Page images
PDF
EPUB

authentiques, ils donnérent la marque la moins fufpecte de la fincérité de leur repentance: je veux dire qu'ils réparèrent, autant que la chofe étoit en leur pouvoir, le mal qu'ils avoient commis. Ils ôtérent du milieu d'eux les Idoles qu'ils s'étoient faites: ils fubftituérent au culte des faux Dieux, celui du véritable, qui fut auffi prompt à leur pardonner, qu'ils le furent à fe

convertir.

Fondez fur les promefles faites à la pénitence ils entrèrent en campagne pour réfifter aux Hammonites, qui y étoient aufli entrez pour les attaquer. Les ennemis avoient leur camp à Galaad: celui des Ifraëlites étoient à Mitfpa. Il y avoit plufieurs lieux qui portoient ce dernier nom: il s'agit ici de celui qui étoit hors de la Terre de Canaan, au delà du Jourdain, vers les fources du torrent de Jabboc, près de Hermon, & dont il eft parlé dans le Chap. XI. & dans le XIII. de Jofué.

Jofué. XI:

26.

Ce Corps manquoit de Tête. La force & 8. & XII, la valeur font inutiles quand il n'y a point de Chef pour les diriger. Les Ifraëlites cherchérent avec foin quelcun, qui pût exercer une charge fi importante: ils n'exigèrent d'autre qualité de celui, à qui ils vouloient la déferer fi ce n'eft qu'il en fût digne : ils firent publier que celui qui feroit capable de faire tête aux Hammonites, & qui les combattroit le premier avec fuccès, feroit choifi pour commander à toute l'armée.

Mais enfuite ils jettèrent les yeux fur Jephthé, dont le courage avoit déjà donné de l'exercice aux ennemis. Il étoit defcendu de ce Galaad, fils de Machir, 4 dont nous avons parTome 111.. 4 Dans le III. vol. de nos Difcours XII. pag. 352.

Dd

le

I.

lé ailleurs: mais fa mère étoit concubine & idolatre. C'eft du moins, ce me femble, l'hypothèle qui répond le mieux aux titres qui lui Jug.xI. font donnez, car elle eft d'abord appellée Femme impure, un moment après il eft dit, qu'elle étoit étrangère, & le mot étranger fignifie pour l'ordinaire idolatre: de là vient qu'on dit communement dans nos Ecritures, les Dieux étranXXIII.20. gers, pour dire les Idoles. Nous ne préten

Verf. 2.

Jof.

dons pourtant pas que cette interprétation foit incontestable. Comme les termes de l'Original font équivoques, ils peuvent être différemment entendus. Auf trouvera-t-on chez les Interprètes différens fentimens fur ce fuje. Quelques-uns même ont crû que le terme d'étrangére étoit l'explication de celui de Femme impure, & que tout ce que vouloit exprimer l'Auteur facré par la réunion de ces deux mots, c'eft que la mère de Jephthé n'étoit pas de la même Tribu que fon père. C'est le fentiment du Rabbin Béchai. On trouvera un ample recueil fur ce fujet, & de favantes difcuffions fur le droit des Juifs à l'égard des enfans des Femmes publiques, de ceux des Concubines proprement ainfi nommées, de ceux des mères idolatres & des Profelytes, dans deux Auteurs qui l'ont épuifé, & que nous avons eu

foin de citer.

Il ne me femble pourtant pas qu'être né d'une femme, qui n'étoit pas de la même Tribu que fon mari, fût une raifon fuffifante pour être exclus de l'héritage paternel: je fai bien qu'il

y

5 Voi. Joн. BvxTOR F. fil. de Divortiis fect. 44. pag.

[ocr errors]
[ocr errors]

Verf. 8

y a une Loi, qui favorife le fentiment que je combats. Elle eft au Chap. XXXVI. des Nombres: elle fut donnée à l'occafion des filles de Tfelophcad. Il eft expreffément porté par cette Loi, que toute fille, qui auroit hérité de quelque poffeffion d'entre les Tribus des Enfans d'Ifraël, eût à fe marier à quelcun de la famille de la Tribu de fon père: qu'on ne transferât point un héritage. d'une Tribu à une autre, mais que chacun fe tint au fien. Mais cette Loi fuffifoit-elle pour ne donner abfolument aucune portion à un homme venu d'un mariage contracté entre deux perfonnes de différentes Tribus? Aaron ne fut-il Exod. pas marié avec Elifabeth, fille d'Hamminadab, VI. 13. Prince de la Tribu de juda? Et Zacharie avec Elifabeth coufine de la fainte Vierge, qui étoit de la Tribu de Juda? Auffi la plupart des Docteurs Juifs prétendent-ils que la Loi du XXXVI. des Nombres n'étoit que pour le temps, dans lequel elle fut donnée; ce qui eft peut-être trop reftreint, mais qui a pourtant quelque fondement.

Luc.1.5

Soit railon, foit juftice, les frères de Jephthe, fous prétexte qu'il n'étoit pas venú d'une même mère qu'eux, refufèrent de lui allouer une portion dans l'héritage de leur père. Jephthé n'aiant aucun fecours de fon patrimoine pour fubvenir à fon entretien, fut contraint d'y pourvoir par fon induftrie. Il quitta fon païs natal. Il s'exila volontairement lui-même dans celui de Tob, 2 Sam. xi qui étoit à l'Orient de Galaad, & peut-être le 6. 8. lieu de la naiffance de fa mère. Là il fe mit à

la

6 SELDEN. de fucceffionibus Hebr. in bona defunctorum Cap. 3. pag 14.

Dd z

Jug.xx. 5.6.

la tête de quelques vagabonds, qui vivoient comme lui de ce qu'ils remportoient des courses qu'ils fefoient fur les ennemis. Nous jugerions plus furement de ce qu'il y avoit d'injufte ou de légitime dans ce genre de vie, fi nous n'en ignorions les circonstances.

Ce fut dans ce lieu que les principaux de Galaad vinrent trouver Jephthé, & lui propofèrent une guerre plus glorieufe & plus générale; ils lui demandèrent qu'il fe mit à la tête d'une armée, pour combattre les Hammonites. Jephthé leur rappella la rigucur qu'il avoit éprouvée au milieu d'eux: la néceffité où ils l'avoient réduit d'abandonner le licu de fa naiflance, & de chercher dans une terre étrangère de quoi fe nourrir. Il leur témoigna qu'il fentoit bien qu'ils n'avoient recours à lui, qu'à caufe de leurs preffans befoins, & qu'il étoit convaincu, que quand il les en auroit tirez ils l'abandonneroient à fa première indigence.

Les Galaadites lui promirent, que s'il vouloit s'aquiter de la commiffion qu'ils venoient lui propofer, il feroit à jamais leur Juge. Jephthé répondit, qu'il confentoit de n'être revêtu de cette dignité qu'au cas, non feulement qu'il combattît contre l'ennemi, mais qu'il le vainquît. La condition fut acceptée. Pour la rendre inviolable on y fit intervenir la Religion du ferment. C'eft de cette manière que nous entendons ce qui eft dit dans le Texte, que les Jug. xi. Anciens de Galaad dirent à Jephthé, que l'Eternel écoute, qu'il foit juge entre nous, fi nous ne

IC.

fai

7 BUXTORF. ubi fupra pag. 56. &c. Voi. une riche compilation fur ce fujet dans BuxTORF de Divortis pag. 57.

8 JOSEPH MEDE Difcours 18. pag. 66.

[ocr errors]

faifons tout ce que tu as dit : c'eft de cette maniére auffi que nous entendons ce qui eft ajoûté:. Ce fut devant l'Eternel que Jephthé prononça toutes Verf. 11. ces paroles. Il eft vrai qu'il n'eft pas aifé de marquer avec précifion ce qu'emportent ces derniers mots, devant l'Eternel. Si la convention entre Jephthé & les Galaadites avoit été faite dans un lieu, où l'on pût préfumer que l'Arche eût été présente, nous croirions que Jephthé contracta cette alliance devant ce fymbole de la Majefté Divine. Mais nous ne trouvons rien qui favorife cette hypothèse. Seroit-ce donc l'intervention de quelque Prophète, qui auroit fait dire à l'Hiftorien, que cela fe pafla devant PEternel ou s'il y avoit là quelcun de ces lieux, que Jofeph Mède appelle des Priéres ? L'une & l'autre de ces conjectures eft foûtenable. Mais

8

les Juifs ont expliqué cette expreffion, devant P'Eternel, par une maxime qui eft digne d'attention. Ils difent que la row, Sechinah, c'està-dire, la préfence Divine, repofe fur un lieu, ойд toute la Congrégation d'Ifraël eft affemblée. Peutêtre Jefus Chrift fefoit-il allufion à cette maxime; peut-être vouloit-il relever les avantages de l'Eglife Chrétienne, fur ceux que s'arrogeoit la Synagogue, lorsqu'il difoit, qu'où il y auroit deux ou trois perfonnes affemblées en fon nom, il fe Matth. trouveroit au milieu d'elles.

Dès que Jephthé fut à la tête de l'armée des Ifraëlites, il voulut réduire les ennemis avec des raisons, avant que de les attaquer d'une autre manière. Il envoya des Députez au Roi

des

9 Ce mot eft de SALOM. JAR CHI fur Jug. XI. 11. pag. 83. Voi. auffi fa réflexion fur 1. Chroniq. 11. 3. pag. 460.

XVIII. 20.

« PreviousContinue »