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d'études assidues qu'il affecte de rappeler sans cesse pour rassurer les inquiétudes des gens de cour, l'esprit ouvert pourtant sur ce monde d'affaires confuses qu'il avait un instant dominées, et où sa place restait vide. La reine mère, épiée dans toutes ses démarches, entourée de serviteurs gagnés par ses ennemis, attendait avec meilleur espoir. Au milieu de l'abandon général qui avait suivi sa chute, elle avait vu se manifester peu à peu une réaction violente, soulevée par l'incapacité des gouvernants, l'irritation des espérances déçues, la pitié aussi de sa captivité, dont la rigueur était portée à l'excès par son fils et ses conseillers. «Cependant, pour se mettre en liberté, comme elle prétendoit, il ne suffisoit pas qu'elle le voulust ny beaucoup de petits particuliers aussy, mais il falloit un homme qui osast l'aller prendre où elle estoit, et qui pust, après cela, luy donner une retraite asseurée. » (Fontenay-Mareuil.) Le duc d'Épernon s'y offrit «Il étoit mécontent d'elle, et venu à la cour pour se joindre au parti du roy.» (Rohan.) Les mauvais traitements qu'il y eut à subir du favori, le refus du cardinalat pour son fils, sa charge de colonel menacée, une dispute de préséance avec le garde des sceaux du Vair, le dégoûtèrent d'y rester plus longtemps. Il partit sans prendre congé, et gagna Metz, puis traversa toute la France avec une troupe de gentilshommes. Dans la nuit du 24 au 22 février 4649, Marie de Médicis s'était évadée du château de Blois, gagnait Loches, et allait, avec d'Épernon, s'enfermer dans Angoulème. La cour fut vivement alarmée, mais personne ne remua. « Des seigneurs même qui envioient la belle action du duc d'Épernon, peu se vouloient ranger sous son humeur altière, et tous croyoient bien que le tout aboutiroit à une paix, et se fàchoient de s'y embarquer pour en avoir la haine du roy et laisser l'honneur de l'entreprise aux autres. » (Rohan.) Luynes fit pourtant assembler une armée; on occupa sans grande résistance les villes d'Uzerche en Limousin et de Boulogne-sur-Mer, qui appartenaient à d'Épernon; mais les hostilités s'arrêtèrent là. On se rappela à propos les offres de l'évêque de Luçon, et sur ses promesses, transmises par son beau-frère, de porter la reine à la conciliation, il lui fut permis de se rapprocher d'elle, « et aussi pour mettre en jalousie les principaux auteurs de

sa délivrance, ce qui ne manqua d'arriver. » Richelieu survint « quand les choses estoient à la dernière extrémité; la reine ne sçachant plus que faire ni entre les bras de qui se jetter... elle le reçut comme un envoyé du ciel. » (Fontenay-Mareuil.) Bientôt, par son entremise, la paix signée à Angoulême accorda à la reine mère, avec la liberté complète de ses actions, trois places de sùreté et le gouvernement de l'Anjou (29 août 1649).

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Ce n'était là d'ailleurs qu'une trève sans illusions pour aucun parti, et le roi, dès son retour à Paris, se prépara, pour les événements qu'on pouvait déjà prévoir, un utile auxiliaire en rendant la liberté à Condé. Luynes, plus puissant que jamais, disposait de toutes les gràces, et « son gouvernement étoit devenu tellement violent et absolu qu'il avoit cabré tout le monde, même ses meilleurs amis. » (Rohan.) Il avait ainsi blessé les dues du Maine et de Longueville en leur enlevant des charges qu'il trouvait mieux aux mains des siens, et toute la noblesse par une promotion de ducs et pairs où lui-même et toute sa famille s'étaient fait comprendre, au détriment de hautes prétentions déçues. Tous les mécontents « yenoient fondre »> à Angers et embarrasser la reine mère, dont ils entravaient la politique de prudence. « Tous vouloient de l'argent et promettoient merveille; ils prirent l'un, manquèrent l'autre, et ne tromperent personne, parce qu'on n'avoit rien attendu d'eux. » (Richelieu.) L'assemblée triennale des réformés, réunie alors à Loudun, depuis le 25 septembre 1649, et qui ne cessait de signaler au roi, sans pouvoir se faire écouter, les violations de l'édit de pacification, envoya même une députation à la reine mère, qui reçut ses compliments et lui fit accueil et honneur. Bientôt la plupart des gouverneurs de provinces se déclarèrent hautement contre le favori; de la Seine à l'Adour, tout le royaume prit les armes. « M. de Luçon, qui ne s'endormoit pas comme Luynes, traitoit de tous les costez.» (Fontenay-Mareuil.) Aucune ligue de grands ne s'était encore présentée aussi formidable.

Luynes pourtant n'hésita guère, et le roi, alors âgé de dix-neuf ans, leste de corps, adroit de main, qui avait pris goût, dès le premier jour, aux manoeuvres des soldats et au métier de géné

évesques d'Angers, Chaallons-sur-Saone, Paris, Grenoble, Poictiers et d'Antriguet.-E, E, la noblesse : à la main droite, MM. de Ragny, de Palezeau, de la Noüe, de la Mailleraye, Dambres et Dandelot; à la main gauche, MM. de Beuvron, de Montpezat, de Vaillac, de Souliers, de Morges, de la Roche-Beaucourt, du Plessis-Mornay. F, pour le Parlement de Paris, MM. de Verdun, premier président, et Seguier, président audit Parlement. G, MM. le Masurier, Frère, Brulard, de Ris, de Bras et de Cussé, premiers présidents des Parlements de Thoulouse, Grenoble, Dijon, Rouen, Aix et Reines. H, MM. Mollé, de Saint-Félix, de Seré (?), Picardet, Bretignières, de Vergons, de Merebœuf, procureurs généraux des Parlements de Paris, Thoulouse, Grenoble, Dijon, Rouen, Aix et Reines. 1, MM. Nicolaï et de Motteville, premiers présidents des Chambres des comptes de Paris et Rouen, et MM. Lhuillier et de la Vache Saint-Jean, procureurs généraux desdites Chambres des comptes de Paris et de Rouen. -K, MM. Chevallier et Des-Hameaux, premiers présidents des Cours des aydes de Paris et Rouen, et MM. Tonnellier et de la Montagne, procureurs généraux desdites Cours des aydes de Paris et Rouen.-L, M. de Mesme, lieutenant civil de la prévosté de Paris. -M, M. Bouchet, sieur de Bouville, prévost des marchands de la ville de Paris. - N, M. le président Janin, superintendant général des finances. O, MM. de Meaupeou, président, de Cheury, d'Eangeau de Castille, intendants des finances, aux deux séances qu'ils ont eues à l'assemblée. -P, M. de Flecelle, greffier.-Q. M. de Rhodes, grand maître des cérémonies de France.R, M. de Braue, gouverneur de Monseigneur, frère du roy, et M. Douailly, capitaine des gardes.S, M. de Mansan, soubsgouverneur de mondit seigneur frère du roy.T, M. le Royer, secrétaire de Monseigneur frère du roy.-V, les huissiers du conseil d'Estat.

ral, marcha rapidement sur la Normandie. Sa présence suffit pour rétablir l'ordre: « Rouen est assuré, Caen se rend, Alençon fait de même; toute la noblesse fait joug. » (Rohan.) A la nouvelle de ces défections, la reine, comme pour justifier la fidélité des grands qui défendaient sa cause, adressa à son fils un manifeste où elle réclamait à son tour ces mêmes réformes dans l'État que trois fois avait prétendu lui arracher à elle-même la rébellion des grands. Une lettre aigre et violente, à l'adresse des peuples, où elle rappelait les indignes traitements dont on l'avait abreuvée, fut supprimée par Richelieu, pour ne pas irriter à l'excès des ennemis qu'on n'était pas sûr de vaincre, et conserver des chances de paix. Le roi, poursuivant ses succès presque inespérés, traverse la Bretagne, s'achemine vers le Mans, et de là droit sur Angers. Marie, qui s'était avancée jusqu'à la Flèche, recula, attendant les renforts amenés par d'Épernon, Rohan, Mayenne, et se préparant à défendre le passage de la Loire, protégé, en amont des Ponts-de-Cé, par quelques travaux rapides et de difficile défense; mais, mal servie, débordée par les brouilleries des princes, les intrigues, les prétentions contraires, elle autorisait ses meilleurs conseillers à négocier une paix que le roi se montrait disposé à faciliter par des concessions. Il ne restait guère qu'à signer les préliminaires acceptés, quand, le 7 août, en poussant une reconnaissance « plustôt par divertissement qu'autrement, car ils attendoient à tous moments les dépêches du traité » (Bassompierre), MM. de Créqui et de Nérestan s'emparèrent, presque sans résistance, des retranchements et de la ville des Ponts-de-Cé, abandonnés par le duc de Retz, «< sur un mécontentement imaginaire que la paix se faisoit sans lui.» (Richelieu.) La petite cour d'Angers se trouvait ainsi tout d'un coup coupée de toute communication avec les provinces insurgées d'outre-Loire, et isolée au milieu de l'armée royale. La déroute et le désordre qui s'ensuivit furent tels que les querelles éclataient au fur et à mesure qu'y arrivaient des fuyards. «Quelques-uns des plus huppés fondoient en larmes au lieu de chercher des expédients de se retirer de ce bourbier.» (Richelieu.)

L'évêque de Luçon, pourtant, qui n'était point sans quelque relation secrète avec de Luynes, reprit, au nom de la reine, les négociations; le roi, maintenant les conditions antérieures, renouvela purement le traité d'Angoulême (9 août 1620), et, trois jours après, se réconcilia publiquement avec sa mère, au château de Brissac. Après une seconde entrevue à Tours, il prit le chemin de la Saintonge et de la Guyenne, ou d'Épernon, « faisant, comme on dit, de nécessité vertu » (Brienne), vint au-devant de son armée, et reçut le roi avec honneur et respect. Louis XIII s'assura de Blaye en passant, fit peu de séjour à Bordeaux, mais s'arrêta à Preignac, où il attendit des nouvelles des affaires du Béarn. Une ordonnance de 1617 avait restitué au clergé catholique de cette province les

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biens dont les réformés s'étaient emparés; mais le conseil souverain du pays avait déclaré l'ordonnance royale « subreptice et attentatoire aux fors et coutumes.» Des lettres réitérées de jussion n'avaient pas été mieux obéies, et l'assemblée générale de Loudun avait fait de cette cause la cause de tout le parti. « Il faut aller à eux! » dit le roi; et, entrant en Béarn, il marcha droit à Pau, rélablit le clergé dans ses biens, le culte catholique dans les églises, mit garnison à Navarreins, et, par édit enregistré au Parlement de Pau, réunit le Béarn et la basse Navarre à la couronne de France (octobre 1620).

Le roi n'eut pas plutôt repassé la Loire que presque tout le Midi se levait en armes, et qu'une grande assemblée des églises protestantes, malgré les défenses expresses de la cour, se réunissait à la Rochelle (24 décembre 4620). Louis XIII refusa de recevoir ses remontrances, publia une déclaration qui renouvelait les édits, et fit résolûment avancer l'armée, commandée par Luynes, nommé tout exprès connétable. Les protestants se préparérent à la résistance; mais l'ardeur manquait, surtout parmi les chefs. Lesdiguières servait dans l'armée royale; Bouillon, retenu à Sedan malade, Duplessis-Mornay, Rohan même, désapprouvaient la prise d'armes; Rohan déclara néanmoins être aux ordres des églises, et accepta le commandement de la haute Guyenne et du Languedoc, pendant que Soubise, aussi dévoué que lui à la cause, prenait à sa charge celui du Poitou et de la Bretagne. Le roi profita de son passage à Saumur pour mettre garnison dans le château, où depuis trente-quatre ans commandait Duplessis-Mornay, et offrit en compensation au vieux capitaine

Monnaie en argent de Louis XIII (pied-fort du demiquart d'écu blanc, ou louis d'argent).

cent mille écus et le bâton de maréchal, qu'il refusa avec indignation. Thouars, Niort, tout le Poitou, firent soumission sans résistance; cependant il fallut mettre le siége devant Saint-Jean-d'Angély, où s'était enfermé Soubise. La ville capitula pourtant le 25 juin, et vit ses fortifications rasées, ses priviléges supprimés. Le roi, laissant d'Épernon bloquer la Rochelle, entra en Guyenne, où seule la petite ville de Clérac tint quinze jours; mais Montauban, défendue par la Force et ses deux fils, et par le premier consul Dupuy, homme d'activité et de résolution, tint tête à l'armée royale. Investie le 18 août, elle repoussa tous les assauts, et, se

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vant la petite place de Monheur sur la Garonne ; mais, avant mème qu'on eût eu le temps de la sacca— ger, il fut atteint de la maladie qui courait l'armée, et mourut presque subitement. Il était temps; le roi même en était las, et ne s'en cachait plus à ses familiers, tout tremblants de ces dangereuses confidences. « Cet homme sy grand et sy puissant

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Pièce de plaisir, en or, de Louis XIII, pesant huit livres (1).

se trouva néanmoins tellement abandonné et mesprisé, tant dans sa maladie qu'après sa mort, que pendant deux jours qu'il fust à l'agonie, à peine y avoit-il un de ses gens qui voulust demeurer dans sa chambre, les portes en estant tousjours ouvertes et y entrant qui vouloit, comme sy c'eust esté le moindre des hommes; et quand on porta son corps pour estre enterré, je crois, à sa duché de Luynes, au lieu de prestres qui priassent pour luy, j'y vis de ses valets jouer au piquet sur son cercueil, pen

(*) Ces pièces n'avaient pas cours; elles étaient employées au jeu, ou aux libéralités du roi.

dant qu'ils faisoient repaistre leurs chevaux. » (Fontenay-Mareuil.)

Le roi, laissant quelques troupes en Guyenne, revint à Paris, et trouva sur le chemin Condé, qui, au premier bruit de la mort de Luynes, accourait recueillir son héritage. Sous son influence et malgré la reine mère, la guerre fut bientôt reprise avec acharnement. L'armée de Soubise, attaquée dans l'île de Rié, près l'embouchure de la Loire, quand elle attendait le flot pour s'embarquer, fut exterminée, et les prisonniers, au nombre de plus de trois mille, massacrés sur place ou envoyés aux galères (16 avril 1622); la ville de Royan capitula;

Poitou et de Saint-Jean-d'Angély. Le prince de

mais Tonneins, Négrepelisse, emportées d'assaut, furent mises à feu et à sang. Bientôt les expé-Condé, à la première nouvelle de la paix traitée à

dients d'une autre politique amenèrent l'un après l'autre à composition les principaux chefs de parti. Lesdiguières se convertit et reçut, au sortir de la messe, le brevet de connétable, depuis longtemps promis. Le petit-fils de Coligny, Châtillon, livra Aigues-Mortes au même prix que la Force vendit sa conscience, 200 000 écus et le bâton de maréchal de France. Rohan seul et Soubise, fermes dans leur foi et dans leurs libres espérances, tenaient la campagne et recrutaient des alliés. Ils purent croire d'abord à des chances nouvelles de secours inattendus. Les armées de Mansfeld et de Christian de Brunswick, aventuriers un moment heureux, à cette heure refoulés hors du Palatinat par les retours divers de la guerre qui mettait alors l'Allemagne en feu, cherchaient fortune et se rapprochaient de la frontière, aux instances de Rohan et de Bouillon, qui leur offraient la route belle à travers de riches provinces. Le chemin était libre, le roi absent, les troupes étaient occupées ailleurs, Paris était découvert. L'inquiétude commençait à gagner la France à la pensée de ce danger imprévu. Le duc de Nevers, gouverneur de Champagne, ne pouvant lutter de vive force, fit transmettre aux chefs de ces bandes des offres brillantes et la proposition d'entrer au service du roi, et les tint ainsi incertains quinze jours; dès qu'il eut sous la main 12 000 hommes de pied et 4 500 chevaux, il prit un autre langage. Menacées sur leurs derrières, ces armées eurent grand'peine à se frayer passage par les plaines de Fleurus et à rejoindre le prince d'Orange à Bréda.

Louis XIII, sans se laisser préoccuper de ces dangers lointains, avait occupé Privas, Nîmes, Uzès, et investi Montpellier. On était sur la fin d'août ; l'armée était fort réduite par une campagne de siéges multipliés et de petite guerre; les habitants de Montpellier étaient résolus à une résistance opiniâtre. Malgré Lesdiguières pourtant, et malgré l'avis du conseil, le roi s'en tint à l'opinion de Condé. Au bout de six semaines, aucune apparence encore ne se montrait de prendre la ville; le désordre régnait dans l'armée; le mécontentement devenait général; les maladies décimaient le camp. Le roi vit avec plaisir l'issue heureuse de négociations, qu'il n'avait pas autorisées, entre Lesdiguières et Rohan. Le traité qui fut consenti« ne fut qu'une confirmation de l'édit de Nantes, à la réserve des villes de sûreté qu'on avoit prises et qu'on ne rendit point; qu'il demeureroit une garnison dans Montpellier pour en démolir les fortifications et les murailles; que les consuls y seroient à l'avenir nommés à la volonté du roy, le premier toujours catholique, et le second huguenot, et ainsi des autres, et que toutes les nouvelles fortifications faites par les huguenots en quelque lieu que ce fust seroient rasées. » (Fontenay-Mareuil.) Rohan devait recevoir 200 000 écus en compensation de la perte de ses deux gouvernements du

son insu, « demanda congé de s'en aller à NostreDame de Lorette et de visiter l'Italie. » C'était abandonner sa chance dernière et laisser absolument le terrain libre à ses rivaux. Jeannin et Villeroy étaient morts. Le roi laissait flotter, incertain encore, son pouvoir aux mains de Sillery et de son fils Puisieux, « accoutumés à se servir de leur maistre plus tôt qu'à le servir. » Ceux-ci firent remplacer aux finances par la Vieuville M. de Schomberg, qui en sortit au moins « avec cette réputation peu ordinaire aux surintendants de s'estre contenté de ses simples appointements. »> (Fontenay-Mareuil.) Mais la Vieuville, à son tour, n'eut rien de plus pressé que d'user de son influence nouvelle pour obtenir le renouvellement du ministère, et y faire entrer cette fois, après une attente calculée, Richelieu, cardinal depuis deux ans, et que la reine mère n'avait pu encore faire agréer des ministres. « Ils connoissoient en moi, dit-il lui-même, quelque force de jugement; ils redoutoient mon esprit, craignant que si le roy venoist à prendre quelque connoissance particulière de moy, il me vînt à commettre le principal soin de ses affaires. » Richelieu entra au conseil le 4 mai 1624, et l'on peut croire qu'il n'y resta pas longtemps au second rang. « L'intention de la Vieuville n'estoit pas, selon que le roy voulust bien nous le dire, de donner au cardinal le secret des affaires, mais de juger des affaires avec luy, comme il faisoit avec le cardinal de la Rochefoucault et le connétable, qui n'avoient pas son entière confiance; mais le roy répondit à la Vieuville qu'il ne falloit pas faire entrer ce cardinal dans le conseil, si l'on ne vouloit point se fier en luy entièrement, parce qu'il estoit, en effet, trop habile homme pour prendre le change. » (Mém. de Brienne.) Au bout de quatre mois, la Vieuville, détesté du roi, brouillé avec Bassompierre, avec le père Suffren, avec la plupart des gens de cour qu'irritaient ses violences et ses prétentions, était congédié, et, sur la route même de son manoir, arrêté et conduit au château d'Amboise sous le coup d'un procès de concussion, qui ne fut pas même jugé. Richelieu, de droit et de fait, prenait la haute main dans l'État.

Il y arrivait tout préparé par les longues pensées de son ambition; « car, se sentant aussy propre pour gouverner les affaires que l'expérience l'a montré, encore que dans sa jeunesse il en parust fort esloingné, ne parlant presque point de son évesché, il ne laissoit pas néantmoins d'y prétendre et de penser quelquefois à ce qu'il devroit faire s'il y estoit appelé... ne se proposant pas seulement de plastrer plustost que de remédier entièrement à tout ce qui en auroit besoin, comme d'autres avoient fait, mais de ne travailler pas moins pour l'avenir que pour le présent. » (Fontenay-Mareuil.) Son plan était tout tracé; il l'aborda avec l'énergie et la suite d'un génie sûr de lui-même, et, dès les

premiers jours, s'ouvrant franchement au roi incliné sous l'ascendant de cette politique nouvelle, il lui promit « de ruiner le parti huguenot, rabaisser l'orgueil des grands, réduire tous ses sujets en leur devoir, et relever son nom dans les nations estrangères au point où il devoit estre. »> (Richelieu.) Il débuta en faisant rompre le mariage publiquement arrêté entre le prince de Galles, fils de Jacques Ier d'Angleterre, et l'infante d'Espagne, et en faisant agréer au jeune prince la main de Henriette, sœur de Louis XIII. C'était renouer l'alliance intime, et faire rentrer la France dans la ligue contre la maison d'Autriche. L'aventurier

Mansfeld fut autorisé à traverser la France, à y recruter des soldats, et reçut même de forts subsides; ceux des Hollandais furent doublés; Venise, la Savoie, le Danemark, eurent avis de se tenir prêts. Il semblait que les grands jours de Henri IV fussent revenus avec toutes leurs prouesses. En même temps, un acte énergique attestait à tous l'inébranlable fermeté du gouvernement nouveau. La Valteline, soumise aux Grisons, ouvrait l'Italie à l'Autriche, qui, sous prétexte de défendre les habitants catholiques contre une domination protestante, y avait construit des forteresses et excité depuis quatre ans une révolte menaçante. L'inter

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vention de la France, sous le ministère de Luynes, avait ménagé à propos la conclusion d'un traité qui maintenait aux Grisons leur suzeraineté réelle par l'abandon des places fortes et l'apaisement promis des troubles populaires; mais le traité n'avait été exécuté par aucun parti; et les Espagnols, menacés par l'alliance de la France, de Venise et de la Savoie (7 février 1623), avaient su intéresser le pape dans leur querelle en lui confiant la garde des forteresses. Les plénipotentiaires, mal soutenus

(1) Construit avec l'autorisation de Henri IV, qui avait permis aux réformés de transporter leur culte d'Ablon à Charenton, «ce temple (dit la légende de l'estampe que nous reproduisons) a esté relevé et rebasti tout de neuf, par la permission du roy, l'an mil six cens vingt-quatre. »

par la Vieuville, n'inspiraient ni crainte ni confiance; Richelieu parla tout d'abord assez haut pour se faire entendre. « Le roi a changé de conseil, et le ministère de maxime; on enverra une armée dans la Valteline, qui rendra le pape moins incertain et les Espagnols plus traitables » ; et l'armée du marquis de Coeuvres eut ordre d'aller remettre les catholiques de la Valteline sous la domination protestante des Grisons. Richelieu calma les reproches du nonce scandalisé en lui rappelant le bref qu'il avait reçu personnellement du pape, dès son entrée au ministère, pour le rassurer contre les scrupules de conscience« en tout ce qui est utile à l'État. »

Ainsi, la France bien préparée, les frontières

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