Page images
PDF
EPUB

"

, on confulta l'Oracle fur un cas fi délicat : ,, que la réponse fut, qu'on eût à lui choifir , par le fort un homme de la famille de David, qui n'auroit que le nom de fon époux, fans en avoir les prérogatives: que le fort tomba fur Jofeph. Si la narration de cette Fable ne fuffit pas pour la faire rejetter, on peut confulter 28 Cafaubon & quelques 29 autres Auteurs, qui en ont fait voir toute la puérilité.

[ocr errors]

Nous avons auffi propofé notre pensée au fujet des femmes, dont l'Hiftoire fainte dit qu'elles s'affembloient par troupes à la porte du Tabernacle d'affignation; nous avons vû que cela fignifioit, qu'elles y venoient pour faire leurs devotions. On a même remarqué que le mot Hébreu, nay, que notre Verfion traduit elles s'affembloient par troupes, veut dire, faire la guerre, & qu'il fignifie quelquefois, vaquer au fervice divin, ce qui femble pouvoir s'établir fur les paffages de l'Ecriture, que nous citons à la Nomb. marge, & c'eft le fens qu'on peut donner ici IV. 23. à ce terme. Quand les Chanteufes, dont il est parlé dans l'Hiftoire fainte, ne feroient pas les femmes des Chantres, ainfi que quelques-uns Pont foûtenu, ce me femble, fans fondement, quand ç'auroit été des perfonnes prépofées pour chanter dans le Temple, comme nous le préfumons, il ne fuivroit pas de-là qu'elles euffent 1. Macc. fait vœu de virginité. Le titre de réclufes donIII. 19. né aux filles, dont il eft fait mention dans le fecond Livre des Maccabées, marque, non qu'el

1 Tim. 1.18.

[ocr errors]

les

1

28 CASAUBON. contrà BARON. cap. 23: 29 Voi. CHAMIER Panfirat. Cathol. lib. XX. cap. 24. fect. 26 pag. 388.

30 CASAUBON. contra Baron. cap. 23. pag. 87. 31 PLIN. Hift. part. 1. lib. V. cap. 17. pag. 282.

les avoient renoncé au mariage, mais qu'elles vivoient dans un état de retraite & de retenue convenable à de jeunes perfonnes qui ne font pas mariées, comme 3 Cafaubon l'a démontré. On ne fauroit donc prouver, que du temps de Jephthé il y eut, parmi les Ifraëlites, des perfonnes, qui fe vouoient au célibat pour vaquer au culte divin.

Ce ne fut que fous le Regne d'Augufte, qu'un Judas Galiléen forma une Secte parmi les Juifs, dans laquelle on ne pouvoit être admis qu'après avoir fait vou de chafteté: c'étoit la Secte des Efféens. 31 Effeni, dit Pline, gens fola & in toto orbe prater cæteras mira, fine ulla fæmina, omni Venere abdicata. 32 Philon & 33 Jofeph en donnent la même idée. C'eft ce qui a fait foupçonner à quelques Critiques, qu'un Efféen étoit l'Auteur du Livre de la Sapience, parce qu'on y trouve de grands éloges de la Virginité. C'eft auffi ce qui a fait pré 11. Macc fumer à quelques autres, que Jefus Chrift avoit III. 19. les Efféens en vue dans ce célébre paffage de l'Evangile Il y a des Eunuques, qui fe font Matt. XIX, faits eux-mêmes Eunuques pour le royaume des 12. Cieux. Quelque incertaine que foit cette conjecture, elle eft fans doute plus raisonnable que la penfée de ceux, qui expliquoient dans un fens litteral ces paroles de Jefus Chrift, & qui les fuivoient à toute rigucur. Perfonne n'ignore 34 qu'Origène n'en comprit la véritable fignification, qu'après avoir été la victime des fauffes idées

32 PHILO liber I. quod omnis probus liber, 877. 33 JOSEPH. Antiquit. lib. XVIII. cap. 1. pag. 793, 34 Voi. EUSEB. Hiftor. Ecclef. lib. VI. cap. 8. pag. 269.

33.

idées qu'il y avoit attachées. 35 St. Epiphane parle auffi de certains Hérétiques, qui croioient que la voie la plus fûre pour parvenir au Ciel, c'étoit de les prendre à la lettre. Et ce fut probablement à l'occafion d'une erreur fi fingulière que fut fait ce Canon, qui fe trouve parmi ceux qui font fauffement attribuez aux Ápôtres, & qui fut renouvellé plus d'une fois par les Conducteurs de l'Eglife: 36 Qui fibi ipfi virilia amputavit, Clericus non efficitor, fui ipfius enim eft homicida & inimicus creationis Dei.

Concluons. L'état du célibat a de grands avantages pour ceux qui y font par de bons prinCor. cipes: Celui qui n'est point marié a foin des chofes VII. 32. qui font du Seigneur, comment il plaira au Seigneur. Au lieu que celui qui est marié a foin des chofes de ce Monde, & comment il plaira à fa femme, & ainfi il eft partagé. Il peut y avoir eu dans tous les Siècles de l'Eglife des Saints, qui ont reconnu la justice de cette Maxime, & qui ont choifi un genre de vie, dans lequel ils pouvoient fe donner au fervice de Dieu fans aucun partage. Mais qu'il y ait eu dans le Siècle de Jephthé des Sociétez entières, qui renoncoient au mariage, & qui faifoient vou de virginité, c'est ce que perfonne ne lauroit prouver.

Je veux pourtant qu'on démontre ce dont nous venons de voir, finon la faufleté, du moins l'incertitude; je veux même que Jephthé pour accomplir fon vœu ait condamné fa Fille à pasfer fa vie dans ces prétendues Sociétez de Vierges,

35 EPIPHAN. Haref. tom. I. lib. 2. Hæref. 38. fi ve 58. pag. 489:

36 Canones Apoftol. cap. 22. pag. 15.
PHOTII Nomocanon 1. cap. 14. pag. 18

ne

ges, il n'a pû le faire fans témérité, pour në pas dire fans crime. S'il fut jamais requis qu'une victime allât volontairement à l'autel pour être agréable aux yeux du Seigneur, c'est lorsqu'elle y vient pour ce genre de facrifice. Bruler d'une ferveur toute divine; & pour fe donner tout entier au fervice de Dieu, s'élever non feulement au-deffus des paffions criminelles, mais au-deffus même des innocentes; prévenir toutes fortes de diftractions; fuir des engagemens, dans lesquels, felon l'expreffion de St. Paul, on auroit été appellé aux foins des affaires de ce Monde entrer volontairement dans une condition, où l'on n'aura d'autre foin que celui de le préparer à une autre vie, & de penser à Dieu, à fon culte, à fes perfections: s'offrir en facrifice de cette maniére, c'eft fans doute une conduite très-digne de louange. Nous a quiefçons fans répugnance à tous les éloges qu'on donne à la Virginité, fi on les renferme dans ces bornes. Mais pour s'interdire des choles légitimes, s'expofer à la tentation d'en rechercher de criminelles; rifquer de violer les loix qui défendent la fornication & Padultére, fous prétexte de ne pas fe prévaloir de celles qui permettent le mariage; être toûjours aux prifes avec un tempérament plus fertile en distractions que la famille la plus turbulente & la plus nombreuse; dans le temps qu'on voue à Dieu fa virginité, s'abandonner à des regrets, répandre des torrens de larmes, & comme fi l'on

MARTINUS BRUCURENS. excerpta Capitulor. Grac. tom. 2. cap. 21.

[ocr errors]

GELASIUS in Decretal. cap. 20. idem de Aftis Ni canis 157.

[ocr errors]

Voi, GEUSIUS de victim, humanis pag. 6. 7.

T

Cor.

l'on ne pouvoit pas en verfer foi-même affez pour la perte d'un auffi grand bien que celui de la liberté d'avoir un Epoux, inviter fes Compagnes aux lamentations aller pendant deux mois entiers faire retentir les montagnes des cris de la douleur, que caufe un facrifice f cuifant, & vouloir en quelque forte émouvoir à pitié les rochers les plus infenfibles & les plus durs de la violence qu'on fe fait à foi-même: offrir fa virginité de cette manière, ce feroit fe lon nous un dévouement, qui ne fauroit plaire à ce Dieu, qui demande le cœur pour première victime, & qui ne veut recevoir de nous aucu ne offrande, à moins que ce ne foit le cœur même qui la préiente. Je ne fai fi la Fille de Jephthé éprouvoit toute la répugnance que nous venons de marquer: & fi elle étoit dans VII.8. le cas de celles, à qui un Apôtre ordonne de fe marier, comme les circonftances de l'Hiftoire femblent aflez l'établir: mais fans faire ici ces fortes de perquifitions il nous fuffit de remarquer, que Jephthé ne pouvoit affez bien connoitre les difpofitions de la Fille, pour l'offrir ainfi à Dieu fans la confulter: & s'il faut renfermer notre pensée dans une feule période, & exprimer en un mot toute la fubftance de nos réflexions fur cette matière; UNE FILLE EST A ELLE-MEME JUSQU'A UN CERTAIN DEGRE SA VIRGINITE N'EST PAS L'OFFRANDE D'UN PERE, CE DOIT ETRE LA SIENNE PROPRE. Nous avons voulu prouver que Jephthé n'étoit autorisé par les Loix Divines, ni à offrir à Dieu la vie de fa Fille, ni à lui offrir fa virginité.

Il paroit par ce que nous venons de propofer,

que

« PreviousContinue »