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les tables et plancher de la maison, afin de faire fondre la seconde composition. J'estois en une telle angoisse que je ne saurois dire, car j'estois tout tari et desséché à cause des labeurs et de la chaleur du fourneau. Il y avoit plus d'un mois que ma chemise n'avoit séché sur moi; encore, pour me consoler, on se moquoit de moi, et ceux qui me devoient secourir alloient crier par la ville que je faisois brusler le plancher, et par tel moyen on me faisoit perdre mon crédit, et m'estimoit-on estre fol; et m'en allois par les rues tout baissé, comme un homme honteux. »>

Et il ajoute, plus loin: « J'ay esté plusieurs années que, n'ayant rien de quoy faire couvrir mes fourneaux, j'estois toutes nuits à la mercy des pluyes et des vents sans avoir aucun secours, ayde, ni consolation, sinon des chats-huants qui chantoient d'un costé et des chiens qui hurloient de l'autre. Parfois il se levoit des vents et tempestes qui souffloient de telle sorte le dessus et le dessous de mes fourneaux, que j'estois contraint de quitter le tout avec perte de mon labeur, et me suis trouvé plusieurs fois qu'ayant tout quitté, n'ayant rien de sec sur moi à cause des pluyes qui estoient tombées, je m'en allois coucher à la minuit, ou au point du jour, accoutré de telle sorte comme un homme que l'on auroit traisné par tous les bourbiers de la ville; et, en m'en allant retirer, j'allois bricollant sans chandelle en tombant d'un costé et d'autre comme un homme qui seroit yvre de vin, rempli de grandes tristesses; d'autant qu'après avoir longuement travaillé, je voyois mon labeur perdu. Et, en me retirant ainsi souillé et trempé, je trouvois en ma chambre une seconde persécution pire que la première, qui me fait à présent esmerveiller que je ne sois consumé de tristesse. >>

L'infatigable potier, malgré les difficultés de l'entreprise et les persécutions qu'il rencontrait jusqu'auprès de sa femme et de ceux qui devaient le plus l'encourager, finit pourtant par réussir et par fabriquer toutes sortes d'ouvrages en faïence de la plus grande beauté. Ses produits les plus remarquables par le bon goût et l'originalité étaient les pièces de vaisselle pour la table. On remarquait surtout, et les amateurs de belles choses se disputent encore à prix d'or aujourd'hui, ses grands plats sur lesquels il figurait des herbages, des coquilles et de petits animaux, disposés de la manière la plus gracieuse et reproduits dans leurs couleurs naturelles avec une grande vérité. Il obtint la protection des Montmorencys, puis celle de Henri II, fut appelé à Paris, contribua à la décoration des palais royaux, notamment ceux de Madrid et des Tuileries, et vit enfin la richesse avec la célébrité récompenser ses efforts. En 4575, il commença sur les terres, les pierres, les métaux et la pratique industrielle, une série de leçons publiques dont le succès témoigna et de la portée de cet excellent esprit, et de l'intelligence de son auditoire. Ses derniers jours furent troublés par la persécution

religieuse. Il était protestant et inébranlable. Les Parisiens le mirent à la Bastille. Henri III, y faisant un jour une visite, lui dit : « Mon bonhomme, si vous ne vous accommodez sur le fait de la religion, je suis contraint de vous laisser entre les mains de vos ennemis. Sire, répondit-il, j'étois bien tout prêt à donner ma vie pour la gloire de Dieu. Si c'eût esté avec quelque regret, certes il seroit éteint, en ayant ouï prononcer à mon grand roi Je suis contraint. C'est ce que vous, Sire, et tous ceux qui vous contraignent, ne pourrez jamais sur moi, parce que je sais mourir. » Ce noble vieillard mourut en effet dans sa prison, en 4589, à l'âge de plus de quatre-vingts ans.

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L'invention de l'imprimerie avait été préparée par celle de la gravure. A son tour la gravure, qui jusque-là n'avait rien produit de remarquable, devint, grâce à l'imprimerie, un art brillant digne de prendre place après la peinture, et plus influent par son accès facile auprès des masses populaires et la variété de ses produits. De tout temps on avait gravé en taille-douce, c'est-à-dire tracé des ornements et des figures sur les métaux au moyen du burin, et introduit du noir ou d'autres couleurs dans les creux, pour faire ressortir le dessin ainsi exécuté. Appliquée à l'argent, cette sorte d'ornementation avait pris, au quinzième siècle, une assez grande extension, surtout en Italie, pour former un genre d'orfèvrerie particulier auquel on donnait le nom de niellure ou nielle (nigello, manière noire). De ces nielles gravés en creux à l'art du graveur il n'y a qu'un pas. L'Allemagne paraît avoir la première éprouvé le besoin d'instruire et de moraliser en répandant à bon marché parmi le peuple des représentations gravées de sujets édifiants. On trouve un certain nombre de gravures provenant évidemment de ce pays qui remontent à la première moitié du quinzième siècle. Récemment, il en a été découvert nne (la Flagellation à la colonne) qui porte la date de 4446.

Cependant on s'est accordé jusqu'ici à faire honneur de l'invention à un orfévre de Florence, nommé Thomas Finiguerra, qui y aurait été conduit par le hasard en 4450. Cet orfévre, ayant fait pour une église de la ville un grand ouvrage niellé qui représentait Jésus-Christ couronnant la Vierge, eut, diton, l'idée d'examiner l'effet de son dessin sur le papier; il introduisit de l'encre grasse dans les creux de la planche, et obtint ainsi quelques épreuves (4) de ce qui fut pour les Italiens la première gravure en taille-douce. Ils comprirent de suite le parti qu'on pouvait tirer de cette opération; on substitua aux planches d'argent des planches de cuivre, on perfectionna les burins, on étudia les procédés du tirage, de manière à pouvoir obtenir par centaines des exemplaires de chaque planche, et bientôt les produits de la gravure en taille-douce se répandirent dans toutes les contrées de l'Europe. Les

(') Les deux seules qu'on connaisse aujourd'hui sont : l'une à la Bibliothèque de l'Arsenal, l'autre au cabinet des estampes de la grande Bibliothèque, à Paris.

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Français n'y devinrent très-habiles qu'au dix-sep-| tième siècle; cependant ils peuvent citer comme d'habiles graveurs en taille-douce, du temps de la renaissance: Jean Duvet, dit le « Maître à la Licorne », né à Langres en 4485, et dont on connaît une cinquantaine de planches; Nicolas Béatrizet, né à Thionville en 4500; Geoffroy Tory, qui vivait sous François Ier; Étienne Delaulne (Orléans, 45201595), graveur de divers sujets d'après MichelAnge et Marc-Antoine; Marc Duval; Tortorel et Périssin, dont nous avons déjà parlé (p. 52); Thomas de Leu, Thevet et René Boivin, auteurs de portraits de Henri III et d'autres beaux ouvrages; Jean Rabel (Paris, 4550-1603); Jean Leclerc, auteur de trois estampes représentant l'entrée de Henri IV à Paris. Nous avons donné (p. 65) quelque idée de l'œuvre la plus belle du burin français au seizième siècle en reproduisant le portrait des trois Colignys, gravé en 1579 par Marc Duval.

La gravure sur bois, toute différente par son procédé, qui consiste à enlever les blancs laissés sur la planche par le crayon du dessinateur, fut à son origine un art grossier qui servait lourdement à l'amusement et à l'instruction populaires. On l'employa d'abord, c'est-à-dire dès les commencements du quinzième siècle, à répandre des images de saints et à fabriquer des jeux de cartes. L'image la plus ancienne connue comme gravée sur bois et portant une date est une figure de saint Christophe, sur laquelle on lit le millésime 1423; mais on ignore à quel pays elle appartient. Le cabinet des estampes, à la grande Bibliothèque, posséde une suite de figures des douze apôtres, au-dessous de chacune desquelles se trouve un des commandements de Dieu écrit en un langage qui nous paraît normand et antérieur au quinzième siècle (1). Quant aux cartes à jouer, elles étaient à peu près ce que sont encore celles dont nous usons aujourd'hui, et on les coloriait déjà par le procédé de l'estampage. La gravure en bois s'imprimant de la même façon que les caractères typographiques, par le moyen d'un tampon imbibé d'encre et passé sur une page où il effleure les traits en relief, devait naturellement éveiller l'attention des premiers imprimeurs. En effet, dans les plus anciens livres imprimés, les grandes initiales placées en tête des chapitres sont laissées en blanc, pour être enjolivées à la main; mais presque aussitôt apparaissent des livres accompagnés de vignettes sur bois mêlées au texte. L'Allemagne, toujours plus pensive et plus avide d'instruction que tous ses voisins, donna immédiatement un grand essor à cette manière saisissante et peu coûteuse de fixer les idées dans l'esprit. En France, l'effort fut plus lent, et les livres enrichis de dessins gravés sur bois avec talent n'apparurent que vers la fin du quinzième siècle, avec les productions typographiques de Simon Vostre (dės 14484), d'Antoine (1) S. PIERRE. Gardeis Dieu le roy moult sain. S. ANDRE. Ne jurets point son nome en vain. S. THOMAS. D'ochier nulluy ne t'entremès.

Vérard, de Philippe Pigouchet, Gilles Hardouyn, Guill. Eustache et de plusieurs autres. Les plus remarquables de ces livres ornés étaient des ouvrages de piété entourés de riches bordures, à la manière des manuscrits, qu'il s'agissait de remplacer, et dont il fallait par conséquent offrir au public l'imitation fidele autant que possible. Les Heures de Simon Vostre, imprimées sur parchemin avec un soin extrême, et encadrées de petites scènes dessinées presque au simple trait, qui représentent des histoires pieuses, des contes profanes, des sujets bibliques, des danses macabres, furent assez célèbres pour que l'un de ses plus habiles imitateurs, Antoine Vérard, ait donné au moins vingt-cinq éditions d'un même livre d'Heures depuis l'année 4488 jusqu'à l'année 4513. Le luxe d'ornements était réservé aux livres de dévotion. En général, la typographie du seizième siècle, pleine d'une grâce et d'un goût purs, ne surcharge pas d'ornements ses œuvres. Dans ses plus beaux spécimens, dans les livres, par exemple, qui sortirent de l'imprimerie des Estiennes, la gravure sur bois complète l'harmonie du volume, mais en ne s'y montrant qu'avec sobriété.

Il est superflu d'ajouter qu'on ignore les noms des habiles dessinateurs, et encore plus ceux des graveurs auxquels on doit les frontispices et les jolies vignettes qui décorent les premiers temps de notre typographie. On croit qu'Antoine Vérard, qui de son premier métier avait été enlumineur, dessinait ses planches lui-même. En dehors des applications de la gravure sur bois à la typographie, on cite comme les œuvres les plus remarquables de cet art au seizième siècle trois sujets grivois: un Concert de buveurs, gravé en 4550, un Triomphe de Bacchus, et une scène intitulée Catin et Goguelu.

ARCHITECTURE ET SCULPTURE.

Lorsque le moyen âge, à ses débuts, encore enveloppé de sa plus noire ignorance, s'était mis à bàtir des églises pour prier Dieu et des citadelles pour se mettre à l'abri, n'ayant d'autre prétention que de subvenir le mieux possible à des besoins journaliers, il avait peu à peu créé sans le savoir un art admirable par son originalité, sa fécondité, sa noblesse, et que nous avons vu se transformer à chaque siècle pour enrichir toujours d'œuvres nouvelles et rajeunies le sol de la France, saus cesser d'ètre cette œuvre magnifique et harmonieuse qu'on appelle l'art chrétien. Au seizième siècle, de chrétien devenu érudit et clairvoyant, l'artiste regarde la tradition qu'il a reçue de ses maîtres comme surannée; il prétend s'en affranchir, et trouver dans son propre génie les vraies conditions de l'art: aussitôt sa puissance créatrice diminue, et il n'est plus qu'un élégant imitateur des Grecs et des Romains. La faiblesse humaine qui aspire à produire sans l'assistance et la lente élaboration du temps trahit le génie de l'artiste

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qui importe davantage, que l'on prévienne tant de sortes de ruines qui arrivent ordinairement és grands édifices. » Telle est l'opinion qu'un grand architecte italien, Andrea Palladio (1508-4580), expose en commençant le Traité qu'il a composé sur son art, et qui est demeuré classique. L'édifice chrétien, église, monastère, hôpital, n'était plus compris. Les constructions profanes, au contraire, allaient gagner à se retremper aux sources païennes. Avant que les artistes italiens ne vinssent apporter en France leurs procédés, empruntés à Vitruve, les jeunes « maîtres des œuvres, tailleurs de pierre, ymagiers et enlumineurs » de notre vieille école française, étaient allés eux-mêmes, comme nous l'avons vu par Jean Fouquet (t. Ier, p. 547 et 548), s'inspirer au delà des monts sans perdre leur manière native. Il en résulte un style mixte dont on aperçoit les traces dès les premières années du seizième siècle, par exemple dans certains détails du jubé de la Madeleine de Troyes, élevé de 1504 à 4506. Le mélange est beaucoup plus apparent dans le château de Gaillon et la cour du château de Blois (4502-1545); mais jusque dans la Chambre des comptes de Paris (4), qui fut construite à la même époque par Jean Giocundo, ou Joconde, cet architecte que Charles VIII avait appelé de Vérone, on trouve encore l'ogive et les sculptures fleuries, comme si l'artiste étranger avait dû lui-même se plier d'abord aux façons du pays dont il venait transformer la mode.

Le vieux style eut d'ailleurs des défenseurs enthousiastes et produisit, à la veille de disparaître, d'admirables ouvrages. Le plus grandiose et le plus complet de ceux qui nous sont restés est l'église de Brou, près la ville de Bourg, capitale de la Bresse. Cette province appartenait alors à la maison de Savoie (p. 444). La tante de Charles-Quint, Marguerite d'Autriche, après avoir été vainement fiancée au Dauphin de France et à l'Infant d'Espagne, avait épousé le jeune duc de Savoie, Philibert le Beau, qui lui fut ravi en 4506, après cinq ans de mariage. Sa douleur éleva au défunt un mausolée magnifique. Marguerite fit construire dans les dépendances d'un ermitage vénéré par la famille de son mari, sur la lisière de la forêt de Brou, une église à laquelle travaillèrent pendant vingt-cinq ans plus de quatre cents ouvriers appelés d'Italie, de France, de Flandre et d'Allemagne, sous la direction des artistes les plus renommés de l'époque. Son principal architecte fut un Flamand, nommé Louis Van-Boglem. Marguerite n'eut pas la joie de voir achevé ce grand ouvrage, dont la construction dura jusqu'en l'an 1536. Elle était morte en 1530. Son tombeau, en marbre noir de Bourgogne et en marbre blanc de Carrare, comme toute la riche décoration intérieure de l'église, est placé à la gauche du chœur, non loin de son mari, qui en occupe le milieu. Ce prince est représenté au sommet du mausolée,

(") On n'a plus que des gravures représentant cet édifice, détruit par un incendie en 1737.

étendu sur une table de marbre noir longue de 3m, 24, large de 4,62, et élevée à la hauteur de 4m, 45. Il est revêtu de son armure de guerre et enveloppé dans son manteau ducal; sa tête, posée sur un carreau de broderie, est tournée vers sa femme; ses mains jointes sont inclinées du côté de Marguerite de Bourbon, sa mère; ses pieds reposent sur le flanc d'un lion. Autour de lui pleurent des anges; deux à ses pieds supportent une table de marbre où sont ses armoiries; deux autres, une seconde table destinée à recevoir des inscriptions à son honneur; les deux derniers tiennent son sceptre, sa hache d'armes, son casque et ses gantelets. Toute cette composition est soutenue par douze piliers de marbre blanc, sculptés avec une délicatesse extrême, et reposant eux-mêmes sur une épaisse tablette en marbre noir qui sert de base à tout le monument. Ces piliers inférieurs, chargés de moulures, de fleurons et de statuettes, forment, par leurs arcades qui s'entrelacent, unc sorte de petit réduit obscur et voûté dans lequel git une seconde statue du prince presque nue et offrant l'image de la mort. Ce bel ouvrage est d'un sculpteur suisse, nommé Conrad Meyt; d'autres sculptures du même édifice sont d'un Bourguignon, André Colomban.

Le château de Gaillon n'est pas, ou plutôt n'était pas, car il n'existe plus, moins beau que l'église de Brou, et portait des traces plus marquées de la renaissance. Charles VIII avait eu l'espoir (voy. p. 4) de faire bâtir à Amboise un palais qui rivalisât d'élégance avec ceux de l'Italie; il n'eut pas le temps d'exécuter son dessein. Mais son ministre, le cardinal Georges d'Amboise, obéissant aux mêmes inspirations, se construisit à Gaillon, à huit lieues de Rouen, une demeure dont la somptuosité ne pouvait guère être dépassée. Elle se composait de quatre corps de logis formant un carré irrégulier, au centre duquel s'élevait une fontaine en marbre blanc. L'étage inférieur se composait d'une galerie soutenue d'arcades interrompues par des pendentifs comme on les faisait au siècle précédent, et le premier étage, presque tout à l'italienne. était décoré d'arabesques accompagnant des tètes d'hommes et de femmes encadrées de médaillons circulaires. Ce mélange des deux styles combinant ce qu'ils avaient de plus riche et de plus délicat était loin de produire un effet disparate, et l'on admire encore dans la cour de l'École des beaux-arts, à Paris, le portique du château de Gaillon. Avec quelques débris de sculptures, c'est tout ce qui nous reste de ce chef-d'œuvre que l'administration départementale fit vendre et démolir en 1796, parce que, dit-elle, «c'était d'une architecture gothique. » Suivant la tradition, l'Italien Joconde était l'architecte à qui l'on devait les dessins de Gaillon; mais il en est tout autrement d'après les comptes authentiques de la dépense faite par le cardinal pour cette construction. Il résulte de ces comptes, publiés récemment, que le château a été bâti, dans l'intervalle des années 1502 à 1510,

par plusieurs architectes français: Guillaume Senault, «maître maçon des œuvres du cardinal d'Amboise à Gaillon »; Pierre Fain, l'auteur du portique transporté dans la cour de l'École des beaux-arts; Pierre Delorme; Colin Byart, de Blois; Pierre Valence, de Tours, qui était à la fois architecte, sculpteur, peintre, hydraulicien, charpentier et émailleur de carreaux. Quarante peintres et vingt et un menuisiers qui furent appelés à enrichir de leurs ouvrages les panneaux et les boiseries de l'intérieur (4) étaient tous de Rouen, à l'exception d'André Solario, de Milan, qui peignit la chapelle. Parmi les sculpteurs figuraient Antoine Juste et Michel Colombe, qui y tailla pour le dessus d'autel de la chapelle un bas-relief en marbre représentant saint Georges, que l'on conserve aujourd'hui au

Musée du Louvre (sculpt. fr., n° 84). Deux architectes et sculpteurs italiens seulement ont place dans les comptes, mais ils n'ont été employés qu'à une fontaine du château. D'autres envoyèrent leurs ouvrages sans quitter l'Italie, notamment le sculpteur Laurent de Mugiano, de Milan, qui enrichit la demeure du cardinal d'une statue de Louis XII (voy. p. 40) et de plusieurs bustes.

Le château de Blois, c'est-à-dire la partie orientale de ce vieux manoir, qui fut rebâtie sous Louis XII par Colin Byart, est contemporaine du château de Gaillon, et offre les mêmes caractères. On les retrouve aussi dans les châteaux célèbres de Saint-Germain, de Chambord, de Chenonceaux, de Meillant; dans l'hôtel de ville d'Orléans; dans le palais de justice de Rouen, båti par Roger Ango

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et Roland Leroux; dans l'hôtel du Bourgtheroulde de la même ville (2); dans ceux de la Trémouille et de Cluny, à Paris; dans les tours de Saint-Jean de Soissons, de Saint-Jacques la Boucherie de Paris, de Saint-André de Bordeaux; dans la flèche septentrionale de la cathédrale de Chartres, les roses et les fenêtres de la cathédrale d'Auch, l'église Saint-Maclou et le portail de Notre-Dame de Rouen, la chapelle du château de Vincennes, qui sont des monuments du temps de Charles VIII ou de Louis XII. A chaque pas le goût italien gagnait

(1) Les plus précieuses, celles de la chapelle, y compris les stalles du choeur, ont été transportées dans l'église de Saint-Denis et employées à sa décoration.

(*) Voyez-en les bas-reliefs, p. 26.

plus d'influence; mais le style flamboyant, plus ou moins modifié, persista dans l'architecture pendant toute la première moitié du seizième siècle.

En 4555, deux architectes picards, nommés Jean Wast et François Maréchal, entreprirent de protester en faveur de leur art, de l'art chrétien, contre l'invasion étrangère. «Ayant ouï parler du dôme de Saint-Pierre de Rome, dit un ancien historien du Beauvaisis (Simon), et voulant faire voir que leur gothique pouvoit monter aussi haut que les ordres grecs de Michel-Ange, ils éleverent sur le milieu de la croisée de la cathédrale (de Beauvais) une pyramide de vingt-quatre toises sur huit de base, qui étoit percée à jour des quatre côtés, ornée de vitres de toutes couleurs; et comme sa base

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