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5.

tion, qui étonne, dirai-je? ou qui épouvante, tous ceux qui lifent fes Ouvrages.

Les fuites de ce nouveau Gouvernement répondirent à la manière, dont il avoit été établi. Le premier ufage, que fit Abimélech de fon autorité, ce fut l'affaffinat de ceux qui pouvoient prétendre à la lui difputer. Il tua les foixante-neuf fils de Gédéon. Jotham, le plus jeune de tous, auroit éprouvé un même fort, s'il ne s'étoit dérobé par la fuite à la fureur de ce barbare frère. Cependant le Texte porte Jug. 1x. qu'il y eût foixante & dix fils de Gédéon qui furent maflacrez: mais cette manière de mettre un nombre rond pour un autre, dans certaines occafions, eft familière aux Auteurs facrez. Il eft dit auffi que ce meurtre fut commis fur une pierre. L'on a préfumé avec quelque forte de vraisemblance, que c'étoit ce même rocher, Jug. vi. dont il a été parlé dans la vie de Gédéon, & auprès duquel cc St. Homme avoit dreffé un Autel au Dieu fouverain. Peut-être qu'Abimélech renverfa cet Autel, qu'il en bâtit un autre fur fes ruines à l'honneur de Baal, & que pour vanger l'affront, que Gédéon avoit fait à cette Divinité, il lui immola foixante neuf de fes enfans.

Ibid.

24.

Cette action inhumaine, qui devoit exciter dans l'ame des Sichémites de l'horreur contre celui qui l'avoit faite, fervit à lui concilier leur bienveillance, & mit le comble à fa gloire. Ils lui confirmèrent le pouvoir, qu'ils lui avoient donné: & l'aiant conduit dans un licu, qui eft appellé

* On pourroit traduire Chene de Station ou d'Afsemblé au lieu de Chène de fituation peut-être qu'on avoit accoutumé de faire des Aflemblées générales fous cet

:

1

Verf. 6.

Genef.

appellé * Chène debout, ou Chène de la fituation, ils lui déferèrent la Royauté, que Gédéon s'étoit fait un devoir indifpenfable de refufer. On peut traduire une forêt de chènes : & il eft à préfumer que le monceau, qui étoit dans cette forêt, avoit été élevé pour fervir à l'exaltation d'Abimélech. Mais quelques-uns veulent qu'on traduife le Chène, c'est-à-dire, le Chène par excellence: ils croyent qu'il eft ici question de cet arbre fameux dans la vie des Patriarches , par l'Autel qu'Abraham érigea dans le lieu, où il étoit planté; par les Idoles que Jacob enterra dans le même endroit; & par l'alliance que Jo- Jofué fué y renouvella entre Dieu & les Ifraëlites. Si xxiv. 26, cette conjecture étoit fondée, il faudroit que ce Chène eût fubfifté cinq cens ans: & cependant 3 l'on prétend que ces fortes d'arbres ne vivent que trois fiècles, & croiffent pendant les cent premières années ils font en vigueur pendant les cent années fuivantes : après quoi ils déperiffent infenfiblement, jufques à ce qu'ils ayent atteint l'âge que nous avons marqué.

Dès que Jotham, feul réchapé des enfans de Gédéon, eût appris l'exaltation d'Abimélech, il forma le projet de la traverfer. Il monta fur un des côteaux de la montagne de Guérizim, d'où il pouvoit plus facilement être entendu des Sichémites, & il leur addreffa cet Apologue.

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Les arbres s'empreflèrent un jour pour s'établir un Roi. Ils offrirent d'abord cette dignité à l'Olivier, qui leur répondit: Ré

arbre, ou dans cette forêt.

›, non

3 Voi. fur ce fujet JOSEPH MEDE Difcours 18. book 1. pag. 65.

XII. 6.7:
XXXV.4.

Jug. Ix. 8. &c.

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noncerois-je à mon 4 huile, qui a l'honneur de fervir à l'onction des perfonnes éminen,, tes, & qui eft même employée dans les libations & dans les lampes du Tabernacle: & me facrifierois-je aux foins de tous les arbres des forêts? Ils s'addrefsèrent enfuite au Fi,, guier, qui exalta la douceur de fes fruits, , qu'il préferoit aux honneurs de la Royauté. Ils firent la même propofition à la Vigne, ,, qui la rejetta comme l'avoient fait le Figuier & l'Olivier & qui témoigna qu'elle ne ,, pourroit fe réfoudre à renoncer à fon vin, les délices non feulement des repas que les hom,, mes le donnent mutuellement, mais même de ceux auxquels la Divinité eft censée affifter avec fes Fidelles. Enfin les Arbres eurent leur recours à l'Epine, qui accepta avec d'autant plus d'empreffement cette dignité, ,, qu'elle étoit l'Arbriffeau le moins digne d'en être revêtu: & elle dit à ceux, qui la lui offroient, que s'ils étoient fincères, ils n'avoient qu'à fe retirer fous fon ombre, ou que le feu alloit fortir de fon fein pour les devo1, rer." Voilà le plus ancien Apologue qui nous foit connu Jotham aiant vêcu l'an du monde deux mille fept cens, & Efope, le plus célèbre des anciens Fabuliftes, ne s'étant fait connoitre qu'environ l'an trois mille quatre cens.

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Le but général de l'Apologue de Jotham fe découvre fans peine. Il vouloit faire connoitre aux Sichémites l'excès de la folie qu'ils avoient eue, de fe choifir pour Roi un homme, qui n'étoit pas plus en état de les protéger, que P'Epine

4 Voi. fur l'u'age de l'huile dans la Religion, STUC KIUS tom. 2. pag. 83. 198, 209.

l'Epine le feroit de couvrir fous fon ombre des Arbres qui y auroient recours. Si ce but étoit moins fenfible, on n'auroit pour le découvrir qu'à examiner la fuite du difcours de Jotham, dans lequel il ne refte aucune obfcurité fur cette

matière.

Toute la difficulté confifte donc à déterminer ce qui eft précisément représenté par l'Olivier, par le Figuier & par la Vigne dans cet Apologue. Quelques-uns ont crû, que par l'Olivier il falloit entendre Othoniel, qui étoit de la Tribu de Juda cette Tribu eft comparée à P'Olivier dans le Chap. XI. des Révélations de Verf. 16, Jérémie. Par le Figuier ils ont entendu Débora, dont le nom en Hébreu fignific une abeille: & rien ne reflemble mieux que le miel de l'abeille à la douceur des figues Enfin ils ont crû que la Vigne repréfentoit Gédéon. Il étoit de la Famille de Jofeph, qui eft comparé à un Rameau Verf, 22. fertile dans le Chap. XLIX. de la Génèfe. Quelque recherchée que paroifle d'abord cette penfée, elle ne mérite peut-être pas qu'on la rejetté entiérement. Nous avons vû que Gédéonavoit abfolument refufé la Royauté, qu'on lui avoit offerte peut-être avoit-on fait la même offre à Othoniel & à Débora pour couronner les victoires, qu'ils avoient remportées fur les ennemis du peuple de Dieu.

Cependant nous ne fommes pas indifpenfablement obligez d'admettre ce commentaire : la Question propofée s'éclaircit fans peine par une réflexion fur le génie des Paraboles. Non feulement il n'est pas néceflaire que chacun de leurs

SAURERTUS de Sacrificiis cap. 25. pag. 586.

leurs membres ait une vue 'particulière, qui fe rapporte directement au but de celui qui la propofe; il faut même que ce but foit en quelque forte caché fous des images étrangères, deftiLuc. xvi. nées à l'enveloper. Que fignifie ce qui eft dit 8. dans la Parabole du Maitre d'hôtel, que ce Dé

Jug. xx.

24.

pofitaire infidèle fut loué de l'infidélité qu'il avoit commife, en effaçant de fon livre de compte quelques-unes des fommes qui devoient y être couchées? Qui ne voit que cet incident envelope le but principal de la Parabole, qui eft, non de faire l'éloge d'une action injufte, mais de porter les hommes à la précaution & à la prudence? Qu'on applique cette maxime à l'Apologue de Jotham; on verra qu'il n'eft pas néceflaire d'affigner une fignification particulière à chacune des images qui y font tracées : il fuffit qu'on y voie un reproche vif du choix infenfé, que les Sichémites venoient de faire en la perfonne d'Abimélech.

Jotham alla attendre à Beer, ville fituée fur les frontières feptentrionales de la Tribu de Juda, le fuccès des exhortations qu'il venoit d'addrefler à ceux de Sichem, & des reproches qu'il leur avoit faits. Dieu le feconda. Il ne permit pas que la violence des fils de Gédéon c'eft-à dire, felon le ftyle de la Langue fainte, la violence dont on avoit ufé à leur égard, demeurât longtems impunie. Il permit que la divifion fe mit entre Abimélech & les Sichémites, dès la troifiéme année du regne de ce nouveau Roi. Il eft dit que Dieu envoia parmi eux un efprit de difcorde, c'est encore une façon de parler ordinaire dans nos Ecritures,

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&

SALOM. JARCHI in Jud. cap. IX. 18. pag. 80.

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