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bares. Les Goths et les Vandales voulaient tout conserver. Il n'a pas tenu à eux qu'elle ne demeurât, et ne soit aujourd'hui telle qu'ils la trou- | vèrent. Mais, malgré leurs édits portant peine de mort contre quiconque endommageait les statues et les monuments, tout a disparu, tout a pris une forme nouvelle. Et où en serait-on? que deviendrait le monde, si chaque âge respectait, révérait, consacrait, à titre d'ancienneté, tout œuvre des âges passés, n'osait toucher à rien, défaire ni mouvoir quoi que ce soit ? scrupule de madame de Harlai qui, plutôt que de remuer le fauteuil et les pantoufles du feu chancelier, son grand-père, toute sa vie vécut dans sa vieille, incommode et malsaine maison. M. Marcellus chérit, dans les forêts, le souvenir des druides, et, pour cela, ne veut pas qu'on exploite aucun bois, qu'on abatte même un arbre, le plus creux, le plus caduc, tout, de peur d'oublier les sacrifices humains et les dieux teints de sang de ces bons Gaulois nos aïeux. Il défend tant qu'il peut, en mémoire du vieux âge, les ronces, les broussailles, les landes féodales, que d'ignobles guérets chaque jour envahissent. | Les souvenirs! dit-on. Est-ce par les souvenirs que se recommandent ces châteaux et ces cloîtres gothiques? Autour de nous, Chenonceaux, le Plessis-lez-Tours, Blois, Amboise, Marmoutiers, que retracent-ils à l'esprit ? de honteuses débauches, d'infâmes trahisons, des assassinats, des massacres, des supplices, des tortures, d'exécrables forfaits, le luxe et la luxure, et la crasse ignorance des abbés et des moines, et pis encore l'hypocrisie. Les monuments, il faut l'avouer, pour la plupart ne rappellent guère que des crimes ou des superstitions, dont la mémoire, sans eux, dure toujours assez; et s'ils ne sont utiles aux arts comme modèles, ce qui se peut dire d'un petit nombre, que gagne-t-on à les conserver, lorsqu'on en peut tirer parti pour l'avantage de tous ou de quelqu'un seulement? Les pierres d'un couvent sont-elles profanées, ne sont-elles pas plutôt purifiées, lorsqu'elles servent à élever les murs d'une maison de paysan, d'une sainte et chaste demeure, où jamais ne cesse le travail, ni par conséquent la prière? Qui travaille prie.

Une terre non plus n'est pas détruite; c'est pure façon de parler. Bien le peut être un marquisat, un titre noble, quand la terre passe à des vilains. Encore, dit-on qu'il se conserve et demeure au sang, à la race; tant qu'il y a race; je m'en rapporte....... Prenez le titre, a dit la Fontaine, et laissez-moi la rente. C'est, je pense, à peu près le partage qui a lieu, lorsqu'un fief tombe

en roture, malheur si commun de nos jours! Le gentilhomme garde son titre, pour le faire valoir à la cour. Le vilain acquiert seulement le sol, et n'en demande pas davantage, content de posséder la glèbe à laquelle il fut attaché; il la fait valoir à sa mode, c'est-à-dire par le travail. Or, plus la glèbe est divisée, plus elle s'améliore et prospère. C'est ce que l'expérience a prouvé. Telle terre, vendue il y a vingt-cinq ans, est à cette heurepartagée en dix mille portions, qui vingt fois ont changé de mains depuis la première aliénation,. toujours de mieux en mieux cultivée (on le sait : nouveau propriétaire, nouveau travail, nouveaux essais); le produit d'autrefois ne payerait pas l'impôt d'aujourd'hui. Recomposez un peu l'ancien fief par les procédés indiqués dans le Conservateur, et que chaque portion retourne du propriétaire laboureur à ce bon seigneur adoré de ses vassaux dans son château, pour être substitué à lui et à ses hoirs, de mâle en mále, à perpétuité;: ses hoirs ne laboureront pas, ses vassaux peu. Plus d'industrie. Tout ce qui maintenant travaille se fera laquais, ou mendiant, ou moine, ou soldat, ou voleur. Monseigneur aura ses pacages et ses lods et ventes, avec les grâces de la cour. Bientôt reparaîtront les créneaux; puis les ronces et les épines, et puis les forêts, les druides de M. de Marcellus; et la terre alors sera détruite.

Ils ne songent pas, les bonnes gens qui veulent maintenir toutes choses intactes, qu'à Dieu seul appartient de créer; qu'on ne fait point sans défaire; que ne jamais détruire, c'est ne jamais renouveler. Celui-ci, pour conserver les bois, défend de couper une solive; un autre conservera les pierres de la carrière; à présent, bâtissez. L'abbé de la Mennais conserve les ruines, les restes de donjons, les tours abandonnées, tout ce qui pourrit et tombe. Que l'on construise un pont du débris délaissé de ces vieilles masures, qu'on répare une usine, il s'emporte, il s'écrie: L'esprit de la révolution est éminemment destructeur. Le jour de la création, quel bruit n'eût-il pas fait ! il eût crié : Mon Dieu, conservons le chaos.

En somme, ces gens-ci, ces destructeurs de terres, font grand bien à la terre, divisent le travail, aident à la production, et faisant leurs affaires, font plus pour l'industrie et l'agriculture que jamais ministre, ni préfet, ni société d'encouragement, sous l'autorisation du préfet. Le public les estime peu. En revanche, il honore fort ceux qui le dépouillent et l'écrasent; toute fortune faite à ses dépens lui paraît belle et bien acquise..

Voilà ce que me dit mon voisin. Mais, moi, tous ces discours me persuadent peu. Je ne suis pas né d'hier, et j'ai mes souvenirs. J'ai vu les grandes terres, les riches abbayes; c'était le temps des bonnes œuvres. J'ai vu mille pauvres recevoir mille écuelles de soupe à la porte de Marmoutiers. Le couvent et les terres vendues, je n'ai plus vu ni écuelles, ni soupes, ni pauvres, pendant quelques années, jusqu'au règne brillant de l'empereur et roi, qui remit en honneur toute espèce de mendicité. J'ai vu jadis, j'ai vu madame la duchesse, marraine de nos cloches, le jour de SainteAndoche, donner à la fabrique cinquante louis en or, et dix écus aux pauvres. Les pauvres ont acheté ses terres et son château, et ne donnent rien à personne. Chaque jour la charité s'éteint, depuis qu'on songe à travailler, et se perdra enfin, si la Sainte-Alliance n'y met ordre.

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Il faut mettre de l'encre et tirer avec soin. Dites cela, je vous prie, de ma part à votre imprimeur, s'il a quelque envie que ses feuilles sortent lisibles de la presse. Je déchiffre à peine la moitié 'd'un de vos paragraphes du 22, dans lequel je vois bien pourtant que vous louez les Français comme un peuple rempli de sentiments chrétiens, et faites un juste éloge de notre dévotion, bonne conduite, soumission aux pasteurs de l'Église. Nous vous en sommes bien obligés; cela est généreux à vous, dans un moment où tant de gens nous traitent de mauvais sujets, et appellent pour nous corriger les puissances étrangères. Votre dessein, si je ne me trompe, est de faire voir que nous pouvons nous passer de missions, et que, chez nous, les bons pères prêchent des convertis. Vous dites d'abord excellemment: La religion est honorée; puis vous ajoutez quelque chose que j'eusse voulu pouvoir lire, car la matière m'intéresse. Mais, dans mon exemplaire, je distingue seulement ces lettres l. p..p.e cro.t .t p..e; là-dessus, quoi que nous ayons pu faire, moi et tous mes amis, à grand renfort de bésicles, comme dit maître François, nous sommes encore à deviner si vous avez écrit en style d'Atala, le peuple croit et prie, ou moins poétiquement, le peuple croit (circonflexe) et paye. Voilà sur quoi nous disputons, moi et ces messieurs, depuis deux jours. Ils soutiennent la première leçon; je défends la seconde, sans me fâcher néanmoins,

car mon opinion est probable; mais, comme disent les jésuites, le contraire est probable aussi.

Mes raisons cependant sont bien bonnes. Mais je veux premièrement vous dire celles de mes adversaires, sans vous en rien dissimuler ni rien diminuer de leur force. Le peuple croit, disentils, cela est évident. Il croit qu'on songe à tenir ce qu'on lui a promis; que tout à l'heure on va exécuter la Charte, et il prie qu'on se hâte, parce qu'il se souvient de la poule au pot qu'on lui promit jadis, et qui lui fut ravie par un de ces tours que l'agneau enseigne à ceux de la société (belle expression du père Garasse). Or, le peuple, en même temps qu'on lui présente la Charte, aperçoit dans un coin la société de l'agneau, et cela l'inquiète.

Il croit que ses mandataires vont faire ses affaires. Il croit bien d'autres choses, car il est fort crédule. Il prie les gouvernants de l'épargner un peu, et il croit qu'on l'écoute. En un mot, le peuple est toujours priant et croyant. Croire et prier, c'est son état, sa façon d'être de tout temps, et le journaliste, homme d'esprit, ne peut avoir eu d'autre idée. C'est ainsi qu'ils expliquent et commentent ce passage. Doctement!

Mais je dis Le peuple croît (avec un accent circonflexe). Il croît à vue d'œil, comme le fils de Garguantua, et paye. Ce sont deux vérités que le journaliste, en ce peu de mots, a heureusement exprimées. Le peuple croît et multiplie; se peut-il autrement? tout le monde se marie. Les jeunes gens prennent femme dès qu'ils pensent savoir ce que c'est qu'une femme. Peu font vœu de chasteté, parce qu'un pareil vœu sent le libertinage; ou plutôt, on sait aujourd'hui qu'il n'y a de chasteté que dans le mariage. Aussi les filles n'attendent guère. Autrefois, dans ce pays, une mariée de village avait rarement moins de trente ou trente-cinq ans. A cet âge, maintenant, elles sont toutes grand'mères, et fort éloignées de s'en plaindre. On ne craint plus d'avoir des enfants, depuis qu'on a de quoi les élever, et même de quoi les racheter quand le gouvernement s'en empare. Chaque paysan presque possède ce que nous appelons goulée de benace, un ou deux arpents de terre en huit ou dix morceaux qui, labourés, retournés, travaillés sans relâche, font vivre la famille. C'est un grand mal que cela. Mais on y va remédier. On va recomposer les grandes propriétés pour les gens qui ne veulent rien faire. La terre alors se reposera. Chaque gentilhomme ou chanoine aura, pour sa part, mille arpents, à charge de dormir, et s'il ronfle, le double.

Ce qui fait aussi que le peuple croft, c'est qu'en tout on vit mieux à présent qu'autrefois. On est nourri, vêtu, logé bien mieux qu'on ne l'était, et les mœurs s'améliorent avec le vivre physique. Moins de célibataires, moins de vices, moins de débauches. Nous n'avons plus de couvents: détestable sottise qui se pratiquait jadis, de tenir ensemble enfermés, contre tout ordre de nature, des mâles sans femelles, et des femelles sans måles, dans l'oisiveté du cloître, où fermentait une corruption qui, se répandant au dehors, de proche en proche, infectait tout. Dieu sans doute ne permettra pas que ceux qui, chez nous, veulent rétablir de pareils lieux d'impureté, réussissent dans leurs desseins. Nos péchés, quelque grands qu'ils soient, n'ont pas mérité ce châtiment; notre orgueil cette humiliation. Il en faut convenir pourtant; ce serait une chose curieuse à voir parmi le peuple actif, laborieux, dont chaque jour l'industrie augmente, les travaux se multiplient, et dont par conséquent la morale s'épure, car l'un suit l'autre ; ce serait un bizarre contraste, qu'au milieu d'un tel peuple une société de gens faisant vœu publiquement de fainéantise et de mendicité, si l'on ne veut dire encore et d'impudicité.

Parmi les causes d'accroissement de la population, il ne faut pas compter pour peu le repos de Napoléon. Depuis que ce grand homme est là où son rare génie l'a conduit, s'il eût continué de l'exercer, trois millions de jeunes gens seraient morts pour sa gloire, qui ont femmes et enfants maintenant; un million serait sous les armes, sans femme, corrompant celles des autres. Il est donc force, en toute façon, que le peuple croisse : ainsi fait-il, ayant repos, biens et chevances, peu de soldats et point de moines.

A présent je dis, le peuple paye, et nul ne me contredira. Si ce n'est là, Monsieur, ce que vous avez écrit, c'est ce qu'il fallait écrire, pour n'avoir point de dispute. Le peuple prie, est une thèse un peu sujette à examen. Le peuple paye, est un axiome de tout temps, de tout pays, de tout gouvernement. Mais le peuple français sur ce point se distingue entre tous, et se pique de payer largement, d'entretenir magnifiquement ceux qui prennent soin de ses affaires, de quelque nation, condition, mérite ou qualité qu'ils soient; aussi n'en manque-t-il jamais. Quand tous ses gouvernants s'en allèrent un jour, croyant lui faire pièce et le laisser en peine, d'autres se présentèrent qu'on ne demandait pas, et s'impatronisèrent; puis les premiers revenant comme on y pensait

le moins (avec quelques voisins), grand conflit, grand débat, que le peuple accommoda en les payant tous, et tous ceux qui s'étaient mêlés de l'affaire; tant il est de bonne nature; peuple charmant, léger, volage, muable, variable, changeant, mais toujours payant. Qui l'a dit? Je ne sais, Bonaparte ou quelque autre : le peuple est fait pour payer; et lisez là-dessus, si vous en êtes curieux, un chapitre du testament de ce grand cardinal de Richelieu, dans lequel il examine, en profond politique et en homme d'État, cette importante question: Jusqu'à quel point on doit permettre que le peuple soit à son aise. Trop d'aise le rend insolent; il faut le faire payer pour lui ôter ce trop d'aise. Trop peu l'empêche de payer; il faut lui laisser quelque chose, comme aux abeilles on laisse du miel et de la cire. Il lui faut même encore, sans quoi il ne travaillerait, n'amasserait, ni ne payerait, un peu de liberté. Mais combien ? c'est là le point. M. Decazes nous le dira. En attendant nous lui payons, bon an mal an, neuf cents millions ; et s'il payait comme nous tout ce qu'on lui demande, il aurait bien moins de querelles.

A vrai dire aussi, on le chicane sur l'emploi de ces neuf cents millions. Le meilleur usage qu'il en pût faire, ce serait, selon moi, de les jouer au biribi, ou d'en entretenir des nymphes d'Opéra, à l'insu de madame la comtesse. Cela serait tout à fait dans le bel air de la cour, et vaudrait mieux pour nous que de le voir donner notre argent à des soldats qui communient et nous suicident dans les rues, qui escortent la procession et nous coupent le nez en passant; à des juges qui appliquent la loi si rudement aux uns, si doucement aux autres; à des prêtres qui ne nous enterrent que quand nous mourons à leur guise et en restituant. Il arriverait que bientôt, ne comptant plus sur ces gens-là, nous essayerions de nous en passer, de nous garder, de nous juger, de nous enterrer les uns les autres, et, en un besoin, de nous défendre nous-mêmes sans soldat; seul moyen, ce dit-on, d'être bien défendus, et tout en irait mieux. La cour passerait le temps gaiement, sans s'embarrasser de contenter les puissances étrangères. Voilà le conseil que je donne à M. Decazes, par la voie de votre journal. Mais M. Decazes ne vous lit point; il travaille avec Mademoiselle.

Au reste, il est bien vrai, Monsieur, et vous avez raison de le dire, que nous sommes un peuple religieux, et plus que jamais aujourd'hui. Nous gardons les commandements de Dieu bien mieux

d'autres souverains, essayèrent aussi de restaurer l'ancien culte; ils n'y réussirent pas, et même, comme on sait, mal en prit à quelques-uns. En matière de religion, ainsi que de langage, le peu

les rois. Il les a faits chrétiens, de païens qu'ils étaient; de chrétiens catholiques, schismatiques, hérétiques, il les fera raisonnables, s'il le devient lui-même; il faut finir par là.

depuis qu'on nous prêche moins. Ne point voler, ne point tuer, ne convoiter la femme ni l'âne, honorer père et mère, nous pratiquons tout cela mieux que n'ont fait nos pères, et mieux que ne font actuellement, non tous nos prêtres, mais quel-ple fait loi; le peuple de tout temps a converti ques-uns, revenus de lointain pays. Rarement à courir le monde devient-on plus homme de bien; mais un ecclésiastique, dans la vie vagabonde, prend d'étranges habitudes. Messire Jean Chouart était bon homme, tout à son bréviaire, à ses D'autres disent: Il y aurait moyen, si on le ouailles; il était doux et humble de cœur, secou- voulait tout de bon, de rallumer le zèle dans les rait l'indigent, confortait le dolent, assistait le cœurs un peu tièdes pour la vraie religion; le moyen mourant ; il apaisait les querelles, pacifiait les fa- serait de la persécuter : infaillible recette éproumilles : le voilà revenu d'Allemagne ou d'Angle-vée mille fois, et même de nos jours. La religion terre, espèce de hussard en soutane, dont le hardi doit plus aux gens de 93 qu'à ceux de 1815. Si regard fait rougir nos jeunes filles, et dont la lan-elle languit encore, et s'il faut un peu d'aide au gue sème le trouble et la discorde; hardi, querel- culte dominant, comme l'assurent les ministres, leur, cherchant noise; c'est un drôle qui n'a pas la chose est toute simple. Au lieu de gager les prêpeur, tout prêt à faire feu sur les bleus, au pre- tres, mettez-les en prison et défendez la messe; mier signe de son évêque. Tels sont nos prêtres de demain le peuple sera dévot, autant qu'il le peut retour de l'émigration. Ils ont besoin de bons être à présent qu'il travaille; car l'abbé de la exemples et en trouveront parmi nous. Mais si Mennais a dit une vérité : Le mal de notre siècle, nous sommes plus forts qu'eux sur les comman- en fait de religion, ce n'est pas l'hérésie, l'erreur, dements de Dieu, ils nous en remontrent a leur les fausses doctrines; c'est bien pis, c'est l'indiftour sur les commandements de l'Église, qu'ils se férence. La froide indifférence a gagné toutes les rappellent mieux que nous, et dont le principal classes, tous les individus, sans même en excepter est, je crois, donner tout son bien pour le ciel. l'abbé de la Mennais et d'autres orateurs de la Vous me demandez, disait ce bon prédicateur cause sacrée, qui ne s'en soucient pas plus, et le Barlette, comment on va en paradis ? Les cloches font assez voir. Ces amis de l'autel ne s'en approdu couvent vous le disent: donnez, donnez, chent guère: Je ne remarque point qu'ils handonnez. Le latin du moine est joli. Vos quæritis tent les églises. Quel est le confesseur de M. de a me, fratres carissimi, quomodò itur ad pa- Châteaubriand? Certes ceux qui nous prêchent radisum? Hoc dicunt vobis campanæ monaste- ne sont pas des Tartufes, ce ne sont pas des gens rii, dando, dando, dando. qui veuillent en imposer. A leurs œuvres on voit qu'ils seraient bien fâchés de passer pour dévots, d'abuser qui que ce soit : ils ont le masque à la main.

LETTRE VIII.

MONSIEUR,

Véretz, 20 décembre 1819.

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C'est toi qui l'as nommé, docte abbé : notre mal et le tien, l'indifférence pour la religion. Il en a fait un livre, comme ces médecins qui composent les traités sur une maladie dont eux-mêmes sont atteints, et en raisonnent d'autant mieux. Il dit en un endroit, et j'ai bonne mémoire : Est-ce

Chacun ici commente à sa manière le discours royal d'ouverture. Il y a des gens qui disent: On ne restaure point un culte. Les ruines d'une maison, c'est le mot du bonhomme, se peuvent ré-faute de zèle qu'on ne dispute plus, ou faute de parer, non les ruines d'un culte. Dieu a permis que l'Eglise romaine, depuis le temps de Léon X, déchût constamment jusqu'à ce jour. Elle ne périra point, parce qu'il est écrit : Les portes de l'enfer....; mais sont-ce nos ministres qui la doivent relever avec le télégraphe, ou M. de Marcellus avec quelques grimaces? Pour restaurer le paganisme à Rome, les empereurs firent tout ce qu'ils purent, et ils pouvaient beaucoup; ils n'en vinrent point à bout. Marie, en Angleterre, et

disputes qu'il n'y a plus de zèle? Je trouve, quant à moi, que l'on dispute assez et que le zèle ne manque pas; mais depuis quelque temps il a changé d'objet : car, même dans ce qui s'écrit sur la religion maintenant, de quoi est-il question? De la présence réelle? en aucune façon. De la fréquente communion? nullement. De la lumière du Thabor, de l'immaculée conception, de l'ac cessibilité, de la consubstantialité du Père et du Fils, aussi peu? De quoi donc s'agit-il ? du revenu

des prêtres, des biens vendus, de la dîme et des | bois du clergé, soit futaies ou taillis : voilà de quoi l'on dispute. Ajoutez-y les donations, les legs par testament, l'argent, l'argent comptant, les espèces ayant cours : voilà ce qui enflamme le zèle de nos docteurs, voilà sur quoi on argumente; mais de Caron, pas un mot. Du dogme, on n'en dit rien; il semble que là-dessus tout le monde soit d'accord; on s'embarrasse peu que les cinq propositions soient ou ne soient pas dans le livre de Jansenius. Il est question de savoir si les évè- | ques auront de quoi entretenir des chevaux, des laquais, et des...

On demandait naguère au grand vicaire de S.... Quels sont vos sentiments sur la grâce efficace, sur le pouvoir que Dieu nous donne d'exé- | cuter les commandements? Comment accordezvous avec le libre arbitre le mandata impossi- | bilia volentibus et conantibus? Que pensez-vous de la suspension du sacrement dans les espèces, et croyez-vous qu'il en dépende, comme la substance de l'accident? Je pense, répondit-il en colère, je pense à ravoir mon prieuré, et je crois que je le raurai.

C'est un homme à connaître, que ce grand vicaire de S...., homme de bonne maison et d'excellente compagnie. On dit bien l'air aisé ne se prend qu'à l'armée. Il a tant vu le monde? sa vie est un roman. C'est lui dont l'aventure à Londres fit du bruit, quand sa jeune pénitente, belle fille vraiment, épousa le comte d***, officier de cavalerie. Au bout de quinze jours, la voilà qui accouche. Le mari se fâcha; demandez-moi pourquoi? et l'abbé s'en alla, par prudence, en Bohême. Là, on le fit aumônier d'un régiment de Croates. Cette vie lui convenait. Sain, gaillard et dispos, se tenant aussi bien à cheval qu'à table, il disait bravement sa messe sur un tambour, et ne pouvait souffrir que de jeunes officiers restassent sans maîtresse, lorsqu'il connaissait des filles vertueuses qui n'avaient point d'amant; obligeant, bon à tout, le quartier-maitre un jour le prend pour secrétaire. Fort peu de temps après, la caisse se trouva, non comme la pénitente. Bref, l'abbé s'en alla encore cette fois; et de retour en France, depuis quelques années, il y prêche les bonnes mœurs et la restitution.

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Vous vous fâchez contre M. Decazes, et je crois que vous avez tort. Il nous méprise, dites-vous. Sans doute cela n'est pas bien. Mais d'abord, je vous prie, d'où le pouvez-vous savoir, que M. Decazes nous méprise? quelle preuve en avez-vous? Il l'a dit. Belle raison ! Vous jugez par ce qu'il dit de ce qu'il pense. En vérité, vous êtes simples. Et s'il disait tout le contraire, vous l'en croiriez? Il n'en faudrait pas davantage pour vous persuader que M. le comte nous honore, nous estime et révère, et n'a rien tant à cœur que de nous voir contents. Un homme de cour agit-il, parle-t-il d'après sa pensée? Il l'a dit, je le veux, plusieurs fois, publiquement et en pleine assemblée, à la droite, à la gauche; eh bien! que prouve cela? qu'il entre dans ses vues, pour quelque combinaison de politique profonde que nous ignorons vous et moi, de parler de la sorte, de se donner pour un homme qui fait peu de cas de nous et de nos députés; qui craint Dieu et le congrès, et n'a point d'autre crainte; se moque également de la noblesse et du tiers, n'ayant d'égard que pour le clergé. Voilà certainement ce qu'il veut qu'on croie de lui; mais de là à ce qu'il pense, vous ne pouvez rien conclure, ni même former de conjectures, fussiez-vous son intime ami, son confident, ou mieux, son valet de chambre. Car il n'est pas donné à l'homme de savoir ce que pense un courtisan, ni s'il pense. O altitudo!

Vous n'avez donc nulle preuve, et n'en sauriez avoir, de ces sentiments que vous attribuez au premier ministre ; mais quand vous en auriez, quand nous serions certains (comme, à vous dire vrai, j'y vois de l'apparence) que M. Decazes au fond n'a pas pour nous beaucoup de considération, faudrait-il nous en plaindre et nous en étonner? Il nous voit si petits de ces hautes régions où la faveur l'emporte, qu'à peine il nous distingue; il ne nous connaît plus; il ne se souvient plus des choses d'ici-bas, ni d'avoir joué à la fossette. Et, en un autre sens, M. Decazes est de la cour; il n'est pas de Paris, de Gonesse ou de Rouen, comme, par exemple, nous sommes de notre pays, chacun de son village, et tous Français, mais lui : La cour est mon pays; je n'en connais point d'autre ; et, de fait, y en a-t-il d'autre ? On le sait; dans l'idée de tous les courtisans, la cour est l'univers; leur coterie, c'est le monde; hors de là, c'est néant. La

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