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fit pourtant rien dans le palais, mais il sortit seul avec le carrosse. Une femme, tenant la bride de ses chevaux, lui dit : « S'il y avoit quatre femmes » comme moi, tu serois déchiré dans le moment. >> Elle avoit perdu son mari. Il descendit et lui dit : Vous êtes des canailles!» Le peuple le suivit, brisa le carrosse, et maltraita si fort le cocher... qu'il mourra, dit-on, aujourd'hui... Il ne s'en est guère fallu qu'il n'y ait une sédition entière... On a enterré les gens morts et cela s'est apaisé. Law vouloit sortir, mais on l'en empècha. Il est demeuré dans le Palais-Royal... pendant dix jours sans sortir. Le régent s'habilloit pendant ce fracas; il étoit blanc comme sa cravate, et ne sa

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voit ce qu'il demandoit..... Depuis ce jour-là, la banque n'a point été ouverte, et l'on ne paye nulle part (cette banque qui étoit si florissante à la fin de l'autre année, où l'on demandoit à un homme qui auroit demandé 2 millions s'il vouloit de l'or ou de l'argent!), en sorte que l'on se passe d'argent avec grande peine, et on le vend toujours à la place ouvertement; il a été jusqu'à 50 pour 400, ce qui est indigne, car on ne veut de billets nulle part, et on est obligé de prendre à crédit. »> (Journ. de Barbier.) «Et pourtant, ajoute-t-il plus loin, on est si accoutumé au luxe et au plaisir... que, malgré la misère générale où l'on est, puisque dans les meilleures maisons il n'y a pas un sol et que la circulation des choses nécessaires à la vie et à l'entretien se fait par crédit, tout le monde crie et se plaint; cependant je n'ai jamais vu un spectacle plus rempli et plus superbe qu'hier mercredi, 24 novembre, à l'Opéra... Il est impossible que le régent, en voyant tout cela, se repente ni soit touché de tous les maux qu'il fait. »

Le 14 décembre 1720, Law sortit de Paris, non point en fugitif, car il ne cédait qu'à la mauvaise fortune et restait toujours en faveur : aussi reçut-il au départ la visite d'adieu de tous les seigneurs. Le peuple l'accusa d'avoir emporté « une antité étonnante de chariots pleins d'or et d'argent », quand il s'en allait ruiné, n'ayant conservé de toutes ses richesses qu'à peine 2000 louis, et comptant sur l'affection du régent pour payer ses dettes et protéger ses enfants. La grandeur de son désastre ne l'avait pas accablé; il conservait fière et constante la foi en ses idées, qu'une déception n'avait point convaincues de vanité; il refusa pourtant d'en aller renouveler l'expérience auprès de Pierre le Grand qui le faisait appeler, vécut quelque temps à Londres des libéralités du marquis de Lassay, et mourut à Venise, en 4729, après quelques années de solitude et de pauvreté. «En travaillant, écrivait-il au régent, j'avois eu vue d'ètre utile à un grand peuple; je ne désirois les biens ni les charges qu'autant qu'elles pourroient m'aider à réussir dans mon dessein. » Et Philippe d'Orléans, qui l'avait vu de près à l'auvre et qui savait apprécier les grands esprits, ne l'oublia jamais, et n'était pas loin, dit-on, aux derniers jours de sa vie, de rappeler Law et de lui livrer de nouveau la France.

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En attendant occasion nouvelle, il fallut réorganiser l'État; on fit un recensement de toutes les fortunes des citoyens, « ce qui étoit une entreprise non moins extraordinaire que le système. Ce fut l'opération de finance et de justice la plus grande et la plus difficile qu'on ait jamais faite chez aucun peuple.» (Voltaire.) Elle fut imaginée et conduite par les quatre frères Paris, qui, jusque-là, n'avaient point eu de part principale aux affaires publiques, et qui parvinrent à débrouiller le chaos. Cinq cent onze mille et neuf citoyens, la plupart pères de famille, portèrent

leur fortune en papier à ce tribunal. Un tiers des valeurs fut annulé, le reste converti en rentes. L'État se trouva chargé de 4 634 millions de dettes. De tous ces débris de tant d'entreprises hardies, il resta debout la compagnie des Indes, dépouillée, il est vrai, de tous les monopoles intérieurs dont elle s'était successivement agrandie, des recettes et de l'administration des impôts, mais libre maîtresse toujours de ses priviléges commerciaux dans les colonies, et qui put quelque temps encore se croire la rivale des compagnies de Londres et d'Amsterdam. En somme, « ce fameux système de Law, qui semblait devoir ruiner la régence et l'État, soutint en effet l'un et l'autre par des conséquences que personne n'avait prévues. La cupidité qu'il réveilla dans toutes les conditions, depuis le bas peuple jusqu'aux magistrats, aux évêques et aux princes, détourna tous les esprits de toute attention au bien public et de toute vue politique et ambitieuse, en les remplissant de la crainte de perdre et de l'avidité de gagner... Il arriva, par un prestige dont les ressorts ne purent être visibles qu'aux yeux les plus exercés et les plus fins, qu'un système tout chimérique enfanta un commerce réel... Enfin, s'il y eut beaucoup de fortunes particulières détruites, la nation devint bientôt plus commerçante et plus riche. Ce système éclaira les esprits comme les guerres civiles aiguisent le courage. » (Voltaire.) Le branle avait été violemment donné à sortir enfin de la routine des vices et des abus antiques, et à ouvrir quelque chance dès lors prévue à l'esprit nouveau d'initiative et de liberté.

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A travers ces épreuves singulières qui portaient si haut et tout d'un coup menaçaient d'anéantir le crédit public, les préoccupations du régent n'avaient pu oublier d'autres dangers qui, pour venir de plus loin, devaient aussi néanmoins amener leur crise prochaine. Sous l'influence d'un grand ministre, l'Espagne, gouvernée par un roi presque fou, s'était laissée reprendre à ses idées d'ambition. Albéroni, fils d'un jardinier des environs de Parme, reçu aux ordres ecclésiastiques, puis mis en relation avec Vendôme, à qui ses bouffonneries, ses soupes au fromage, ses contes orduriers surtout savaient plaire, puis à la mort du maréchal nommé par le prince de Parme son résident à Madrid, avait, avec ce simple titre, pris un ascendant tout-puissant sur la reine Élisabeth Farnese, seconde femme de Pilippe V, .et, par elle, sur la monarchie. Les finances de l'Espagne rétablies, il ne demandait que cinq ans de paix pour ranimer l'agriculture, créer à nouveau une marine, renouveler toutes les sources vives de l'État, et se trouver assez fort pour ressaisir une à une toutes les conquêtes abandonnées par la paix d'Utrecht. Il sentait sous sa main tout reprendre, vie et puissance, et pour gagner du temps et séduire l'esprit borné

et rancunier de Philippe, il lui faisait habilement entrevoir, en cas de mort du jeune et faible roi de France, la restitution de son droit, solennellement délaissé, à la couronne des Bourbons.

C'était une menace directe contre le régent, menace que sut exploiter la politique du gouvernement anglais, effrayé déjà de cette reconstitution si rapide et si inattendue d'une puissance autrefois sa rivale sur les mers et qu'on croyait pour jamais déshéritée. Il trouva pour auxiliaire, à la cour même de France, un personnage de bonne volonté, type singulier de cette époque, ce fripon d'abbé Dubois, le plus grand coquin qu'il y ait au monde», comme le disait à son fils la duchesse douairière d'Orléans. Parvenu, de même qu'Albéroni, par des services honteux à la faveur du prince, précepteur de petits bourgeois, puis introduit par un valet dans la maison du frère de Louis XIV, puis tout à coup bombardé précepteur » du duc de Chartres, il avait su faire sa fortune en pervertissant les mœurs du jeune prince, et aussi en s'entremettant à propos pour son mariage avec Mile de Blois, fille légitimée de Louis XIV, qui l'en avait récompensé par le don d'une abbaye. A l'avènement de son élève à la régence, celui-ci n'eut rien de plus pressé que de le nommer conseiller d'État, au grand scandale de la magistrature, et lui laissa la haute main dans toutes les intrigues. « C'étoit un petit homme maigre, effilé, chafouin, à perruque blonde, à mine de fouine, a physionomie d'esprit. Tous les vices, la perfidie, l'avarice, la débauche, l'ambition, la basse flatterie, combattoient en lui à qui demeureroit le maître. Il mentoit jusqu'à nier effrontément étant pris sur le fait. Malgré un bégayement factice, auquel il s'étoit accoutumé pour se donner le temps de pénétrer les autres, sa conversation instructive, ornée, insinuante, l'auroit fait rechercher, si tout cela n'eût été obscurci par une fumée de fausseté qui lui sortoit de tous les pores et qui faisoit que sa gaieté attristoit. » (Saint-Simon.) A la demande de lord Stanhope, il fut chargé de la direction des affaires étrangères, et il l'en remerciait plus tard en lui disant « J'en ferai usage selon mon cœur, c'est-à-dire pour le service de Sa Majesté Britannique, dont les intérêts me seront toujours chers.» (Lettre du 44 octobre.4748.) Il recevait de l'Angleterre, avec la permission du régent, une pension annuelle de 500 000 livres. Malgré l'éloignement personnel du roi Georges pour le régent, Dubois réussit à conclure le traité fameux qui détachait la France, pour un quart de siècle, de ses traditions, la Triple alliance, signée à la Haye, le 4 janvier 1747, entre la France, la Hollande et l'Angleterre «J'ai signé à minuit, écrivait-il au régent; vous voilà hors de page, et moi hors de peur. » Quelques mois plus tard, l'Autriche à son tour y devait adhérer. Ces stipulations confirmaient tous les arrangements de la paix d'Utrecht pour la succession aux couronnes de France et d'Angleterre. Le régent s'engageait de plus à

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rompue, le czar Pierre, le créateur de la Russie. Un habit de bouracan ou de drap, un large ceinturon où pendait un sabre, une perruque ronde sans poudre, une chemise sans manchettes, c'est en cet accoutrement qu'il courait la ville, se jetant dans la première voiture de rencontre, entrant dans les boutiques, surtout dans les ateliers. On lui étala les diamants de la couronne, il les regarda à peine; mais il admira l'ouvrage des Gobelins, alla deux fois à l'Observatoire, s'arrêta longtemps au jardin des Plantes, et s'entretint avec les charpentiers qui construisaient le pont

tournant. « Le 44 juin, il se rendit à Saint-Cyr, vit toutes les classes, se fit expliquer les exercices des pensionnaires, et monta ensuite chez Mme de Maintenon, qui, l'ayant prévu, s'étoit mise au lit, ses rideaux et ceux de ses fenêtres fermés. » (Duclos, Mém. secrets.) Il essaya inutilement de donner un but diplomatique à son voyage, en proposant au régent un traité secret qui eût mis à la disposition de la France, avec les forces naissantes du nouvel empire, celles de la Suède et de la Pologne; le régent, déjà inquiet des jalousies de l'Angleterre, crut beaucoup faire en con

sentant, comme à contre-cœur, un simple traité de commerce qui accréditait pour la première fois une ambassade et un consul à la cour de Russie.

Albéroni, de son côté, s'était efforcé d'opposer coalition à coalition. A son instigation, les Tures envahissaient la Hongrie, et vingt-sept vaisseaux espagnols avec trois mille trois cents hommes de débarquement occupaient l'île de Sardaigne, puis bientôt après celle de Sicile; et, pendant que Jacques III faisait mine d'aborder en Angleterre, des agents, qui se croyaient sûrs de leurs démarches, mais dont Dubois suivait toutes les intrigues, sondaient à Paris les ennemis secrets ou déclarés du gouvernement. Le duc et la duchesse du Maine, quelques seigneurs ruinés, quelques jeunes gens, s'y laissèrent prendre; on recruta quelques conspirateurs en province, dans la Bretagne surtout qui regrettait les antiques priviléges. On devait arrèter le régent, convoquer les États généraux, nommer Philippe V à la régence. Au dernier jour, une entremetteuse, affiliée des soupers du Palais-Royal, vint avertir Dubois et lui livrer la preuve des menées espagnoles (4 décembre 1748). Le prince de Cellamare, ambassadeur de Philippe V, fut arrêté et reconduit à la frontière; le duc et la duchesse du Maine furent renfermés à Dourlens et à Chalons, puis relâchés. Le temps des rigueurs politiques était passé; mais la guerre contre l'Espagne, but secret de l'Angleterre, désir du duc d'Orléans, présentée dès lors comme une nécessité et un recours suprême contre des cabales perfides, fut acceptée avec moins de répugnance par l'opinion. Déjà les Turcs avaient été vaincus à Petervaradin et à Belgrade, la flotte espagnole surprise par les Anglais et anéantie à Syracuse, l'expédition de Jacques III assaillie et dispersée par la tempête en vue des côtes d'Angleterre; tous les projets d'Albéroni se tournaient contre lui. L'armée espagnole, après une défense héroïque de Messine, fut chassée de la Sicile par une armée autrichienne que soldait la France et qu'avaient débarquée des vaisseaux anglais. Dans le courant d'avril 1749, le maréchal de Berwick franchissait les Pyrénées, livrait aux flammes les chantiers du Passage, principal établissement maritime de l'Espagne sur les côtes de l'Océan, et s'emparait de Fontarabie. Philippe V, réduit au désespoir en voyant son impuissance, s'était mis à la tète des restes de son armée dispersée sur toutes les plages de la monarchie. Il avait fait peindre sur ses drapeaux les fleurs de lis de France, dans l'espoir de rappeler aux vieilles troupes de Louis XIV qu'elles avaient combattu autrefois pour lui conquérir sa couronne. Néanmoins il lui fallut céder le terrain, et gagner Pampelune en toute hate. Saint-Sébastien se rendit le 1er août, pendant que les escadres alliées, pour la plus grande gloire de l'Angleterre, allaient brûler à Santogna les derniers vaisseaux et les chantiers espagnols, «afin, écrivait Berwick au régent, que le gouvernement d'Angleterre puisse faire voir

au parlement prochain que l'on n'a rien négligé pour diminuer la marine d'Espagne. » Albéroni tomba devant tant de revers, et le roi d'Espague subit les conditions que lui voulut imposer la quadruple alliance. Ses troupes évacuèrent la Sardaigne et le Milanais, dont le duc de Savoie et l'Autriche reprirent possession; mais on accorda à l'infant d'Espagne l'expectative des duchés de Parme, de Plaisance et de Toscane (janvier 4720). La France avait dépensé 82 millions, oublié ses vieilles traditions, trahi ses affections généreuses et ses intérêts les plus pressants, pour ruiner une puissance amie, livrer l'Italie à l'Autriche, la domination des mers à l'Angleterre, et mériter à Dubois la pension qu'il touchait de l'étranger.

Mais celui-ci n'avait garde de se contenter pour si peu. Au moment même, l'archevèché de Cambrai devint vacant. « J'ai fait cette nuit, dit-il un matin au prince, un plaisant rève; vous me nommiez archevêque de Cambrai! — Qui? toi? archevêque? s'écria le régent; mais tu es un sacre! et quel est l'autre sacre qui te voudra sacrer? - Ah! s'il ne tient qu'à cela, repartit Dubois, l'affaire est faite. »> Il avait dans son antichambre l'archevêque de Rouen, Lavergne de Tressan, qui s'offrit à lui administrer, dans une matinée, depuis la tonsure jusqu'à la prêtrise. Ainsi fut dit et fait. Massillon, le doucereux rhéteur, âme honnête pourtant, mais faible et prompte à l'adoration du pouvoir, comme tant d'autres à qui les paroles sonores coulent facilement du cœur et des lèvres, se portant caution

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de la pureté des mœurs et de la science ecclésiastique » de l'abbé Dubois, fut un de ses parrains. Le pape envoya les bulles. Le cardinal de Rohan célébra la cérémonie du sacre au Val-de

Grâce, en grande pompe, devant toute l'Église et toute la noblesse de France (9 juin 1720). La conscience publique se souleva contre ces scandales outrageants. Depuis des siècles qu'il était fait marché des choses religieuses, on n'avait pu voir sans doute, en face de pareille turpitude une telle abjection de servilité. Avant que la philosophie et la raison, qui depuis longtemps travaillaient silencieuses, eussent la voix assez forte pour se faire entendre, de tels spectacles parlaient assez haut et semaient dans les foules humiliées la répugnance et le mépris d'un culte qui admettait de pareils ministres et trouvait dans son clergé, si apre à la défense de ses priviléges et de ses revenus usurpés, tant de complices et tant d'indignité.

Le successeur de Fénelon, pourtant, rêvait d'autres grandeurs encore; il lui fallait obtenir la pourpre, et ce chapeau de cardinal qui avait protégé Mazarin et Richelieu. Comme à toutes les époques d'indifférence ou d'hypocrisie, les questions les plus oiseuses avaient envahi le domaine de la foi, et les intéressés s'y jetaient avec d'autant plus de zèle et d'intolérance qu'ils se sentaient plus en peine de convaincre de leur sincérité. Contre la bulle Unigenitus (p. 308), source inépuisable de troubles, plusieurs évêques, les parlements, l'Université,

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avaient appelé au futur concile. Dubois fit publier une déclaration royale qui annulait ces manifestations, et ordonnait d'enregistrer sans modification la bulle, qui devenait ainsi loi de l'État et de l'Église. Le Parlement de Paris, alors en exil a Pontoise par suite de son opposition au système de Law, menacé d'ètre confiné à Blois, fit quelques remontrances, puis consentit l'enregistrement (4 décembre). Après un tel service rendu à la cour de Rome, Dubois regarda ses titres comme suffisants et insista pour obtenir la faveur qu'il sollicitait. Le roi d'Angleterre appuya les instances de son protégé auprès du régent, qui, par moquerie, consentit à en écrire au saint-siége. Pendant dixhuit mois, l'Europe entière vécut de cette attente, et la diplomatie de toutes les cours lutta d'adresse et d'audace pour arracher ou retarder ce titre tant désiré. Dubois pressait, menaçait, priait «Je ne vous répète rien, écrivait-il au jésuite Lafiteau, son agent, de ce que je me ferois une gloire et un plaisir de faire à l'égard de Sa Sainteté : soins, offices, gratifications, estampes, livres, bijoux, présents, toutes sortes de galanteries; chaque soir on verra quelque chose de nouveau et d'imprévu pour plaire,. et qui surprendra lorsque je serai en droit de le faire par reconnaissance. C'est le fond de mon naturel. Clément XI ne cédait pas et n'avait encore livré que des promesses; mais lorsqu'il mourut, la faction française, toute-puissante dans le conclave par l'abstention volontaire de l'Espagne et de l'empereur, largement payée d'argent et d'espérances, mit la tiare à la main de qui consentit à cardinaliser Dubois. Un vieux prélat romain, Michel-Ange Conti, s'y engagea, et, élu pape sous le titre d'Innocent XIII, envoya, non sans délai ni nouvelles finances, le chapeau de cardinal depuis si longtemps attendu (46 juillet 1724).

Rien ne me surprend en cela!

Et ne sait-on pas comme De son cheval, Caligula

Fit un consul de Rome?

On chansonnait, mais les railleries n'empêchèrent pas le nouveau cardinal d'ètre admis au conseil de régence; bientôt même, comme le roi approchait de sa majorité, le duc d'Orléans, pour conserver sous un autre nom son pouvoir et ne pas créer un premier ministre, nomma Dubois ministre principal (24 août 1722). Il ne manquait plus à «ce drôle que les honneurs académiques; il y atteignit sans peine, et, à sa réception, Fontenelle fit l'éloge de ce triste favori de la fortune. Enfin, l'assemblée du clergé de France l'élut son président (40 août 1723).

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firmités se réveillérent, qui rendirent nécessaire une opération douloureuse et incertaine; et comme, au jour fixé, le temps était chaud et tournait à l'orage, «J'espère, dit le régent, que ce temps-là fera partir mon drôle. » Le patient s'emporta contre les médecins, sacra comme à son ordinaire, fit venir

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Monnaie de Louis XV. Petit écu, dit de Navarre, en argent.

un récollet avec qui il fut seul environ un quart d'heure. Un aussi grand homme de bien, et si bien préparé, n'avoit pas besoin de davantage; il évita la communion, sous prétexte qu'il ignoroit le cérémonial usité en cette occasion par un cardinal. >> (S.-Simon.) Avant qu'il eût pu l'apprendre, il était trépassé sans viatique (40 août 1723). L'assemblée du clergé lui rendit les honneurs habituels, et un mausolée lui fut érigé, dans l'église Saint-Honoré, par le célèbre Coustou; mais on s'épargna toute oraison funèbre.

MINISTÈRE DU DUC DE BOURBON.

Dubois mort, le duc d'Orléans se trouva seul à reprendre en titre la direction des affaires; mais ses habitudes étaient ailleurs : fatigué de vices, usé de plaisirs, épuisé de généreuse ambition et de toute activité, il n'avait plus de force et d'intelligence que pour ces orgies où sa vie, il le savait, était condamnée. Un moment il pensa ressaisir quelque ardeur de jeunesse et d'aventure; il n'avait cessé d'admirer le génie de Law; il y voulait recourir encore, quand une attaque d'apoplexie, attendue, espérée par lui, l'emporta, comme il le désirait, en pleine débauche (2 décembre 1723).

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