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il vient heurter: mais le fon agite une matiére fubtile, qui pénétre leurs pores, & qui les fer

re intérieurement.

2. Il fuffifoit pour que les murs de Jérico fe renverfaffent au fon des trompétes, des cors, & des cris du peuple, que ce fon eût une certaine proportion avec la tenfion de ces murs: tout ce qui eft élevé perpendiculairement doit avoir une certaine tenfion, qui étant furmontée par une force majeure, le corps ainfi élevé doit néceffairement être fracaflé.

3. Le fon, que produit une trompéte, ou un cor recourbé, eft beaucoup plus vehement que celui qui fe fait par des Inftrumens directs. Cela paroit par la trompéte qu'on appelle Stenterophonique. L'on pretend même que les rayons du fon multipliez peuvent produire la chaleur comme les rayons de lumière. Cet argument peut s'éclaircir par les remarques de 60 Charleton dans fa Phyfiologie, & par celles de Guillaume Pettus dans fa Differtation touchant l'afage de la proportion redoublée.

A ces raifons Philofophiques les Auteurs, que nous avons citez, ajoûtent des faits, qui ne leur paroiffent pas moins extraordinaires que la chute des murs de Jérico. Le 62 Chevalier Digbi raporte que le bruit, caufé par l'embrasement d'un magazin de poudre, renverfa les murailes d'un Temple confidérable, quoiqu'il fut

fort

59. DANIEL GEOR. MORHOFIUS de fcypho vitreo, &c. cap. 14. pag. 187.

60. CHARLETON Phyfiolog. lib. III. fect. 1. art. 8. 61. WILLIAM PETTUS de ufu duplicata proportio nis, cité dans MORHOF. ibid. pag. 200. 62. Cité ibid. pag. 189.

fort éloigné du lieu où étoit ce magazin.

63 Borelli raconte qu'il étoit à Taormina fituée dans la Vallée de Demona en Sicile, à plus de 30. milles du mont Ethna, lorsque cette montagne fit une irruption, dont le bruit ébranla toutes les mailons de cette ville. 64 Il fait mention d'une circonftance remarquable qu'il obferva. C'eft que toutes les maifons, qui étoient vis-à-vis du gouffre d'où fortoient les flammes, reçûrent de beaucoup plus grandes fecoufles, que celles qui étoient fituées d'une autre maniére, D'où il conclut que le tremblement de ces maifons ne venoit pas d'un mouvement général caufé dans toute la ville, (auquel cas elles auroient toutes été également agitées) mais de la proportion qu'il y avoit entre les murailles de ces maifons, & le mouvement de l'air, qui agitoit beaucoup plus les murailles placées d'une maniére propre à en recevoir les percuffions, que 6, que celles qui ne l'étoient pas. De là on tire cette conféquence, qu'il fe peut que la ville de Jérico étant renfermée dans des montagnes, le fon des voix, des cors & des trompétes, a pû y faire la même impreffion que celui, qui venoit du mont Æthna, fit fur les maifons de Taormina, fituées vis-à-vis du gouffre dont nous avons parlé.

Enfin on allégue des raifons prifes de la maniére même, dont l'Hiftoire de la chute de Jérico eft racontée. On prétend que les murs de cette ville ne tombérent que lorsque le fon des trompétes étoit concifior & longior: on cite pour le prouver le verf. 16. du Chap. VI. de Jofue. Mais dans ce yerfet même, je ne trouve point

63. Cité ibid. pag. 190.

ce

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ce fon longior & concifior, il y a feulement que pendant que les Sacrificateurs fonnoient des cors, le Peuple eut ordre de jetter des cris de joie,

On fuppofe auffi que non feulement les Sacrificateurs fonnoient des cors, mais que tout le Peuple avoit des trompétes dans ce cas il faut avouer que le bruit devoit être affreux: & que plus de dix-huit cens mille hommes (car il eft queftion là, non des fix cens mille qui portoient les armes, mais de tous les autres) auroient fait une rumeur capable finon de renverser les murs de Jérico, du moins de les ébranler. Mais il me femble qu'on ne fauroit conclurre du verf. 13. du Chap. VI. de Jofué, fur lequel l'Auteur fonde fa fuppofition, que tout le Peuple eut des trompétes. Il y a feulement que les Ŝacrificateurs, qui portoient l'Arche de l'Eternel avoient des cors de bélier, que l'arriére-garde fuivoit l'Arche, & qu'on fonnoit du cor en marchant, ce qui doit s'entendre des cors que portoient les Sacrificateurs. On entrera dans notre pensée, fi l'on fait réflexion qu'il s'agit dans ce verfet, non du bruit que l'on fit le feptième jour, qui étoit celui de la chute de Jérico, mais de celui qui fe fefoit pendant les fix jours qu'on marchoit autour de cette ville.

Voilà le systéme de Morhof & de Mersene que nous ne nous arrêtons pas à réfuter, puisque ceux même qui le propofent reconnoiffent, que quoiqu'il ait été poffible que les murs de Jérico foient tombez fans une action extraordi naire de la puiffance divine, & par le feul for que firent les voix & les trompétes, il paroit

64. Ibid,

pour

pourtant par les circonftances de l'Hiftoire que ce fut un évenement tout miraculeux. A quoi j'ajoûte, que quand il feroit vrai que le bruit auroit pû produire cet effet, il auroit toûjours fallu un miracle pour faire connoitre à Josué d'une maniére fi jufte la proportion qu'auroient ces fons avec la fituation de Jérico, & fur-tout avec la matiére dont les murs de cette ville é toient compofez. C'eft tout ce dont nous avons befoin pour juftifier le miracle de la chute de Jérico, & c'eft auffi ce que nous nous contentons de proposer.

65 Les Juifs difent fur quelques légéres conjectures, que ce feptiéme jour, qui vit ce prodige, étoit un jour de Sabbat. Si certe pensée a été propofée légèrement, il me femble qu'elle a été combattue légérement auffi, par ceux qui ont crû la réfuter par cet argument, qu'il étoit défendu de travailler le jour du Sabbat. Dieu qui avoit fait cette déffenfe, avoit l'autorité d'en ordonner la violation. Rien n'étoit plus convenable à la fainteté du jour du Sabbat, ni à relever la gloire de celui qui l'avoit inftitué, qu'un Miracle de cette nature. D'ailleurs il faut bien que dans un des fept jours, pendant lefquels on fit le tour de la ville, il y ait eu un jour de Sabbat. Cette marche auroit été contraire au repos qu'il faloit obferver durant cette Fête, fi le Peuple n'avoit été autorisé par une permiffion divine.

Il n'eft pas poffible de voir l'ordre prescrit à Jofué, fans remarquer que le St. Efprit vouloit

que

65. SALOM. JARCHI in Jofuam VI. 1. pag. 15. Voiez MEYER in Seder Olam pag. 369.

66. MARSHAM Chronic. Canon. Egypt. fæcul. 9. tit.

e

C

»

a Levit.

c Levit.

IV. 6.

que les Juifs euffent une attention particuliére pour le nombre de fept, qui eft ici tant de fois marqué. En effet, pourquoi fept jours, fept trompètes, (ept Sacrificateurs, fept marches, autour dès murailles de Jérico ? Ce nombre eft obfervé dans plufieurs autres rites du Judaïfme. On arrofoit fept fois l'Autel qu'on vouloit con- vIII. II. facrer. On employoit b fept jours à la confé- b Levit. cration des Sacrificateurs. On fefoit fept afper- VIII. 33. fions du fang d'un veau immolé pour le péché commis par ignorance. La femme, qui avoit d Levit. mis au monde un fils, étoit fouillée djept jours. XII. 2.5. Le lepreux devoit recevoir fept afperfions. Naa- e Levit. man eut ordre de fe plonger f fept fois dans le f2 Rois Jourdain. Balaam bâtit 8 Jept Autels. Job offrit v. 10. 14. pour fes Amish fept taureaux & fept béliers. Eze- g Nomb. chias obferva le même nombre d'animaux dans XXIII. un Sacrifice. Les Habitans des villes d'Ifraël h Job. doivent allumer un feu qui dure k fept ans, & XLII. 8. purifier la terre pendant l'efpace de fept mois. i 2 Chro. Daniel compte les temps parfemaines. Lek Ezech. Livre, dont il eft parlé dans l'Apocalypfe, eft xxxix. 9. fcellé de m fept fceaux. L'Agneau a fept cor- 12. nes, fept yeux, qui font les fept Efprits. Il eft! Daniel donné fept trompètes, & fept phioles à Jept m Apoc. Anges. Pourquoi cette affectation du nombre v. 1. de fept, s'il ne renferme pas quelques myfteres? n Vers 6.

XIV.7.9.

I. 14.

XXIX. 21.

IX. 24.

o Ibid.

Il a été regardé comme mystérieux, non feu- VIII. 2. lement par les Juifs, mais auffi par les nations p Ibid. idolatres. On trouvera une riche compilation XV. 7. de paffages tirez de l'Antiquité profane fur ce fujet ❝ dans le Chevalier Marsham. 67 Philon

Sabbat. primum pag. 188.

dit

67. PHILO de mundi opificio pag. 29. voi. auffi depuis la pag. 20. jufqu'à 29.

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