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comment délivrerai-je Ifraël? Mon Millier eft le plus pauvre qui foit dans la Tribu de Manaffe, & je fuis le moindre de ceux de la maison de mon père. Ce mot de Millier fe prend quelquefois pour une ville. Jofephe traduit ma Tribu, peut-être appelloit-on ainfi une certaine quantité de familles, depuis que Moyfe avoit, par le confeil de Exode Jethro, partagé les Juifs en centaines & en XVIII. milliers. L'Ange leva pleinemen: la difficulté par ces paroles majestueules: Je ferai avec toi : Verf. 16, tu deferas les Madianites avec autant de facilité que tu trouverois à vaincre un feul homme.

21.

Verf. 18.

Gédéon crut reconnoitre à ce difcours le Miniftre de ce Dieu, qui règle la deftinée des peuples, & qui eft l'Arbitre de la victoire. Il n'ofa pourtant le livrer entiérement aux transports que lui caufoit cette penfée. Il fe flata que le même principe de condefcendance & de charité, qui avoit porté cet Ange à lui apparoitre, le porteroit à diffiper les reftes de doutes, qui rouloient encore dans fon ame, fur la nature de cette apparition. Il demanda un figne, par lequel il pût fe convaincre pleinement, qu'il n'y avoit aucune illufion dans les objets qu'il croyoit voir, ni dans les difcours qu'il croyoit entendre; & afin de s'aflurer de la grace que Dieu lui promettoit, il en demande une autre: il pria l'Ange d'attendre qu'il lui allât chercher un préfent pour le lui offrir. Les LXX. & la Vulgate après cux, fe font ici éloignez felon nous du véritable fens du Texte, & ont mal compris l'intention de Gédéon. Ils ont crû qu'il préparoit un facrifice, & au lieu de traduire comme nous, jufqu'à ce que j'apporte mon préfent, &

10 JOSEPH, Antiquit. lib. V. cap. 6. pag. 204.

que je le mette devant toi, ils traduifent, jufqu'à ce que je t'offre un facrifice.

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La grace, que Gédéon avoit demandée, lui Verf. 19. fut accordée: il alla apprêter un chevreau & des gâteaux, qu'il n'eût pas le temps de faire lever: il prit la chair du chevreau, le bouillon qu'il en avoit extrait, & tout ce qu'il avoit préparé: il les offrit à l'Ange, qui lui ordonna de mettre la chair & les gâteaux fur un rocher Verf. 20, qui étoit dans ce lieu-là, & d'y répandre le 21. bouillon. Il les toucha enfuite avec la verge, qu'il avoit dans fa main alors cette même puiflance, qui avoit fait fortir des eaux du rocher d'Horeb, fit fortir de celui, fur lequel Gédéon avoit les yeux, un feu qui confuma toutes les viandes qui y avoient été pofées, après quoi l'Ange difparut. L'impofteur, que nous avons déjà cité, a encore forgé une circonstance, qu'il ajoûte à celles que nous trouvons dans

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Hiftoire fainte. Il dit que l'Ange, en tou chant ces viandes, avoit prononcé ces paroles : Que la moitié de cette offrande devienne fang, que l'autre moitié devienne feu: que le feu ne confume point le fang, que le fang n'éteigne point le feu: il prétend que cela arriva ponctuellement.

ne

Gédéon étoit éclairci. Il ne doutoit pas que ce Perfonnage, qui lui étoit apparu & qui l'ayoit quitté d'une façon fi extraordinaire fùt envoyé de Dieu: de fortes raifons nous font préfumer qu'il crût que c'étoit Dieu lui-même. Mais bien loin que cette lumière répandit la joie & la confiance dans fon ame, elle n'y fit naitre que de la terreur. Conformément aux préjugez des

I PHILO BYBLIUS Voi. CORNEL À LAPIDE fur Jug. VI. 20. pag. 125.

des premiers Siècles, il crût que l'apparition qu'il venoit d'avoir, lui feroit funefte, qu'une mort étoit la fuite du bonheur, dirai-je ? ou du 'malheur d'avoir vû Dieu. Il exprima fa fraVerf. 22. yeur par ces paroles: Ha! Seigneur Eternel, étoit ce donc pour me faire fubir une fi trifte deftinée, que l'Ange de l'Eternel m'eft apparû, & que je l'ai vu face à face?

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Mais Dieu raffura lui-même Gédéon dans une autre apparition, dont l'Histoire fainte ne marque point les circonftances : elle nous apprend feulement que Dieu lui dit: Verf.23. Ne crains point: tout va bien pour toi, tu ne mourras point. Gédéon bâtit un Autel dans ce même lieu, & afin qu'il fervit de monument à la frayeur qu'ils avoit eue, & à la reconnoif fance qu'il fentoit pour les bontez de Dieu qui l'avoit diffipée, il y mit cette infcription, ou, comme porte le Texte, il l'appella on, Fevobab Schalom, c'eft-à-dire, Dieu est ma paix. On pourroit peût-être traduire, la paix de Dieu: mais il ne nous femble pas que la Question touchant le choix de ces deux Verfions mérite toute la chaleur, avec laquelle 12 un Savant Lutherien l'a traitée dant une Differtation quia ce titre, de l'Autel de Gédéon.

Dieu voulut que Gédéon lui témoignât fa reconnoiffance par fon courage: & que non content d'avoir érigé comme en fecret un Autel au Dieu Souverain, il lui en confacrât un fur les ruines de celui de Bahal, à la vûe des Verf. 25. Ifraëlites, pour leur reprocher leur idolatrie. Il

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lui

12 HABICKHORST dans une Differtation, qui eft dans le tom. 1. du Thefaurus Theologico-Philologicus, imprimé à Amfterdam en 1707. pag. 425.

lui ordonna de prendre un taureau de fept ans & de l'offrir en holocaufte fur l'autel, qu'il auroit bati dans un lieu éminent à la portée des yeux de tout le peuple. Ce taureau eft appellé le deuziéme, probablement parce que Gédéon en avoit deftiné un autre pour un facrifice pacifique.

27.

Une difficulté, qui fe présente ici naturellement à l'efprit, tombe d'elle-même. Il étoit Deut.vii, défendu expreffement de faire des facrifices 5.1.3, fur d'autres autels que fur celui qui étoit dans le Tabernacle. Mais Dieu, qui étoit l'Auteur de cette loi, avoit difpenfé Gédéon de la pratiquer. Une même folution le difculpe de fept autres irrégularitez, que 3 les Rabins ont trouvées dans fon facrifice: comme d'avoir offert des victimes durant la nuit: comme d'avoir allumé Verf. 26. du feu d'un bois pris dans un Bocage: comme d'avoir pris des taureaux, qu'on engraifoit depuis fept années, pour être immolez à Bahal: cette dernière particularité a été imaginée par les Docteurs Juifs, & n'eft pas mieux prouvée que ce que dit 4 Théodoret, que ces taureaux étoient entretenus depuis que l'oppreffion avoit commencé, c'eft à dire depuis fept années, qu'ils devoient l'être pendant tout le temps qu'elle dureroit, & être facrifiez enfuite par les Ifraëlites à l'honneur du Dieu de leur délivran

ce.

Gédéon exécuta l'ordre qui lui avoit été donné: & afin de le faire avec fureté, il le fit de nuit, pendant que les gens d'Hophra ne penfoient

13 Voi. SAL. JARCHI in Jud. VI. 25. pag. 74. 14 Voi le Paraphrafte Chaldaïque fur Jug. VI. 25.

foient pas à le traverfer, & accompagné feulement de dix de fes Domeftiques, Miniftres de fa foûmiffion & de fon zèle. Mais quand le jour fut venu, ceux d'Hophra apprirent l'action de Gédéon, & s'en convainquirent par leurs propres yeux: à ce fpectacle ils entrèrent dans une efpèce de furcur. L'Idole de Bahal abatue, fon Bocage coupé, fon Autel démoli, tous ces objets les embraferent de courroux: & avec ce zèle barbare, que la fuperftition infpire à ceux dont elle a fafciné les yeux, ils demandèrent à Joas qu'il leur livrât l'Auteur de ces prétendus facrilèges, afin qu'ils lui fiflent expier par une mort tragique l'attentat, dont ils le jugeoient coupable.

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Mais Joas avoit été prévenu par Gédéon, qui lui avoit declaré l'ordre qu'il avoit reçu du Ciel, & l'apparition dont il avoit été honoré. Auffi agit-il en père tendre & courageux, ou plûtôt en vrai Ifraelite, qui avoit bien pû faire quelque acte d'idolatrie, mais qui ne pouvoit y perfifter. Il s'expofa à devenir Martyr de la ReVerf. 31.ligion, dont il avoit été Apoftat. 11 prononça un arrêt de mort contre tous ceux qui oferoient de déclarer pour les Idoles, & il témoigna par fa conftance qu'il étoit en état de l'exécuter. Il dit, que fi Bahal étoit Dieu il n'avoit qu'à pren dre lui-même fes interêts, fans que les Ifraëlites, qui devoient le regarder comme une Divinité imaginaire, priflent fa protection. Ce furent ces paroles, que Joas prononça alors, Que Ba Jug. VI. bal défende lui-même fa quérelle, qui lui fourninirent l'occafion de donner à Gédéon un nom

31.

pris

15 Voi. BuxTORF. Lexic. Chald. pag. 1087
16 HUET Demonftratio Evangel. propof. 4. cap. 2.

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