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fué VIII.

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aurons occafion dans la fuite de parler du glo rieux pofte qu'elle occupa dans la République d'Ifraël. Il lui fut pourtant ordonné de se tenir hors du Camp, fans doute jufqu'à ce qu'elle cût abjuré l'idolatrie, & qu'elle fe fût purifiée felon les rites qui étoient prefcrits aux Profelytes.

Nous n'avons plus qu'une remarque à faire fur la prise de Jérico, c'eft que quoique nous ayons paru pancher vers le fentiment de ceux, qui penfent qu'il n'étoit pas permis d'offrir la paix à aucun des Cananécns, & qu'il falloit les mettre tous à l'interdit, nous reconnoiffons pourtant qu'il y eût quelque chofe de particulier dans la maniére, dont Dieu ordonna aux Voi. Jo- Ifraëlites de traiter la ville de Jérico. Dans les occafions ordinaires il étoit permis de prendre du butin, d'épargner les femmes & les enfans, nous en trouverons plufieurs exemples. Dieu ufa ici d'une rigueur particuliére pour faire concevoir une plus grande horreur pour la conduite de ces Cananéens, qu'il traitoit d'une façon fi rigoureuse. D'ailleurs il voulut avoir un hommage de dépendance des Ifraëlites, en les foûmettant à la loi difficile dans l'exécution, de faire un facrifice général à la juftice divine, non feulement des hommes, dont les armes & la valeur auroient pû leur être redoutables, mais des femmes même qui auroient flaté leur cupidité, des efclaves & des enfans qui leur auroient été utiles.

Comme la prise de Jérico étoit un miracle de la toute-puiffance divine, Jofué voulut que la mémoire en fût confervée jufques dans les fiécles à venir, foit afin que l'on déteftât à jamais un peuple, contre lequel ce miracle avoit

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été opéré, foit pour infpirer de la reconnoiffance à ceux en faveur defquels il avoit été fait. Jofué crût que le monument le plus magnifi que, qu'on pourroit avoir de la prise miraculeufe de cette ville, feroient les ruines de la ville même. Et pour empêcher qu'elle ne fût rebâtie, il fit cette imprécation contre celui qui oferoit l'entreprendre: Maudit foit de par l'Eter- Josué vi nel celui qui relevera férico. Si quelcun a l'audace 26. d'en jetter les fondemens, que ce foit fur la tête de fon fils ainé, & s'il en pofe les portes, c'est-àdire, s'il acheve de la bâtir, que ce foit fur celle de fon plus jeune fils. 79 Maimonides a apperçu la raifon que nous avons indiquée touchant la défense de rebâtir Jérico, quoiqu'il foit dans le préjugé de la plupart des Docteurs de fa nation, qui veulent que les murailles de cette ville ayent été englouties par la terre: Jofué, dit ce Rabin, prononça anatheme contre ceux qui rebâtiroient férico, afin que la mémoire du miracle, que Dieu avoit fait en la détruifant, ne fût jamais effacée. Car tous ceux qui jettoient les yeux fur ces ruines, comme englouties dans la terre, voyoient clairement que c'étoit le débris d'une ville détruite par miracle, & non par la main des hommes.

L'imprécation de Jofué infpira de la terreur aux Ifraëlites pendant longtemps. Tous ceux qui pouvoient avoir la pensée de rebâtir Jérico auroient craint de ne pouvoir le faire fans qu'il leur en coûtât les plus précieufes victimes. S'il y eut des Ifraëlites qui oférent habiter, & peutêtre bâtir une ville auprès des ruines de l'ancienne Jérico, il n'y eut pendant plus de cinq cens ans perfonne qui ofat s'établir dans le lieu

19 More Nevochim part. II. cap. 5. pag. 51%.

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maudit par Jofué, quelque agréable & quelque avantageufe qu'en fût la fituation. Ce fut probablement près des ruines de cette ville qu'étoit la ville des Palmiers, dont il eft parlé dans plufieurs endroits de l'Hiftoire fainte; & s'il eft dit dans le fecond livre de Samuel, que les Députez de David aux Ammonites demeurérent à Jérico jufqu'à ce que leurs barbes fuffent crues, cela fignifie feulement, qu'il y avoit encore quelques maifons dans le lieu où avoit été Jérico, & que ces maifons en portoient le nom, non qu'elle eût été rétablie dans fon premier état.

Mais la crainte, qu'avoit infpiré l'anathême 1 Rois de Jofué, diminua avec le temps,& s'évanouit XVI. 34 enfin entiérement. On vit fous le Regne d'Achab un homme de Bethel appellé Hiel entreprendre, ou par une ignorance criminelle de 'Hiftoire fainte, ou par une rebellion directe contre fes Qracles, de rebâtir une ville, qui devoit être à jamais un monceau de ruines. Il fut puni de fon crime en le commettant. La mort d'Abiram, & celle de Segub, dont l'un étoit l'ainé, & l'autre le plus jeune de fes fils, juffifiérent l'Oracle prononcé contre le téméraire Réparateur de Jérico. Il y a même plufieurs Interprétes qui croyent, qne l'anathême lancé par Jofué devoit enveloper toute la famille de celui qui rebâtiroit cette ville, & que cette façon de parler, fon ainé, & fon dernier né, fignifie tous les enfans d'un même père, ce qui eft probable, mais qui ne nous femble pas fuffifamment prouvé.

Au refte, cette manière de prononcer des exécrations contre ceux qui rebâtiroient une ville, a été auffi en ufage parmi les Payens.

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10 Strabonen raporte deux exemples dans un même paffage: Les Auteurs modernes, dit-il, atteftent que la ville de Troye a été entiérement détruite, & voici, ajoute-t-il, de quelle maniére en parle l'Orateur Lycurgue: Qui n'a pas appris que la ville de Troye a été privée d'habitans depuis qu'elle a été renversée par les Grecs? L'on dit que ceux, qui avoient voulu la rebâtir, avoient eu en déteftation le lieu où elle avoit été fituée, foit à caufe des calamitez qu'ils y avoient fouffertes: foit parce qu'Agamemnon avoit prononcé des exécrations contre ceux qui oferoient la réparer. Et c'étoit là, ajoûte Strabon, une ancienne coûtume, comme cela paroit par la conduite de Cræfus à l'égard de Sidene car aiant détruit cette ville, qui avoit fervi de réfuge au Tyran Glaucias, il dévoua aux plus grands malheurs, celui qui feroit des murailles autour du lieu où elle avoit été placée.

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Zonare rapporte que les Romains firent des Decrets d'exécration contre ceux qui rebâtiroient Carthage. Nous alleguerons d'autres exemples de semblables dévouemens.

80 STRABO lib. XIII. pag. 898.

81 ZONARA Annal. lib. IX. pag. 409;

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DISCOURS III.

Achan prend de l'interdit, & eft condamné au feu. JOSUE VII.

A prife de Jérico affuroit aux Ifraelites la conquête de tout le païs de Canaan. Il n'y avoit pas lieu de craindre que Dieu, qui commençoit à exécuter d'une maniére fi glorieufe les promesfes faites aux Patriarches, laifsât fon ouvrage imparfait. Auffi Jofué continua-t-il de combattre, dans la ferme attente qu'il alloit continuer de vaincre.

Il y avoit à trois milles de Jérico (c'eft l'eftimation des Juifs) une ville, que le Texte Hebreu appelle Haï, & les Septante Gaï, ou Haggaï. Jofué y envoye des hommes. 2 Ceux qui penfent que la Loi de ne donner Paffaut à une Place qu'après lui avoir offert la paix, regar doit les Cananéens comme tous les autres peuples, contre lefquels les Ifraëlites auroient à combattre, difent que ces hommes étoient des Hérauts de paix, qui alloient fommer les habitans de Haï de fe rendre, d'abjurer l'idolatrie, & d'entrer dans le Judaïfime. Nous avons déjà

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I Dans le Schemoth Rabba ad c. 23. Voi. un calcul exact fur ce fujet dans MASIUs in Jof. VII. 2. dans

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