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M. Rameau, le plus grand muficien de France, mit cet opéra en mufique vers l'an 1732. On était près de le jouer, lorfque la même cabale qui depuis fit fufpendre les représentations de Mahomet ou du Fanatisme, empêcha qu'on ne repréfentât l'opéra de Samfon. Et tandis qu'on permettait que ce sujet parût fur le théâtre de la comédie italienne, et que Samfon y fît des miracles conjointement avec Arlequin, on ne permit pas que ce même fujet fût ennobli fur le théâtre de l'académie de mufique.

Le muficien employa depuis presque tous les airs de Samfon dans d'autres compofitions lyriques, que l'envie n'a pas pu fupprimer.

On publie ce poëme dénué de fon plus grand charme; et on le donne feulement comme une efquiffe d'un genre extraordinaire. C'eft la feule excufe peut-être de l'impreffion d'un ouvrage fait plutôt pour être chanté que pour être lu. Les noms de Vénus et d'Adonis trouvent dans cette tragédie une place plus naturelle qu'on ne le croirait d'abord. C'eft en effet fur leurs terres que l'action fe paffe.

Cicéron, dans fon excellent livre de la Nature des Dieux, dit que la déeffe Aflarté, révérée des Syriens, était Vénus même, et qu'elle époufa Adonis. On fait de plus qu'on célébrait la fête d'Adonis chez les Philiftins. Ainfi ce qui ferait ailleurs un mélange abfurde du profane et du facré fe place ici de foi-même.

PERSONNAGES DU PROLOGUE.

LA VOLUPTÉ.

PLAISIRS et AMOURS.

BACCHUS.

HERCULE.

LA VERTU.

Suivans de la Vertu.

( le théâtre représente la falle de l'opéra.)

LA VOLUPTÉ fur fon trône, entourée des Plaisirs et des

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Amours, Plaisirs, Jeux féducteurs,
Que le loifir fit naître au fein de la molleffe,

Répandez vos douces erreurs ;

Verfez dans tous les cœurs

Votre charmante ivresse ;

Régnez, répandez mes faveurs.

CHOEUR à parodier.

Répandons, &c.

LA VOLUPTÉ.

Venez, Mortels, accourez à mes yeux : Regardez, imitez les enfans de la gloire :

Ils m'ont tous cédé la victoire.

Mars les rendit cruels, et je les rends heureux.

(Entrée de héros armés et tenant dans leurs mains des

guirlandes de fleurs.)

BACCHUS à Hercule.

Nous fommes les enfans du maître du tonnerre : Notre nom jadis redouté

Ne périra point fur la terre ;

Mais parlons avec liberté :

Parmi tant de lauriers qui ceignent votre tête
Dites-moi quelle est la conquête

Dont le grand cœur d'Alcidé était le plus flatté ?

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Ah! ne me parlez plus de mes travaux pénibles,
Ni des cieux que j'ai foutenus:

En ces lieux je ne connais plus
Que la charmante Iole et les Plaifirs paifibles.
Mais vous, Bacchus, dont la valeur

Fit du fang des humains rougir la terre et l'onde,
Quel plaifir, quel barbare honneur
Touvez-vous à troubler le monde ?

BACCH US.

Ariane m'ôte à jamais

Le fouvenir de mes brillans, fo faits;
Et par mes préfens secourables

Je ravis la raifon aux mortels miférables

Pour leur faire oublier tous les maux que j'ai faits. ( ensemble.)

Volupté, reçois nos hommages;
Enchante dans ces lieux

Les héros, les dieux et les fages: Sans tes plaifirs, fans tes doux avantages, Eft-il des fages et des dieux ?

UN A MOU R.

Jupiter n'eft point heureux
Par les coups de fon tonnerre.
Amour, il doit à tes feux
Ces momens fi précieux
Qu'il vient goûter fur la terre.

Le dieu qui préfide au jour,
Et qui ranime le monde,
Ferait-il fon vafte tour.

S'il n'allait trouver l'Amour

Qui l'attend au sein de l'onde ?

Ici tous les conquérans
Bornent leur grandeur à plaire:
Les fages font des amans ;

Ils cachent leurs cheveux blancs

Sous les myrtes de Cythère.

Mortels, fuivez les Amours ;
Toute fageffe eft folie.
Profitez de vos beaux jours:
Les dieux aimeront toujours;
Soyez dieux dans votre vie.

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