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abfolus ce qui n'étoit que des argumens de retorfion, & qui ne concluent que contre les adverfaires qu'on avoit en vûe. Cette méprife n'eft point étonnante dans un homme qui eft comme abimé dans l'étude & dans le travail, & qui a des affaires incomparablement plus importantes que d'examiner avec foin un ouvrage comme celui-ci. Par exemple: ceux qui croyent que les cérémonies des Juifs étoient une imitation de celles des Egyptiens, ne pouvant alléguer en faveur de leur opinion que des Au-. teurs poftérieurs de plufieurs fiecles à Moyfe, apportent des conjectures pour fuppléer à ce qu'il y a de foible dans leurs preuves de fait: ils difent que Dieu, pour empêcher que fon peuple n'imitât l'idolatrie des Egyptiens, lui prefcrivit ce qu'il pouvoit y avoir d'innocent dans les cérémonies de ces Idolatres. A cela nous avions répondu, qu'il nous paroiffoit qu'introduire les rites des Idolatres dans le culte divin, c'eût été plûtôt contribuer à perpetuer l'idolatrie, qu'à la déraciner. Les Ifraën lites, avions nous dit, auroient-ils pû s'empêcher de regarder avec vénération la Religion des Egyptiens, fi Dieu en avoit lui-même confacré les cérémonies, & s'il les avoit prifes pour modéle? N'auroient-ils pas été tentez de laiffer la Copie pour POriginal? Ne leur auroit-on pas rendu fufpect le culte du vrai Dieu, fi on leur avoit objecté, que tout ce qu'ils avoient de plus augufte étoit une imitation de ce que les Egyptiens faifoient pour honorer leurs Idoles?

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Mr.

23. Mr. LECLER C. Biblioth, ancienne & moderne Tom. XII. part. 2. pag. 294.

24. Difcours LIV, Tom. II. pag, 304.

ques,

Mr. le Clerc m'objecte, qu'il eft dangereuse Papuyer des faits par des raifonnemens Théologi dans lefquels on ne cherche pas proprement ce qui a été, mais ce qui nous femble avoir dû être: fur quoi, ajoute ce favant homme, on donne fouvent la torture aux évenemens passez qui fe trouvent contraires aux idées que l'on s'eft fait, non de ce qui a été, mais de ce qui devoit être. J'admets de bon cœur cette maxime: il me femble qu'elle doit être regardée comme un des meilleurs fondemens d'une bonne critique. Mais c'est précisément parce que je l'admets, que je re jette les raifonnemens de mes Antagonistes fur le fujet dont il eft ici queftion: ils tombent, ce me femble, dans le défaut que Mr. le Clerc me reprache. Ne pouvant avoir des preuves de fait pour établir que les cérémonies Lévitiques étoient reçûes en Egypte avant le fiecle de Moyfe, ils propofent, des raifonnemens Théologiques pour fuppléer au défaut des preuves hiftoriques, & felon ces expreffions de Mr. le Clerc, ils ne cherchent pas proprement ce qui a été, mais ce qui leur femble avoir dû être ils di fent, que Dieu pour empêcher que fon peuple ne tombât dans l'idolatrie des Egyptiens, lui prefcrivit ce qu'il y avoit d'innocent dans les cérémonies de ces idolatres. Qu'ils prouvent ce fait par des démonstrations Hiftoriques, je renonce à ce que Mr. le Clerc appelle des raifonnemens Théologiques: mais raifonnement Théologique pour raifonnement Théologique, j'aime autant celui qui j'ai propofé que celui des perfonnes que je combats: je foûmets à la décifion de toutes les perfonnes défintereffées, fi à juger de ce fujet par des raifonnemens, il ne leur paroit pas que bannir jufqu'à l'ombre du

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Cérémoniel des Idolatres, fubftituer aux cérémonies, que les Juifs avoient vûes en Egypte, des Rites qui n'euffent aucun raport avec ceux des Egyptiens, n'auroient pas été un moyen plus propre pour prévénir Pidolatrie, que celui que l'on fuppofe?

Je n'ai pas crû non plus devoir me rendre à une objection d'un autre genré, qui m'a été propofée par des Savans du premier ordre, & que Mr. le Clerc infinue auffi. Le peuple Juif étoit un peuple peu connu, très-méprifé, & très-méprifable: les Egyptiens au contraire étoient la nation la plus redoutable & la plus brillante qui fût anciennement: il eft incomparablement plus vraisemblable que le moindre de ces deux peuples a imité les cérémonies du plus grand, qu'il ne l'eft que le plus grand ait nité les cérémonies de l'autre. Je répons, qu'en pofant pour fondement de nos raifonnemens fur la queftion propofée la vérité de l'Hiftoire Ste. (& c'eft fur ce principe que nous raisonnons) il y a eu des périodes, pendant lefquels le peuple Juif étoit dans un état beaucoup plus brillant & plus redoutable que les Egyptiens: & c'aura été dans quelcun de ces périodes que ceux-ci auront adopté les cérémonies des Juifs. Où étoit la fupériorité des Egyptiens fur les Juifs, lorfque Jofeph arrachoit toute l'Egypte aux horreurs de la famine, & puifoit dans les tréfors de la fageffe du Dieu qu'il adoroit, des confeils pour la conduite de tout ce Royaume Şur-tout où étoit la fupériorité des Egyptiens fur les Juifs, lorfque ces premiers furent engloutis avec leur Roi, leurs Chariots, leur Ar

25. Ubi fupra pag. 298. & pag. 3079

méc

mée dans les gouffres de la Mer Rouge, & que les eaux fe retirérent pour laiffer un paffage libre aux Ifraëlites?

On doit auffi confidérer la maniére, dont les Idolatres recevoient certaines Divinitez, qui leur avoient été inconnues auparavant. Quand une Divinité, qu'ils avoient méprifée, opéroit quelque grand exploit, ils commençoient alors à la regarder avec d'autres yeux. On ne doit pas être pas furpris que le Dieu des Ifraëlites devenu vénérable aux yeux des Egyptiens dans quelques-unes des circonftances que j'ai marquées, leur ait parû mériter qu'on reçût les cérémonies qu'il avoit lui-même confacrées. "Spencer, donne lui même beaucoup de force à ce raisonnement, en fupofant que les grands fervices, que Jofeph avoit rendus aux Egyptiens, les avoient portez à le mettre au nombre des Dieux, & que ce Patriarche étoit leur fameux Sérapis. Nous ne faurions nous ranger à cette opinion, quelque favorable qu'elle foit à notre fyftéme. Elle a été ce me femble bien folidement réfutée par de favans hommes, & en dernier lieu par " Mr. Prideaux. Mais fi l'on conçoit que le Libérateur de l'Egypte ait pû être mis au nombre des Dieux par les Egyptiens, aura-t-on de la peine à concevoir qu'ils ayent adopté quelcune des cérémonies de fon culte, & en particulier la Circoncifion? Nous ne croyons donc pas que ces paroles, j'ai roulé de deffus vous Popprobre des Egyptiens, foient é

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qui

26. SPENCER de Legibus Hebr. Tom. II. Lib. III. cap. 8. differt. 5. pag. 273.

27. PRIDEAUX Hiftoire des Juifs, II. partie lib. I. tom. 3. pag. 18.

quivalentes à celles-ci, j'ai ôté de dessus vous ce qui fefoit qu'on vous abhorroit en Egypte.

"Spencer leur donne un autre fens. Il entend ici par Popprobre des Egyptiens l'esclavage, fous lequel les Ifraëlites avoient été affervis en Egypte. La Circoncifion felon ce favant homme ôtoit cet opprobre, parce qu'elle témoignoit que ceux à qui on l'adminiftroit étoient les enfans d'Abraham, & les légitimes héritiers de la Terre de Canaan, qui avoit été promise à la poftérité de ce Patriarche, Quelque brillante que foit cette pensée, nous n'en ferons pas éblouis. Les fraëlites, qui avoient été esclaves en Egypte, y avoient été circoncis: s'il faut entendre par l'opprobre des Egyptiens, l'esclavage fous lequel les Ifraëlites gemiffoient en Egypte, & fi la Circoncifion avoit eu la vertu d'oter cet opprobre, on auroit pû dire qu'ils étoient hors d'efclavage en Egypte lorfqu'ils y étoient efclaves, puifqu'ils étoient circoncis alors; ce qui implique contradiction.

"Théodoret prétend qu'un grand nombre d'Ifraëlites avoient négligé de fe faire circoncire en Egypte. Si ce fait étoit prouvé, au lieu qu'il eft avancé fans fondement, on pourroit entendre par Popprobre des Egyptiens, celui que les Ifraëlites avoient eu en Egypte, lorsqu'ils avoiént négligé le Sacrement de la Circoncifion. On pourroit parafrafer de cette maniére les paroles, dont nous cherchons le fens : J'ai ôté du milieu de vous la bonte dont votre prépuce vous

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28. SPENCER de Legib. Hebr. Tom. I. Lib. I. cap. 4. fect. 4. pag. 29.

29. THEODORET. quaft. 4. in Jof. Tom. I. pag. $99.

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