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Judée. Peut-être n'étoit-ce point ici 3 le lieu de remarquer que les peuples, dont il s'agit, étoient Orientaux, par rapport aux Egyptiens dont on prétend que les Juifs avoient adopté le style.

Quoiqu'il en foit, les Madianites s'unirent avec leurs voifins, qui étoient animez de la même rage contre le peuple d'Ifraël: ils formè rent une armée, dont l'Hiftoire fainte dit qu'elle étoient comme des fauterelles, c'eft une Jug. vi. 5. expreffion, qui fe trouve dans les Auteurs facrez & 4 dans les profanes, & qui marque une grande multitude. Ils paflérent le Jourdain avec leurs chameaux: ils vinrent camper en Canaan, ils ravagérent tout le païs jufqu'à Gaza, Vers. 4. ce font les termes de l'Original, qui expriment un dégat univerfel: car cette armée venoit des parties orientales & méridionales de la Mer morte; il falloit qu'elle eût traverfé toute la Judée pour atteindre jufqu'à Gaza ville des Philiftins fituée fur la Méditerranée à l'Occident de la Palestine.

Ces ennemis attaquoient les Ifraëlites avec des armes plus redoutables que celles, qu'on met communément en ufage dans la guerre, je veux dire par la famine. Ils ne fefoient leurs foities fur les campagnes de Canaan que lorsqu'elles étoient enfemencées : ils gatoient les bleds & les fruits, & ne laiffoient ni aux hommes ni aux bêtes aucune reflource pour fe nourrir. Les Ifraëlites bien loin d'entreprendre de faire tête à des troupes fi formidables,

liafte fur ce paffage porte de axpidar ei wáprowes pag. 242. Voi. l'Appendix du Thréfor Grec d'Etienne pag. zorr. au mot πάρνοπες.

Verf. 2. bles, n'oférent pas même paroitre devant elles. Ils fe cachérent dans des foûterrains * inacceffibles à la lumière, & dans des cavernes, qu'ils l'Hébreu environnèrent † de paliffades.

* Il y a dans

, מנהרות

minha

Ravager le grain & les fruits des Ifraëlites, roth, qui c'étoit leur ôter la vie. Séparez de toutes les fignifie autres nations de la terre par la fituation de leur propre païs, plus encore par la fainteté de leurs loix, ment des ils n'avoient point d'autre moyen que le prove

Lucarnes.

breu,

C'est la nu de leurs champs pour fournir à leur tubfiforce du ftance. Auffi fe virent-ils bientôt reduits à l'exmot Hé-trémité, & ils alloient mourir de faim dans leurs cavernes, fi Dieu, qui leur avoit envoyé ce fleau dans fa colère allumée par leurs crimes, ne les en avoit délivrez par fes compaffions, qu'excitèrent leur foûmiffion & leur repen

מצרית

metfadoth.

Nomb.

14.15.

tance.

6

Il leur envoya un Prophète, dont quel ques-uns ont fait un Ange. Les Juifs difent XXV. 7. avec aufli peu de vraisemblance que c'étoit Phinées. Ce fils d'Eléazar étoit fans doute un homme fait, quand il tranfperça d'un même trait Zimri & Cozbi eft-il probable qu'il fût au monde dans le temps de Gédéon, & qu'il eût atteint l'âge de deux cens ans, qu'il auroit dû avoir, s'il avoit vêcu encore? Il eft inutile de rechercher qui étoit le Prophète, que Dieu envoya aux Juifs. Il en fufcitoit fouvent au mi licu d'eux pour les ramener de leurs égaremens. L'Hiftoire fainte parle en plufieurs endroits du miniftère de ces faints Hommes, fans marquer

Voi.

I

Sam.

II, 27.

I Rois leurs noms.

XIII. I.

XX. 13. 22.28.

Celui

5 Vid. Au G. in Jud. lib. VII. quæft. 31. tom. 4. pag. 132.

6 In Seler Olam cap. 30. pag. 53. Vid. D. MEIER I notas in hunc librum pag. 405.

Celui, dont il s'agit ici, fit des reproches perçans aux Ifraelites, & afin qu'ils fentiffent l'horreur de leur ingratitude envers Dieu, il étala devant leurs yeux la magnificence des graces qu'ils en avoient reçûes: fur tout il rappella à leur mémoire l'esclavage de l'Egypte, fous lequel leurs Pères avoient été affervis, & les exploits que Dieu avoit faits pour les en délivrer. C'étoit l'objet, fur lequel les Prophètes fixoient ordinairement l'efprit de ce peuple, pour le porter à fe relever de fes chutes.

Des difcours fi touchans percèrent le cœur de ceux, à qui ils furent adreffez. Jamais les Prédicateurs ne font écoutez avec plus de refpect, que lorsqu'ils prêchent, s'il faut ainfi dire, au milieu des fleaux envoyez de la part de Dieu, de qui ils tiennent leur miffion; que lorsque ces fleaux s'approchent, ou s'éloignent, à leur voix, & qu'ils peuvent dire comme un Apôtre: Les 2 Cor. x. armes de notre guerre ne font pas foibles, mais foù-4. tenues d'un pouvoir divin. Nous avons le pouvoir tout prêt pour vanger toute defobéiffance.

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Quoique les Ifraëlites fuffent peut-être plus confternez de la grandeur de leurs mifères, que des crimes qui les avoient attirées, Dieu eut compaffion de leur état. L'Hiftoire dit qu'un Ange apparut à Gédéon. 7 Maimonides & 8 Grotius croyent que ce fut en vifion; ce qui s'accorde peu, ce me femble, avec les circonftances de l'hiftoire. Il est bien plus vraisemblable qu'il revêtit la forme d'un homme. Gédéon étoit de cette partie de la Tribu de Ma

naffé,

7 MAIMONIDES More Nevochim part. 1. cap. 49. pag. 73. Il fait le même jugement de toutes les apparitions d'Anges.

8 GROTIUS in Jud. VI. 12. pag. 37.

II.

Jof. xvII.

2. &

naffé, qui eut fon partage dans la Terre de Canaan, au delà du Jourdain. Son père s'appelJug. vi. loit Joas, & avoit le furnom d'Abihezerite probablement parce qu'il defcendoit de cet abibe Verf. 18. zer,dont il eft parlé dans le Chap.VII. du premier Ibid, Livre des Chroniques. Abibezer étoit fils de MoVoi.auffi leketh, foeur de Galaad,lequel Galaad étoit fils de Makir, l'un des fils de Manaffé. Mais fi l'HiNomb. ftoire fainte nous a confervé la Généalogie de XXVI. 30. Gédéon, elle ne nous apprend pas qui étoit cet Ange qui lui apparut. Les Interprètes ont été auffi fondez dans cette occafion que dans aucune autre de croire, que c'étoit la feconde perfonne Juges vi. de la Trinité: il eft appellé l'Eternel fix ou fept 14 16. fois dans un même chapitre. Les idées des Juifs fur cette matière méritent d'être remarquées. Il eft vrai que quelques-uns de leurs Docteurs ont dit, que cet Ange étoit Phinées: mais la Paraphrafe Chaldaïque appelle cet Ange LE VERBE, LA PAROLE DE DIEU, LA SCHECHINA,

23.24. 25.27.

II. 12.

c'eft-à-dire, le fymbole le plus augufte de la préfence Divine.

Ce Perfonnage extraordinaire tint à Gédéon Jug. vi. un langage qui le furprit: Très fort & très vaillant Homme, lui dit-il, P'Eternel eft avec toi. Auffi Gédéon fe récria-t-il contre ce difcours : la circonftance, où il fe trouvoit, fembloit fuffire pour le réfuter. Il étoit à * Hophra petite ville de fa Tribu, occupée principalement par les defcendans d'Abihezer. La crainte qu'il avoit des Madianites l'obligeoit de battre fon

9 Voi. ci-deffus nombre 6.

bled

On ne fait pas bien fi ce n'étoit pas la même ville de la Tribu de Benjamin, dont il eft parlé Jof. XVIII.

bled avec un bâton*, dans le lieu où l'on avoit
accoutumé de preffer le vin, c'eft la force du
terme Hébreu, que les LXX. ont heureuse,
ment traduit par celui de padi (wv, qui répond
exactement à l'Original. La trifte fituation,
où étoit Gédéon, ne lui fembloit pas pouvoir
s'accorder avec les titres de fort & de vaillant, que
l'Ange venoit de lui donner: beaucoup moins
pouvoit-il concilier les malheurs qui l'avoient
caufée, & les ravages que les Madianites fai-
foient dans la Judée, avec ces autres paroles,
PEternel eft avec toi. Auffi témoigna t-il fa fur-
prife, par cette réponse: Hélas! Seigneur, eft-il
poffible que PEternel foit avec nous?,,
,, Pourquoi

99

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XXI. 20.

toutes ces chofes nous font-elles donc arrivées? I Chron. Où font tous ces exploits que nos Pères nous ont racontez? Si les faveurs fans nombre, Verf. 13, dont il les combloit, étoient des marques fenfibles de fa préfence au milieu d'eux, n'avons-nous pas de trop juftes fujets de conclurre des maux, que nous font les Madianites, qu'il " nous a entiérement abandonnez?

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A

L'Ange fit une replique qui augmenta le foupçon, que pouvoit avoir eu Gédéon, que le perfonnage, qui lui parloit, n'étoit pas un homme ordinaire: Va, dit-il, & avec cette force; Verf. 14) dont tu es rempli, tu délivreras Ifraël de la main des Madianites. N'est-ce pas moi qui t'ai envoyé ? Gédéon fut moins frapé de la grandeur de celui qui lui donnoit cette commiffion, que des difficultez de la commiffion même, & de fa propre petiteffe: Hélas! Seigneur, dit-il à l'Ange, Verf. 15.

comment

* On avoit accoutumé de le faire fouler par des bê. tes, en platte campagne : Tu n'mmufeleras point le bauf qui foule le grain, Deut, XXV, 4.

Tom. III.

Z

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