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combattu le principe fur lequel cette pensée eft fondée. D'ailleurs l'Hiftoire dit expreffément que les perfonnes, qui furent ehvoyées vers Haï, avoient ordre de l'épier.

Ils s'aquitérent de leur commiffion. Les vic- Jofué toires, que le peuple de Dieu venoit de rem- VII. 2, porter, les avoient non feulement rendus intrepides dans le péril, elles leur avoient même ôté en quelque forte la faculté de l'appercevoir. Quoique la ville de Haï eût une garnifon confidérable, ils rapportérent à Jofué que cette Place ne méritoit pas qu'on mît beaucoup de troupes en mouvement pour l'affiéger, & qu'un détachement peu confidérable fuffiroit pour la

réduire.

Sur ce rapport Jofué commanda trois mille hommes pour l'inveftir. Mais à peine fe furent-ils préfentez devant cette ville que fes habitans firent une vigoureufe fortie fur eux, qu'ils en tuérent trente- fix, qu'ils pourfuivirent les autres,& qu'ils les menérent battant jusqu'à un lieu qui eft appellé Schebarim: ce mot vient d'un autre qui fignifie rompre : foit que ce lieu eût été ainfi nommé à caufe des trente-fix Ifraëlites, qui étoient peris dans cette funefte occafion; foit par quelque autre raison qu'il n'eft pas aifé de determiner, & qu'il importe peu de découvrir. Les Septante au lieu de traduire jufques à Schebarim, ont traduit, jufqu'à ce que les Ifraëlites fuffent défaits. Une petite varieté de leçon dans l'exemplaire Hébreu, fur lequel ils ont fait leur Verfion, a pû caufer ce changement.

Les Ifraëlites furent moins frapez de la gran-
deur

le 2. vol. des gr. Critiques pag. 1587.

2 C'eft le fentiment de PATRIC fur Jof. VII, 2. pag. 72.

deur que de la conféquence de cette défaite. Le moindre mauvais fuccès dans un temps, où ils efpéroient de voir tout plier devant eux, leur parût d'un funefte augure. Ils furent aufft effrayez de ce petit avantage remporté par les Cananéens, que les Cananéens l'avoient été euxmêmes de toutes les merveilles, que Dieu avoit faites pour les Ifraëlites, & de toutes celles qu'il leur préparoit encore. Du moins l'Ecriture exprime la frayeur des Ifraëlites par les mêmes images, qu'elle avoit employées pour marquer celle des Cananéens: elle dit que le cœur du Peuple d'Ifraël fe fondit comme de Peau.

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Jofué fur-tout s'abandonna à la douleur. déchira fes vêtemens: il fe jetta par terre devant l'Arche: il couvrit fa tête avec de la cendre: & il fut imité des principaux des Ifraëlites. Perfonne n'ignore que c'étoient là les marques d'affliction, qu'on fefoit anciennement paroitre dans les occafions les plus finiftres. Témoin Achille fur la mort de Patrocle: témoin OEneus fur celle de fon fils: témoin s Hector fur celle de Priam. C'eft encore aujourd'hui une coûtume parmi les Juifs dans le jour des expiations, de fe jetter par terre devant l'Armoire qui renferme le livre de la Loi. Mais Jofué en fignalant fa douleur de cette maniére, témoigna qu'elle étoit moins causée par l'idée du malheur des Ifraëlites, que par celle des blasfémes, que leur défaite donneroit occafion aux Cananéens de prononcer contre Dieu qui l'avoit permife, & qui alloit être taxé de n'avoir pû la prévenir. Il verfa fes foucis dans

3 Iliad M. verf. 23. 24.·

4 OVID. Metamorph. fab. 4. verf. 529

le

de fein de Dieu : & il lui fit cette refpectueule verf. 7 plainte Helas Seigneur Eternel pourquoi avez &c. vous fait paffer fi glorieufement le Jourdain à ca Peuple, pour le livrer entre les mains des Amorrhéens, & pour le détruire? Que ne nous fommesnous déterminez à refter au dela de ce fleuve! Que vous dirai-je helas Seigneur puis qu'Ifraël a tourné le dos devant PEnnemi! Les Cananéens & tous les habitans du pais, que vous nous aviez promis, apprendront notre défaite: ils nous enveloperont: ils retrancheront notre nom de deffus la terre: & que deviendra alors cette réputation de puiffance, que vous vous étiez aquise au milieu d'eux!

Dieu fut touché des plaintes de Jofué, & il lui découvrit incontinent le mortifiant myfté, re de la fuite des Ifraëlites. Il lui apprit qu'il y avoit quelcun parmi le peuple, qui avoit violé l'ordre donné avant la prife de Jérico, de mettre à l'interdit tout ce qu'on y trouveroit, & de ne garder que les vafes de métail, pour les confacrer, au fervice divin. Il lui ordonna de faire des perquifitions pour favoir qui étoit le coupable. Il voulut que le peuple fe fanctifiât d'une façon toute particuliére, comme dans les Fêtes les plus facrées qu'on examinât chaque Tribu & chaque Famille, jusqu'à ce qu'on eût reconnu celui, dont le crime avoit animé le courroux du Ciel, & qu'on le condamnât à être confumé avec tous fes biens par les flammes. Les paroles de l'Original font remarquables, & elles ont quelque difficulté Vous vous approcherez le matin felon vos Tribus: Jofué &la Tribu que l'Eternel aura faifie s'approchera V11. 14

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Iliad. . verf. 637.

6 BUXTORF, Synagoga Jud. cap. 31. pag. 37%

Jelon

Tom: III.

F

-felon fes Familles: la Famille que l'Eternel au ra faific s'approchera felon fes Maifons: & la Maison que l'Eternel aura faifie,s'approchera felon fes Tétes.

Il n'eft pas étonnant que ce qu'il y a de concis dans cet ordre caufe une grande diverfité d'opinions. On fent bien qu'il faut fuppléer quelque chofe à ces paroles, vous vous approcherez, mais il n'eft pas aifé de déterminer fi c'eft de l'Arche, ou du Sacrificateur, ou en général du Tabernacle, que les Ifraëlités devoient s'approcher.

Il n'eft pas aifé non plus de juger fi chaque Famille, fi chaque Maifon devoit s'approcher en la perfonne de fon Chef feulement, ou fi chaque individu étoit compris dans cet ordre.

Mais ce qui eft le plus digne de nos recherches, & que nous n'aurons pas moins de peine à découvrir, c'eft l'idée qui doit être attachée à cette expreffion, la Tribu qui fera saisie, la Famille qui fera faifie. De quelle maniére étoit-on faifi? C'eft une queftion, fur laquelle nous n'oferions entreprendre de rien décider. Plus timides & plus circonfpects à mesure que nous avançons dans l'Hiftoire fainte, plus effrayez que jamais des fuites funeftes de l'efprit décifif, qui exerce fa tyrannie fur les fujets les plus importans, après l'avoir portée sur ceux qui le font le moins, nous nous contentons de rapporter hiftoriquement les penfées des Savans, fans ofer en adopter aucune, lofqu'ils ne nous fourniffent pas des fecours pour nous y ranger avec fûreté,

7 PIRKE ELIEZER cap. 38. pag. 99.

Quel

8 Voi. Talmud Bava bathra fol. 122. col. 1. voi. auffi BUXTORF. Hiftor. Urim & Thum. pag. 303.

7 Quelques Juifs difent, que c'étoit devant le Souverain Pontife revêtu de l'Ephod, que chaque Ifraëlite devoit pafler: que quand la Tribu, ou la Famille, qui étoit coupable paroiffoit devant ce mystérieux vétement, les pierres prétieuses, dont il étoit enrichi, perdoient

leur éclat.

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• Quelques autres Docteurs de la même nation, fuivis de plufieurs Interprétes Chrêtiens, ont crû que ce fut le Sort, qui fit difcerner l'innocent d'avec le coupable. Mafius penfe qu'on jetta d'abord douze Sorts dans une urne, fur chacun defquels étoit le nom d'une des douze Tribus: qu'on jetta enfuite autant de Sorts qu'il y avoit de Familles dans la Tribu, quiavoit été trouvée coupable: enfuite autant qu'il y avoit de Maifons dans cette Famille, & puis autant qu'il y avoit de Têtes dans cette Maifon.

10 D'autres joignent ces deux manières de découvrir la vérité. Ils difent que la pierre de PEphod, fur laquelle étoit écrit le nom de la Tribu coupable, fut d'abord obfcurcie : & qu'on jetta enfuite le Sort, pour connoitre quelle é toit la Famille, quelle la Maison, quelle la tête, qui avoit commis le crime.

Mr. le Clerc conjecture que le Souverain Sacrificateur, devant lequel il reconnoit que les Ifraëlites devoient comparoitre, fut éclairé d'une maniére furnaturelle, qu'il fût par infpi ration qui étoit celui qui avoit pris de l'interdit, & qu'il le fit connoitre à toute l'Affemblée.

1

Si

9 Masius in Jef. VII. 14. dans le z. vol. des gr. Crit. pag. 1597.

10 Voi. ibid.

II CLERICUS in Jof. VII. 14. pag. 15

F

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