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1600. Mariage de Henri IV et de Marie de Médicis. D'après la gravure contemporaine de Jacob Fournier (J. de Fornaseris) de Lyon. (Collection Hennin.)

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et la cour de Rome n'admettait pas la raison d'État. Elle admit les prétextes d'une parenté au troisième degré, du défaut de dispense par le pape nécessaire en pareil cas pour contracter mariage, de la diversité de religion. Henri allait ètre libre et semblait décidé, malgré Sully, malgré de Thou, malgré les haines populaires irritées par le luxe de la favorite, à placer Gabrielle sur le trône de France. Celle-ci avait intéressé tout un parti à son élévation prochaine; Mayenne, Cheverni, Sillery, le légat même, étaient pour elle. « La corde estoit bien tendue, et le jeu seroit beau si elle ne rompoit », disait Sully. Le roi, importuné par son ministre, tenait bon pourtant, au besoin, et savait répondre à la duchesse impatiente: « Je me passerois mieux de dix maîtresses comme

vous que d'un serviteur comme lui. » Une catastrophe décida tout. Le jeudi saint (8 avril 1599), Gabrielle, dînant dans la maison du financier Zamet, se trouva mal; elle accoucha, le lendemain, d'un enfant mort, et expira au bout de trente-six heures d'affreuses convulsions. Elle mourait dans une maison italienne, et si bien à propos pour quelques ambitieux, qu'on crut partout à un empoisonnement. Henri, qui n'avait pu même voir Gabrielle, fut désespéré. « La racine de mon amour est morte, écrivait-il à sa sœur Catherine; elle ne rejettera plus. » Les gens de cour y eussent trop perdu. Avant la fin de l'été, plus d'un déjà bâlissait sa fortune sur la fortune de la nouvelle maîtresse, Henriette d'Entragues, dont le roi venait de s'éprendre avec ses ardeurs d'autrefois. Hen

III R-CHRISMARIA

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Médaille en argent de Henri IV et de Marie de Médicis, d'après Dupré. Cabinet des médailles de la grande Bibliothèque de Paris.

riette, habilement dirigée par son odieux père et par ses propres instincts d'intrigue et d'ambition, non contente de s'être fait donner trois cent mille livres et le marquisat de Verneuil, exigea promesse de mariage. Henri céda: il s'engageait, au cas où elle deviendrait enceinte dans les six mois et lui donnerait un fils, « à la prendre à femme et légitime épouse... en face de nostre sainte Église, selon les solennitez en tel cas requises.»> Sully, qui eut la promesse en main, la déchira. Le roi prit la peine de la refaire, et la remit à la marquise. Le 10 novembre, une commission nommée par le pape déclara le mariage du roi avec Marguerite nul de fait et de droit, et la dissolution en fut prononcée le 47 décembre 1599. Un accident imprévu rendit mieux encore au roi sa liberté. Le tonnerre étant tombé dans la chambre de Henriette d'Entragues, de frayeur la marquise accoucha avant terme d'un enfant mort. Henri, qui depuis un an, et sans grande hâte de conclure, avait autorisé des pour

parlers avec la cour de Toscane, se décida à demander en mariage Marie de Médicis, nièce du grand-duc et du pape. Le contrat fut signé le 25 avril, à Florence, par Sillery, au nom du roi, et les fètes de la noce célébrées le 10 décembre 4600, à Lyon. Le 27 septembre 1601, Marie de Médicis donnait à la France un dauphin qui devait être Louis XIII. Ce fils, dont la naissance comblait tant de vœux, et autour duquel se rallia dès lors l'espoir du parti français, était de plus pour Henri un gage précieux de la paix bien compromise de son royal ménage. Il avait épousé la reine sans amour, el n'avait cessé d'adresser ses protestations au cœur hautain de Henriette d'Entragues, qui, de nature dominatrice, usait de son pouvoir en plein scandale. La vraie reine, jalouse et bigote, de beauté commune et d'esprit vulgaire, entourée d'intrigants italiens, ou, qui pis est, de galants suspects, n'avait rien qui pût retenir un mari plus fidèle, et, par ses brouilleries et ses façons maus

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Un des chagrins du roi était de voir l'acharnement de haine aveugle et de fanatisme qui poussait chaque année d'obscurs séides à jouer leur vie contre la sienne. Il affectait en vain une dévotion minutieuse, suivait les processions par une pluie battante, dotait les églises et protégeait les couvents. L'absolution du pape n'avait pas suffi à le rendre sacré. Après Barrière et Jean Châtel, on avait roué en 4596, Jean Guesdon, avocat d'Angers; en 4597, un tapissier de Paris; en 4598, le chartreux Pierre Ouin, du couvent de Nantes; en 4599, deux jacobins du couvent de Gand, Ridicoux et Argier, et le capucin Langlois; en 1600, Nicole Mignon; en 1602, Julien Guesdon, frère de Jean; en 1603, un prêtre et un gentilhomme de Bordeaux. La liste est incomplète encore. Henri ne s'y trompait pas; il attribuait ces crimes aux passions religieuses, et crut avoir trouvé un moyen de leur donner satisfaction complète. L'expulsion des Jésuites, ordonnée par arrêt du Parlement de Paris, entravée par les Parlements de Bordeaux et de Toulouse, n'avait jamais été poursuivie activement; le roi, pressé par le pape, par Bellièvre, Villeroy, Jeannin, malgré les conseils de Sully et les remontrances du Parlement, révoqua tous arrêts contraires à la société, autorisa la réouverture des colléges de Lyon et de Dijon, et créa à la Flèche, sous la direction des pères, une école richement dotée qui devint le séminaire de la jeune noblesse (sept. 1603). Un jésuite, le père Cotton, très-accommodant sans doute, devint son confesseur. Le roi espéra avoir ainsi pourvu de bonne main à sa sûreté personnelle; et, de fait, pendant quelques années, ces tentatives odieuses cessèrent, et les préoccupations personnelles qui en étaient venues à troubler ce vif et libre esprit purent laisser la place aux projets que demandait le salut de l'État.

Depuis 4595, Biron était gagné par les agents de l'étranger. Joueur passionné, toujours besoigneux d'argent, il était mécontent comme Lanoue, comme d'Aubigné, comme bien d'autres qui valaient mieux que lui, et comme eux il accusait le roi d'avarice, qui s'occupait mal de le satisfaire, et prenait des mains qui donnaient et promettaient à suffisance. Dans la guerre de Savoie, inféodé au duc, il ne tint pas à lui que l'ennemi ne fût averti des plans, ou que l'ardeur des troupes ne demeurât stérile; on l'accusa même plus tard d'avoir médité l'assassinat du roi. Henri, au retour de l'expédition, eut avec son ancien com

pagnon d'armes une explication loyale, où, en échange d'un aveu encore incomplet, mais d'apparence sincère, il lui accorda un généreux pardon. Biron n'en fut que plus ardent à se mêler à des trames nouvelles. Il signa un pacte de défense mutuelle avec le comte d'Auvergne et le duc de Bouillon. Le but ne s'avoua pas ouvertement aux adhérents étrangers, mais on espérait, à force ouverte et en ménageant l'occasion, ruiner l'autorité du roi, et faire passer la couronne de la tête du Dauphin sur celle du fils nouveau-né de Henriette d'Entragues, que le roi avait eu la faiblesse de légitimer. Les chefs huguenots furent tentés, mais ne s'y laissèrent pas prendre. Cependant les provinces, gouvernées par les grands feudataires, fermentaient la Guienne, l'Auvergne, le Poitou, le Limousin, menaçaient, sous prétexte d'obtenir l'abolition de la pancarte établie par les notables de Rouen. Le roi parcourut tout l'Ouest, et partout calma les manifestations populaires, dupes de faux bruits et d'excitations clandestines. Cet impôt détesté (un sou pour livre sur les marchandises) fut rétabli à Poitiers, à la Rochelle, et dans tout le Limousin, puis volontairement supprimé dès que tout fut rentré dans l'ordre (1602). Le roi n'était pas de retour à Fontainebleau que Beauvais la Nocle, sieur de Lafin, agent principal du complot à peine encore soupçonné, livra, en échange de son pardon, l'aveu et les preuves écrites des menées du maréchal. Biron était dans son gouvernement de Bourgogne avec des troupes, de l'argent, des munitions. Il semblait difficile de l'y aller prendre, comme aussi de l'attirer à la cour pour se discul- · per. Il se rendit pourtant à des lettres affectueuses du roi; mais à la première demande d'un aveu complet, garanti par un pardon absolu du passé, il s'indigna, persuadé par Lafin même que rien n'était connu, et demanda justice. Les sollicitations du comte de Soissons, comme celles du roi, restèrent inutiles. Biron fut arrêté au sortir du jeu de la reine, et le comte d'Auvergne à la porte du château; on les enferma tous deux à la Bastille, et le Parlement fut saisi de l'affaire. Les pairs, convoqués par deux fois, se récusèrent. Le roi passa outre. La correspondance authentique de Biron et de Lafin fut produite, et reconnue des accusés ; mais Biron se couvrit du pardon promis à Lyon par le roi. Sa défense fut admirable d'éloquence et de noblesse. Néanmoins les preuves l'accablaient. Le Parlement, toutes chambres réunies, à l'unanimité de cent vingt-sept voix, prononça la peine de mort contre Biron. Tout ce que Henri crut devoir accorder aux prières de la famille, ce fut d'éparguer au maréchal l'ignominie de la place de Grève. L'exécution eut lieu dans la cour de la Bastille, le 34 juillet, et fut suivie du supplice de quelques coquins subalternes, du baron de Fontenelle, entre autres, type féroce de ces hobereaux que surexcitait l'impunité, et d'autres qu'on put saisir, et dont la république de Venise accorda l'extradition.

La bonté du roi était connue; l'effet de cette

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Ce fut au moins la dernière tentative sérieuse de ces grands seigneurs, qui, pour avoir aidé à faire le roi, se croyaient de force à le défaire. Henri, d'ailleurs, veillait de son mieux, et était souvent bien servi. Au milieu du mois de juin 1604, il fit mettre la main sur un Anglais nommé Thomas Morgan, agent des menées espagnoles. La prise était bonne, et livra la preuve de la complicité des d'Entragues et du comte d'Auvergne. Celui-ci, sous un prétexte, s'échappa de la cour et regagna son gouvernement, d'où, à défaut d'excuse pour défendre le passé, il essaya de le racheter en offrant au roi de continuer son jeu avec l'Espagne, à charge d'en livrer tout le secret. Au moment où il s'y attendait le moins, il fut enlevé par deux gentilshommes apostés, et jeté à la Bastille. D'Entragues, qui tout d'abord s'était hâté de rendre au roi la promesse de mariage faite à sa fille, arme principale des factieux, fut arrêté aussi près d'Orléans et mené à la Conciergerie. On trouva chez lui l'engagement pris par le roi d'Espagne de faire reconnaître pour dauphin de France le fils de Henriette. Le chevalier du guet eut ordre de garder la marquise à vue, dans son logis, et dut en répondre sur sa tête. Le 4 er février 4605, un arrêt condamna le comte d'Auvergne, d'Entragues et Thomas Morgan à avoir la tête tranchée, et la marquise à finir sa vie dans le couvent de Beaumont-lez-Tours. Le roi garda d'Au

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vergne à la Bastille, mais remit leur peine à Balsac d'Entragues et à sa fille, qui bientôt même eut reconquis le terrain perdu, et repris tout l'orgueil et les droits de la seconde reine.

Vers le 45 juillet, le roi vit arriver au château de Madrid Marguerite, la reine répudiée, qui apportait inopinément de nouvelles révélations. L'Auvergne, le Querci, le Périgord, le Limousin, la Provence même, s'agitaient de nouveau, à l'instigation de meneurs actifs dirigés par le duc de Bouillon. D'autre part, on approchait du terme, assi

gné par l'édit de Nantes, où les huguenots devaient rendre au roi les places de sûreté accordées en garde pour six ans. Les synodes, réunis pour l'élection des députés de l'assemblée de Châtellerault, étaient travaillés sourdement par les émissaires des fauteurs de troubles, et méditaient déjà une reconstitution, au moins défensive, de l'ancienne union calviniste. Le roi détourna ces visées tardives en envoyant Sully présider l'assemblée, et s'attacha la reconnaissance des réformés en leur accordant pour quatre années encore la conservation de leurs places de sûreté et les fonds nécessaires pour l'entretien de leurs ministres (4 août).

Monnaie de Henri IV, en or.

Lui-même, avec sept mille hommes, parcourut le Midi sans rencontrer nulle part de résistance armée. Il fit son entrée solennelle à Limoges et y institua une Chambre des grands jours, qui condamna à mort treize gentilshommes, dont six furent décapités; le reste s'était réfugié en Espagne : le roi leur remit leur contumace et leurs biens confisqués. Pendant ce temps, Bouillon, enfermé à Sedan, laissait ses partisans exposés aux justices royales, et envoyait ses offres de soumission; mais le roi refusa de rien entendre avant la remise préalable de Sedan, et, à la tête d'une bonne armée et d'un matériel de siége considérable, marcha pour l'enlever de vive force. Arrivé à Donchéry, il reçut la visite du duc de Bouillon, qui venait remettre sa principauté à la discrétion du roi. Henri reçut le serment de la garnison et des bourgeois, installa un gouverneur calviniste, et s'attacha désormais le duc qui vint vivre à la cour. Ce fut la dernière émeute des gentilshommes.

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LE GRAND DESSEIN.

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Henri devenait libre enfin de poursuivre ce grand projet qu'il concevait dès le début de sa vie guerrière, et dont il pouvait désormais espérer la réalisation l'abaissement de la maison d'Autriche. Il voulait mieux encore, et sa pensée, en voyant tomber une à une les ruines du vieux monde féodal, s'était laissée aller à reconstruire sur un tracé nouveau les plans du monde à venir. Ce n'était pas moins qu'un remaniement complet du système politique de l'Europe, la tentative d'un équilibre nouveau, fondé non sur l'oppression des faibles, mais sur l'association de forces indépendantes unies dans un esprit commun de tolérance et de liberté fraternelle. On a nié, puis raillé ce

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« grand dessein » dont nous entretient Sully. Rien de plus sérieux pourtant, rien qui ressemble moins à une vaine utopie ou à des rêveries distraites de conquérant oisif. Sully, le ministre pratique et qui ne se payait point de chimères, avait pris soin de rédiger et nous a conservé les plans détaillés, les devis minutieux de cette grande conception. La « république chrétienne »>-de Henri IV admettait dans une confédération régie par une loi commune quinze « dominations » gouvernées par des principes indépendants six monarchies héréditaires: la France, l'Espagne, la Grande-Bretagne, le Danemark, la Suède, la Lombardie grandie de la Savoie et de partie du Milanais; six monarchies électives la Pologne, la Hongrie accrue de la Transylvanie et des provinces autrichiennes, la seigneurie de Venise, la Bohème, les États du pape réunis à l'Italie inférieure, l'Empire; trois républiques les Pays-Bas, les Suisses avec l'Alsace, le Tyrol et la Franche-Comté, et la république d'Italie, comprenant Gènes, Lucques, les duchés, les petits. États.

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L'Empire redevenait de fait et de droit réellement électif, sous la seule condition d'échoir à un catholique; mais les communions luthérienne et calviniste restaient tolérées dans chaque État, et la persécution seule interdite partout. Un conseil supérieur, un « sénat », composé de quatre députés pour chaque État confédéré, représentait la république chrétienne, jugeait des griefs internationaux, et prévenait par sa médiation les rixes sanglantes. Ainsi constituée, la confédération avait son but tout tracé: Refouler les Turcs en Asie, et contenir le puissant Knès scythien »> jusqu'au jour où les Russes pourraient être acquis définitivement à la civilisation. Le roi, qui, dès la première heure, avait senti « les impossibilités » de ce grand dessein, s'étudiait au moins depuis cinq ans, presque jour par jour, à le rapprocher de la pratique, en formant, en consolidant, en étendant tout un vaste réseau d'alliances contre l'ennemie commune, l'Autriche, qu'il lui fallait avant tout démembrer. Venise, la première, s'était rattachée d'elle-même à la France; le grand-duc de Toscane avait donné sa fille au roi; la papauté, délivrée de l'influence espagnole, était gagnée par des concessions récemment obtenues des Vénitiens, grâce à l'intervention française; les rapports avec la Savoie, longtemps hostiles, étaient devenus intimes, et CharlesEmmanuel s'était engagé avec Henri dans une ligue offensive et défensive en fiançant son fils à Élisabeth de France; le roi avait pris garde cependant de ne pas abandonner Genève et de resserrer les anciennes alliances avec les cantons suisses, qui protestaient que leurs affections et leurs armes seroient toujours françoises. » En représailles des sourdes intrigues ourdies par l'Espagne, il n'avait cessé de faire tenir sous main aux Provinces-Unies des secours d'argent; il les sauva à toute extrémité, et se fit de la Hollande une alliée dévouée en la prenant hautement sous sa protection par un

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traité public (23 janv. 4608), s'engageant à fournir hommes et deniers, et déterminant ainsi la conclusion d'une trève de douze années garantie à risques communs par la France et par l'Angleterre. Élisabeth morte, Jacques Ier, d'abord tout entier à la France par le traité de Hampton-Court signé sous l'influence de Sully (30 juillet 1603), puis gagné à l'Espagne, était revenu décidément à la politique d'Élisabeth et pressait maintenant avec instance et résolution les grands projets contre l'Autriche; son fils surtout, le prince de Galles, avait hâte « de faire son apprentissage à la guerre sous un si bon maistre. »>

Dės 4609, les rois de Suède et de Danemark s'étaient monstrés eschauffés» à la coalition proposée, et préparaient leur contingent; et les princes protestants d'Allemagne, sous le coup des humiliations ou des menaces de l'Autriche, n'attendaient qu'un allié puissant qui leur prêtât main-forte, et « avoient plus besoin de retenue que de sollicitation. » Toute une armée de diplomates officieux ou d'ambassadeurs accrédités, telle qu'on n'en vit guère depuis, dirigeait de loin les trames secrètes et servait de son génie le génie audacieux du maître Joyeuse, d'Ossat, Duperron, Luxembourg, Nevers, de Thou, Béthune, Fresne-Canaye, de Vic, Caumartin, Lefevre - Laboderie, Jeannin, Bongars, Boissize, Schomberg, et bien d'autres, sous l'impulsion directe de Villeroy, secrétaire d'État aux affaires étrangères, et la direction suprême de Sully, qui, au besoin, passait la mer pour aller porter ou recueillir la pensée intime du souverain. Henri portait en ligne de compte trois années de guerre tout au plus pour réduire l'Autriche au seul continent des Espagnes, et, sans se faire illusion sur le reste de la tàche, s'y pensait si bien comporter qu'en six ou sept ans encore il en pût voir, sinon la fin, au moins la disposition certaine et l'acheminement désiré. « Il est à noter, dit d'Aubigné, qu'il ne venoit au roi aucune augmentation en apparence que l'étendue de son règne au mont Senis et aux rivières anciènes, qui en faisoient le partage vers la haute et basse Allemagne... mais il attachoit à soy inséparablement tous ceux qui auroient eu des plumes de ceste dépouille, et se rendoit arbitre et chef sur eux. »>

Un événement prévu vint se prêter de son mieux à la réalisation de ces projets. Jean Guillaume, duc de Clèves, de Juliers et de Berg, mourut sans postérité le 25 mars 4609. L'électeur de Brandebourg et le comte palatin de Neubourg revendiquèrent l'héritage, que réclamait de son côté l'électeur de Saxe, soutenu par l'empereur Rodolphe, en vertu du droit impérial sur les fiefs déchus par défaut d'hoirie. Les princes de Neubourg et de Brandebourg, comptant sur l'appui de la France, n'attendirent pas pour se mettre en possession de Berg et de Clèves, tandis que Juliers ouvrait ses portes à l'archiduc Léopold, délégué de l'empereur. L'occasion, qu'on eût fait naître, s'offrait d'elle-mème. Une folie de jeunesse vint ajouter ses

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