperceptibles à ma lettre à Renouard, qui, sans y rien changer, raniment quelques endroits, mettent des liaisons qui manquaient. Je suis assez content de cela.

Je relis ton excellente lettre. Toute réflexion

faite, je suis bien aise que tu sois jeune, pour moi et pour notre fils. Je lui parlais hier tout haut sans y penser. Tes détails me ravissent.

Il fait un bien beau temps. Que je serais heureux avec toi et notre cher Paul! Il faut lui garder toutes nos lettres, afin qu'il voie quelque jour combien il a été aimé. Je ne puis me consoler d'avoir perdu celles de mon père.

A MADAME COURIER.

Le 31 octobre 1821.

J'ai reçu tes divines lettres dont la dernière est du 26. J'en ai eu trois à la fois qui m'ont rendu bien heureux. Je t'avoue que l'endroit où tu me parles de tes talents enfouis, perdus, m'a fait pleurer. J'ai eu bien peur que quelqu'un n'entrât chez moi, car on n'aurait su ce que c'était. Pourquoi n'ai-je pas eu seulement ton portrait ? Tu as bien fait de ne pas aller au déjeuner. Il est sûr que tu as bien fait, car ne voyant personne ordinairement, il eût été mal de voir du monde en mon absence. Cela aurait fait croire que je te tenais malgré toi dans la solitude. Je comprends à merveille comment tu as accepté sans le vouloir. Cela m'est arrivé mille fois.

La lettre que je t'envoie est du frère de Dupin le fameux avocat. Ce frère est lui-même fameux par de fort bons ouvrages sur l'Angleterre. Je t'envoie cela, parce que tu aimes à voir les succès de ton mari.

A MADAME COURIER.

, jeudi 8 novembre 1821.

Sainte-Pélagie, je

On a donné ma dernière brochure à éplucher à un substitut, pour voir s'il n'y aurait pas moyen de me faire un second procès. On prétend qu'elle ne sera point attaquée, et je l'espère. Je ne conçois même pas qu'on y puisse rien attaquer. Tout se réduit à dire que de Broë est un sot. Ainsi je suis fort tranquille, et tu ne dois point t'inquiéter.

J'ai vu d'autres personnes que tu ne connais pas. Cousin est très-malade de la poitrine. Quoique je sois fort occupé, mon temps passe bien lentement. Je suis moins patient que ceux qui

ont cinq ans à demeurer ici. Une prolongation ne me plairait nullement. Mais cela n'est pas à

craindre.

A MADAME COURIER.

Le 16 novembre 1821.

Me voici levé à quatre heures, et l'homme qui tousse toujours m'empêche de travailler. Je l'écoute, et il me semble que j'ai mal à la poitrine. Je quitte à l'instant Béranger, qui va être jugé, et sans doute condamné. J'ai vu le député qui se nomme comme ton charretier de Saint-Avertin. C'est un brave homme; il est de mon âge, et il a une jeune femme. Mais cette femme n'est pas une Minette; elle aime la dépense et le plaisir.

Madame Shonée est venue ici voir un prisonnier son parent. Elle a fait un éloge de toi qui a charmé toutes ces bonnes gens. Ils sont venus me le redire, et je suis convenu avec eux qu'il en était quelque chose.

Samedi.

J'ai reçu tout à l'heure un colonel fameux' dont je te dirai le nom. Je le crois homme de mérite, et je ne m'étonne pas qu'il ait l'ambition de se distinguer.

A MADAME COURIER.

Le 23 novembre 1821.

Hier un de nos camarades prisonniers s'est évadé fort adroitement. Tu verras cela dans les journaux.

Je n'ai eu personne hier, et ma journée s'est passée merveilleusement. Les visites m'ont fait un tort immense. Sans cela ma vie serait très-supportable ici. C'est une vie de moine, mais sans nulle... beaucoup meilleure que celle des moines. Il est vrai que je suis bien chanceux d'avoir cette chambre-ci. J'entends tousser ceux qui habitent du côté du nord. J'ai rayé.

tends avec impatience. Il y a dans cela un peu de Éloïse doit m'apporter ton portrait, que j'at

vanité. On verra l'ange dans la prison, ou du moins son image. Un de mes compagnons me disait l'autre jour : J'aime les hommes qui aiment

leurs femmes.

[Courier, rendu à sa famille, se trouva si heureux de la tranquillité de ses champs et de la paix

dont il jouissait, qu'il jura bien de ne plus se brouil

ler avec les procureurs du roi, et pour cela faire, il composa peu, quoiqu'il demeurât plusieurs mois mina complétement le fragment, premier publié, sans aller à Paris. A cette époque seulement, il terd'Hérodote, et corrigea son Daphnis et Chloé (dont alors il fixa le texte), pour la collection des romans grecs de Merlin; il revit aussi le Théagène et Chariclée de cette même collection.

Il assemblait des matériaux pour une édition des Cent Nouvelles. Elle aurait été fort précieuse. Ce travail est tout informe, et rien malheureusement n'en peut être profitable au public.

Cependant, entraîné par son penchant, il ne put se tenir de fronder un petit, et il fit la Pétition pour les villageois qu'on empêche de danser. Il s'imaginait assurément n'être pas inquiété pour ce pamphlet-là, et continua en toute sécurité ses études

1 Fabvier

Jeudi.

habituelles. La chose n'alla point ainsi que Courier | occupé, mais je serai ici à merveille pour tout. l'avait espéré. Pendant son absence momentanée, Il faut que je te quitte; il est dix heures, je une saisie de cette pétition fut faite à la Chavon-vais à mon jugement. nière, et Courier lui-même, après une courte apparition en Touraine, reçut du juge d'instruction un mandat pour être interrogé à Paris. On connaît l'issue de ce procès : il fut acquitte, mais on garda l'ouvrage saisi.

Le jugement eût peut-être été plus sévère si on eût su que, malgré les embarras où il était actuellement plongé, Courier, en se rendant à Paris pour cette nouvelle affaire, avait dans sa poche la Première Réponse aux Anonymes. Mais, devenu prudent à ses dépens, il cacha son nom, et la laissa imprimer au premier venu, revoyant néanmoins les épreuves avec un soin extrême.

Les deux premières lettres suivantes rendent compte de ses démarches.]

A MADAME COURIER.

Paris, mercredi 1822.

J'ai vu hier madame Arnoult; je suis allé chez elle, comptant apprendre des choses qui auraient pu m'être utiles; mais je n'ai rien appris. Je l'ai trouvée changée; elle a été surprise, au contraire, de mne voir si peu vieilli. Ils m'ont fait de grands compliments sur ma réputation. J'ai été étonné de la trouver si bien informée; car ils sont à mille lieues de la littérature; enfin je me suis amusé une heure.

Un M. Henin, chez la veuve, s'est vanté de te connaître. Le connais-tu? Je ne t'en ai jamais entendu parler. Il est antiquaire, je l'ai vu jadis je ne sais où. Il parle très-bien l'italien; il dit que tu es belle, que tu vaux un trésor. Cela prouve qu'il a du moins vu des gens qui te connaissaient.

On m'a envoyé gratis un cours d'agriculture. pratique en sept ou huit cahiers. Cela est trop scientifique.

Mon affaire est remise à mardi; je compte faire défaut. J'ai dîné hier chez Cauchois-Lemaire avec Manuel, Béranger et des femmes. Béranger me conte qu'Émilie est en Amérique. Elle est allée d'abord aux États-Unis, où elle s'ennuyait fort; puis la fièvre jaune étant venue, je ne sais où Émilie s'en est allée. Son mari va à SaintDomingue sans elle.

Je lis un livre saisi, défendu, qui est fort curieux; ce sont les Mémoires nouvellement imprimés de Madame, duchesse d'Orléans, mère du duc d'Orléans régent. On voit bien là ce que c'est que la cour; il n'y est question que d'empoisonnement, de débauche de toute espèce, de prostitution. Ils vivaient vraiment pêle-mêle.

[Des lettres que Courier écrivit fort régulièrement à sa femme, pendant ses fréquents voyages cette année 1823, très-peu auraient de l'agrément pour le public. Entendu à demi-mot par son correspondant, il n'a besoin souvent que d'une ligne ou d'une phrase pour le tenir au courant de leurs affaires les plus intimes; n'employant d'ailleurs nulle circonlocution pour exprimer l'éloge ou le blâme des objets dont il est frappé. Il continua, selon sa coutume, de composer à la campagne, et retournait à Paris pour chaque nouvelle brochure, ne se fiant à personne du soin de les faire imprimer. Il y porta, au mois de février, la Seconde Réponse aux Anonymes. Selon toute apparence, cette lettre, ou pour mieux dire les recherches qu'elle nécessita sur des choses très-délicates et très-cachées, eurent pour Courier de graves conséquences.

Suivent, en ordre de date, le Livret de Paul-Louis; La Gazette de village, toute de faits véritables, et qui peut-être quelque jour sera annotée; Puis la Pièce diplomatique, laquelle fut compo

Je trouve ici, en rentrant chez moi, un mandat du juge d'instruction pour être interrogé de-sée à Paris; main.

A MADAME COURIER.

Mardi, 1822.

Me voici dans mon nouveau logement, où je vois de mon lit la moitié de Paris et une belle campagne. La jardinière me fait mon manger. Je suis à peu près, pour vivre, comme à la Filonnière.

Je m'occupe de la Réponse aux Anonymes. On imprime l'Hérodote. Tu peux croire que je suis

Enfin les petits articles, publiés en leur temps dans plusieurs journaux, et auxquels deux ou trois. lettres ci-jointes pourront former un utile complément.]

A MADAME LA COMTESSE D'ALBANY,

A FLORENCE.

Paris, le 12 novembre 1822. Madame, puis-je espérer avoir de vos nouvelles par madame Clavier, ma belle-mère, qui vous remettra la présente? vous n'avez point oublié,

je pense, un helléniste qui eut l'honneur de vous accompagner avec M. Fabre dans votre voyage de Naples, et se rappelle toujours avec un grand plaisir cette époque de sa vie. Vous ne savez pas, Madame, que j'écrivis alors une relation de ce voyage et de toutes nos conversations, dans lesquelles nous n'avions point du tout l'air de nous ennuyer. J'ai tout cela en manuscrit, et quelque jour j'aurai l'honneur de vous le faire voir, si Dieu permet que je retourne dans ce beau pays où votre séjour est fixé. Un des motifs les plus puissants pour me ramener en Italie, ce serait, Madame, l'espérance de vous y revoir et de jouir encore de votre conversation, aussi instructive qu'agréable. En attendant, permettez, je vous prie, que madame Clavier ait l'honneur de vous voir, et me puisse apprendre à son retour comment vous vous portez. Cette occasion de me rappeller à votre souvenir m'est trop précieuse pour que je la laisse échapper, et j'en profite en vous priant, Madame, de me croire toute la vie, etc.

A MADAME COURIER.

Lundi, novembre 1823.

Un libraire sort d'ici, qui a entendu parler de toi chez madame Dumenis.

Ce libraire veut avoir mon portrait pour le faire lithographier. Je l'ai envoyé promener. Il dit qu'il l'aura malgré moi.

Langlois s'est fait agent de change. C'était bien la peine d'épouser une marquise.

J'ai vu hier M. de la Fayette. Tu as pu voir dans les journaux que le gouvernement des ÉtatsUnis envoie un vaisseau pour le prendre et le conduire là-bas. Il me propose de l'accompagner, et j'en serais presque tenté. Il ne sera que huit ou dix mois à aller et revenir.

[Au mois de mars 1824, Courier retourna à Paris, emportant son Pamphlet des Pamphlets achevé. Occupé d'un grand projet pour lequel il jugeait le secret nécessaire, il lui parut favorable à son dessein de publier quelque chose où la politique n'entrât pour rien, et qui pût sembler inoffensif à messieurs les procureurs du roi. La troisième des lettres suivantes contient son propre jugement sur le Pamphlet.]

A MADAME COURIER.

Mercredi des cendres 1824.

Si tu lisais les journaux, tu y verrais l'annonce de ma brochure, qui n'est pas encore imprimée, et déjà excite vivement la curiosité.

L***, ancien aide de camp de Bonaparte, vient de marier sa fille avec 500,000 fr. à M. de B***, qui n'a rien que son nom. A l'église le curé a fait un beau discours, où il n'a parlé que du marié, de sa noblesse et de son nom, et de son illustre famille, sans dire un mot de la mariée ni de ses parents. Il a deux ans de moins que sa femme. L'autre jour j'ai diné chez madame C***, et je lui ai dit : Ne donnez point votre fille à un homme de cour. J'ai vu que cela ne lui plaisait pas. Ils feront comme L***. J'oubliais de te dire que toute la famille de M. de B*** est indignée de ce mariage.

A MADAME COURIER.

Jeudi matin, mars 1824.

On m'envoie ici le Feuilleton. Je ne sais pourquoi ni comment ils m'ont pu découvrir et savoir mon adresse. J'en suis fâché. Cette lecture aurait pu t'amuser là-bas.

J'ai dîné lundi chez Hersent, et de là on m'a mené chez madame Gay, auteur, où j'ai entendu la lecture d'une comédie. Il y avait là beaucoup de monde. Madame Regnault de Saint-Jean d'Angely m'a fait de grandes amitiés; elle est encore belle. Lémontey y était; Elleviou, tellement vieilli que je ne l'ai pas reconnu; madame Dugazon, qui m'a parlé aussi, et d'autres; mademoiselle Delphine Gay, qui fait des vers assez beaux à dis-sept ans ; mais je crois qu'elle en a bien vingt. Tout cela ne m'amuse point.

On imprime ma drogue, qui, je crois, ne sera point saisie. J'en ai débité quelques morceaux de mémoire. Ils font plaisir à tout le monde. On est furieusement prévenu en ma faveur.

Je dine aujourd'hui chez Gasnault, demain chez madame ***. Tout cela m'ennuie. J'aime mieux Hersent et sa femme. Ils ont une maison

agréable. Ils gagnent beaucoup tous deux, et ils maudissent le métier. Leur santé est mauvaise.

A MADAME COURIER.

Mercredi.

J'ai reçu ta lettre dimanche. Mais voici du nouveau qui ne te déplaira pas. C'est madame Shœnée qui achète notre Filonnière. Mon homme barguignait un peu; elle ne savait point ce marché. Je craignais des difficultés. Sur quelques mots que je lui dis, elle me fit des offres. J'acceptai. Nous conclûmes, et nous avons signé hier une promesse de contrat. Ainsi l'affaire est faite. J'ai broché un sous-seing comme j'ai pu ; il fallait bien signer

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