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dire du pain, & celui de n, lachum, ou dè On, nilcham, qui fignifie faire la guerre, & que ce fut la raifon, pour laquelle Dieu voulut qu'un pain fût l'image d'un Guerrier. Il y a du moins plus de probabilité dans cette penfée, que dans celle de 4 quelques Rabbins, qui difent que le fonge du Madianite avoit représenté un pain d'orge, pour récompenfer Gédéon de ce qu'il avoit offert à l'Ange, qui lui étoit apparu, les prémices de fon orge.

Gédéon ne douta point que Dieu n'eût dirigé lui-même miraculeufement cette circonftancc, & que le pain d'orge, que le foldat avoit vû en fonge, ne fût un préfage- certain de la défaite des Madianites. Auffi retourna-t-il incontinent dans fon Camp. Il raconta aux trois cens hommes les chofes qu'il venoit d'entendre: il les exhorta à accepter cette augure, & à fondre courageufement fur des ennemis, dont Dieu venoit de préfager lui-même la ruine.

Pour jetter Pépouvante dans leur armée il fe fervit de plufieurs ftratagêmes. Il partagea en trois bandes fes trois cens hommes: chaque bande étoit de cent, & avoit fon Chef. 11 ordonna qu'elles te féparaflent: qu'elles vinfent enfuite de trois côtez differens. 11 donna à chacun des combattans une trompette : nous ne favons pas où il les prit, & nous ne nous mettrons pas beaucoup en peine de le rechercher.

Les Juifs ont avancé qu'elles étoient de cor de bélier, & que Dieu voulut qu'on s'en fervit dans

14 SALOM. JARCHI in Jud. VII. 13. pag. 76.
15 SALOM. JARCHI in Jud. VII. 16. pag. 77.
16 Idem ibid. fur le vers. 17.

17 Mifchna part. 1. tit. Beracoth cap. 1. fect. I. pag,

dans cette occafion, pour rappeller à la mémoire des Ifraëlites le fouvenir de la publication de la Loi, qui fut donnée au fon des cors de bélier. Gédéon ordonna à ces trois cens hommes, que quand ils s'approcheroient des Madianites, & qu'ils l'entendroient fonner de la trompette, ils en fonnaflent comme lui, & qu'ils criaflent tous à haute voix, l'Epée de l'Eternel,l'Epée de Jug. vr Gédéon. Il voulut auffi qu'ils euffent des torches allumées, mais cachées dans des cruches: qu'ils caffaffent les cruches dans l'instant qu'on fonneroit de la trompette, & qu'ils jettaflent de grands cris.

Tout cela fut exécuté avec un fuccès merveilleux. Gédéon marcha à l'ennemi : le

quand, ראש האשמרת התיכונה,Texte dit que ce fut

18.

Verf. 19,

on venoit de pofer la feconde garde: on peut traduire, à la feconde veille de la nuit. 16 Les Juifs partageoient la nuit en trois parties, qu'ils appelloient des veilles, comme 17 leurs Docteurs l'atteftent unanimement, & comme de favans Hommes l'ont prouvé, en particulier 1 Mr. le Clerc contre Jofeph Scaliger, qui avoit avancé que ce partage fe fefoit en quatre parties: ce ne fut qu'après que les Juifs eurent fubi le joug des Romains, qu'ils divifèrent comme eux la nuit en quatre veilles: de là vient qu'il eft parlé dans les Evangiles de la quatriéme Matt. veille de la nuit, expreffion qu'on ne rencontre XIV. 25i nulle part dans les Ecrits du Vieux Tefta

ment.

Les

1. Vide etiam R. OR. DE BARTENORA, ibid. Edit. SURENHUSII.

18 Mr. LE CLERC fur Jug. VIII. 19. pag. 1or: Voi. auffi JUSTE LIPSE de milit. Romanâ lib. V. cap. 9. pag. 167.

Les trois bandes d'Ifraëlites fondirent fur l'armée de Madian, en obfervant la difpofition que Gédéon avoit preferite. Les ennemis furent éveillez par le bruit que firent les trois cens hommes. Ils ne pouvoient diftinguer d'autres fons articulez que ceux-ci parmi tant de voix confufes, P'Epée de l'Eternel, P'Epée de Gédéon. Ils étoient encore dans cette efpèce d'yvreffe, où l'on fe trouve pendant le fommeil. Les premiers objets, qui s'offroient à leurs yeux, c'étoient ces funeftes flambeaux, dont l'aípect auroit été capable de leur faire perdre la raison, s'ils l'avoient eue encore: cette trifte lueur accompagnée de cris rédoublez, P'Epée de l'Eternel, Jug. VII PEpée de Gédéon, porta la terreur dans leur ame: toute la réflexion, dont ils furent capables, c'est que les trois bandes, qui venoient de trois côtez differens, étoient l'irruption d'une grande arméc, & que le fon des trompettes étoit deftiné à animer tout Ifraël au carnage. La frayeur leur ôta la présence d'efprit, dont ils auroient eu befoin pour fe défendre, du moins pour fe ménager une retraite. La terreur panique du péril les précipita dans des périls réels: ils exécutèrent eux-mêmes ce qu'ils craignoient: ils fe jettèrent fur tous ceux qu'ils rencontroient: ils les regardoient & ils les traitoient comme des ennemis impitoyables, & ils ôtoient ainfi euxmêmes la vie à ceux qui étoient feuls capables de les défendre.

18.

Les plus fages & les plus heureux des Madianites dans le desespoir général, où Gédéon les avoit réduits, ce furent ceux qui prirent la fuite. Ils ne fauvèrent pourtant pas leur vie. Ils ne firent

19 EUSEB. Onomaftic, in voce Abelmaelai pag. 4. "

firent tout au plus que la prolonger de quelques jours. Il ne fuffifoit pas à Gédéon d'avoir déli vré des Madianites le Camp d'Ifraël: il voulut en délivrer la Terre. Ils s'étoient retirez vers Jug.VII Bethhafchitta & vers Tferera, qui font des 22. lieux inconnus aujourd'hui, & dont aucun Géographe n'a pû nous marquer au vrai la fituation. Seulement peut-on préfumer, que com

me les Madianites cherchoient à retourner dans leur païs, ces lieux devoient être près du Jourdain, qu'il falloit néceffairement paffer pour aller de la Palestine en Madian. Cette conjecture eft appuïée fur ce qui eft ajoûté, que ces Idolatres allérent jufques aux bords d'Abel-mchola vers Tabbat. Il eft vrai que nous ne connoiffons pas Tabbat, mais nous avons de fortes préfomptions qu'Abel-mehola étoit cette petite ville de la Tribu de Manaffé, dans laquelle Elifée étoit né, proche de Scythopolis, ou de . Bethfan: c'eft auffi ce qui fe rapporte à un paffage d'Eufèbe, & à un de faint Jérome. 19 Le premier de ces Auteurs place Abel.mehola, ou Abel-maula,ou Abel-maalei, (car Eufèbe emploie ce dernier nom, & St. Jérome emploie le fecond) Voi. à dix-huit milles de Scythopolis, & le fecond Rois

a dix milles de cette même ville.

IV. 12.

où il eft

fchean,

Gédéon fit favoir à la Tribu d'Afcher, à cel- parlé de le'de Nephthali, & à celle de Manaffé, la vic- Bethtoire qu'il avoit commencé de remporter, & qui eft il les invita à l'achever. Probablement les dix près de mille hommes, dont il n'avoit retenu que trois Tartan cens, attendoient quel feroit le fuccès de ces der- au defniers, afin de venir à leur fecours. Gédéon fit rehel. II avertir auffi ceux d'Ephraïm, afin qu'ils occu- y eft fait paffent mention

fous d'If

auffi

20 HIERON. Onomast. ad vocem Abel-Maula pag. 4. d'Abel

A a 4

mehola.

Bethha

bara.

Jean 1.

28.

25.

paffent les paflages du Jourdain, par lefquels les ennemis devoient paffer ce fleuve, & qu'ils *Peut s'étendiffent jufques à Bethbara *: c'étoit une être pour petite ville frontière de cette Tribu, placée au Midi du Jourdain, & proche du lieu, où Saint Jean baptifoit fes Profelytes. Ce mot de Bethbabara fignifie lieu, ou maison de paffage, peutêtre parce que c'étoit l'endroit où le lourdain étoit le plus guéable. Ce fut là que les Ephraïmites fe faifirent d'Horeb & de Zéeb deux Chefs de l'armée des Madianites: le nom du premier fignifie Corbeau, celui du fecond fignifie Jug. vII. Loup: mais on ne peut pas déterminer (auffi ne pourrions nous pas agiter de queftion moins importante) fi ces deux Chefs de Madian avoient été appellez de cette manière par le peuple d'Ifraël à caufe de la voracité, avec laquelle ils étoient venus fondre fur la Judée: ou fi cé fut par une coûtume, qui s'introduifit enfuite en divers endroits, de prendre le nom de certains animaux: c'eft ainfi que nous trouvons parmi les Romains les 1 Corvini, 22 les Gracchi, 23 les Aquilini. On ne peut pas conclurre non plus de ce que Zéeb & Horeb font des noms Hébreux, qu'il y eût une grande affinité entre la Langue des Juifs, & celle des Madianites; fur-tout fi l'on fuppofe, que c'étoit les Juifs, qui avoient appellé ainfi les deux Chefs de Madian. Il eft pourtant probable qu'il n'y avoit pas beaucoup de différence entre les Langues de ces deux peuples, puifque Gédéon comprit ce que

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21 Voi GRAVII Thef. Antiq. Rom. tom. II. pag. 644 GLANDORP. Onomast. Rom. pag 863. PITISC. Diction. Antiquit. Rom. ad vocem Corvinus,

22 PLUTARCH. in Publicola pag. 98. *

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