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Juges

III.31.

ce fleuve, dans la Canaan proprement dite. Selon cette fuppofition le repos, qui eft attribué à l'une de ces portions de la Terre des Ifraëlites, n'empêchoit pas que l'autre ne fût dans l'opJuges preffion. La Terre fe repofa quatre-vingt ans après 111.30 la mort d'Héglon, c'eft ce que porte le Texte; par cette Terre, dit le Chevalier Marsham, j'entens la Terre Orientale, de laquelle il étoit question, & qui avoit fecoué le joug des Moabites, & non tout le pais d'Ifraël. Pendant le repos de cette Terre-là, c'est-à-dire, de ce païs qu'occupoient au delà du Jourdain la Tribu de Gad celle de Ruben & la demi-Tribu de Manaffé, non feulement la partie Occidentale de la Judée étoit envahie par les Philiftins, qui furent repouffez par Schamgar, mais felon ce qui eft dit, les Ifraëlites avoient recommencé à faire ce qui Jug iv.1. déplait à l'Eternel, après la mort d'Ehud,& Dieu avoit fufcité contre eux Jabin Roi de Canaan, &c. On peut voir dans l'Auteur même, que nous citons, l'ufage de cette fuppofition, & la répartition qu'il fait de l'époque de quatre cens quatre-vingts ans, qu'il y eût entre la fortie d'Egypte & l'édification du Temple de Salomon. Nous nous contentons de remarquer, qu'il n'eft pas poffible d'avoir toûjours des démonftrations pour le déterminer entre ces divers calculs Chronologiques: il faut fe contenter de fuivre la plus grande probabilité elle fuffit, même dans les loix de la Logique la plus fevére & la plus exacte, fi non pour expliquer avec toute la clarté imaginable les diverfes parties de l'Hiftoire fainte du moins pour en mettre à couvert la vérité. Cette Hiftoire dit pofitivement, qu'il y eût quatre cens quatrevingts ans entre la fortie d'Egypte & la conftruction

ftruction du Temple. Il y a de la difficulté à faire la répartition de ces années, à déterminer combien de temps les Ifraëlites jouirent de la paix, que chacun de leurs Libérateurs leur procura, mais fi l'on peut faire une fuppofition qui n'ait rien d'oppofé au Texte, dès lors il ne fauroit être taxé de contradiction. C'est tout ce que nous voulons foûtenir, n'y aiant aucun Interpréte, qui après avoir lû avec attention les Livres des Auteurs facrez, fur-tout le Livre des Juges, ait avancé que ces faints Hommes ayent voulu nous donner une Chronologie complete, & un Journal exact des faits qu'ils

ont racontez.

S'il n'eft pas toûjours aifé de faire la répartition des années, que le peuple d'Ifraël paffa fous le Gouvernement de chaque Juge, il ne l'eft peut-être pas non plus de marquer avec précision combien il y eut de ces Hommes extraordinaires. 14 Salien en compte quatorze, en y comprenant Héli & Samuel, & en ne comptant que pour un, Barac & Débora. Voici de quelle maniére ce Chronologifte les range, & les années qu'il affigne à leur Gouvernement.

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14 SALIAN. Annal. in ann. M. 2600. pag. 366.

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Ces années jointes avec les quarante, pendant lesquelles Moyfe fut à la tête des Ifraëlites, avec les dix-fept qu'on affigne au Gouvernement de Jofué; avec les quarante du Regne de David, & avec les quatre premiers de celui de Salomon, font les quatre cens quatre-vingts ans, qu'il y eut depuis que Dieu délivra fon peuple de l'eiclavage d'Egypte, jusqu'à ce que le TemJuges ple fut conftruit. Mais outre que Schamgar 111.31. dont il eft dit expreffément qu'il fucceda à Ehud, n'eft pas compris dans cette lifte, on ne fauroit prouver que l'Hiftoire fainte nous ait donné un Catalogue complet des Libérateurs, que Dieu envoya à fon peuple depuis la mort de Jofué, jusques au Regne de Saul. Il eft probable qu'elle n'a parlé que de ceux qui ont fait les plus grandes exploits. Quoiqu'il en foit fur cette queftion nous ne nous propofons dans ces Difcours que de rapporter les faits les plus mémorables de l'Hiftoire fainte, & nous ne nous impofons pas la loi de parler de chaque Juge en particulier: c'eft pour cela que nous

com

commençons par Ehud, & que nous renvoyons
aux Interprètes ceux qui voudront avoir quel-
que
éclairciffement fur les exploits d'Hothniel
fon prédeceffeur. Mais avant que de rapporter
la victoire de notre Héros, il ne fera pas hors
de propos de donner une idée générale de ces
Hommes, que l'Hiftoire fainte appelle des Ju-
ges.

10.

C'étoient des Perfonnes extraordinaires, auxquels Dieu communiquoit des dons naturels ou furnaturels, felon que le demandoit le befoin de fon peuple, mais qui étoient toûjours foûtenus dans leurs combats par une providence particuliére. C'est le fens de ces expreffions: L'E- Jug, 11. ternel leur fufcitoit des Juges, qui les délivroient 16.18. de la main de leurs Oppreffeurs ; quand l'Eternel leur er fufcitoit, il étoit lui-même avec le Juge: & il eft dit Jug. III d'Hothniel, que l'Esprit de l'Eternel étoit fur lui, la Paraphrafe Chaldaïque porte que c'étoit l'Esprit de Prophétie. Dieu leur diftribuoit fes dons, comme j'ai dit, felon que l'exigeoient les befoins du peuple: c'eft pour cela que quelquesuns d'eux ont fait des Miracles: au lieu qu'on ne voit rien dans la vie des autres, qui ait excedé les forces humaines. Ehud ne témoigne dans fa conduite envers Héglon, que beaucoup de précaution, mais tout eft hors du cours ordinaire de la Nature dans l'hiftoire des victoires de Samfon.

La fainteté de leurs mœurs ne répondit peutêtre pas toûjours à la nobleffe de leur caractére: il femble qu'ils ont eu quelquefois cela de commun avec quelques-uns de ceux, à qui Dieu a communiqué le don des Miracles, c'eft que dans le temps qu'ils opéroient des prodiges fur la Nature & fur les Elemens, ils fe laiffoient entrai

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ner eux-mêmes au panchant, qui porte les hommes au crime, & que lors même qu'ils triomphoient des ennemis les plus redoutables, ils n'avoient pas la force de s'élever au-deflus de leurs propres paffions, & ils s'en laiffoient honteufement furmonter. Leurs faits militaires font toûjours dignes d'admiration, mais leur conduite particuliére ne mérite fouvent que blâme & que cenfure: leur exemple ne doit jamais être fuivi au préjudice des préceptes, qui nous font donnez dans nos Ecritures. Ce même Samfon né pour exterminer les Philiftins, & pour fervir de modelle de courage à tous les Héros, s'oublie entre les bras de Dalila, immole à la pasfion, qu'il a pour une femme impure, des dons dont Dieu l'a revêtu pour la délivrance de l'Eglife, & fournit ainfi à tous les Siècles un des exemples les plus humilians de la corruption & des infirmitez humaines. Peut-être y a-t-il eu des circonstances du même genre dans la vie des autres Juges: elles ne fauroient fervir de direction à notre conduite; nous n'en devons tirer que l'une de ces deux conclufions, ou qu'ils fe font conduits par une œeconomie toute finguliére de la Providence, qui ne tire point à conféquence pour le commun des hommes; ou que Dieu fait fe fervir des paffions humaines pour l'avancement de fes deffeins, lors même les hommes ne l'eftiment point ainsi, c'est une Efa. x. 7. expreffion d'Efaïe, dans un fujet à-peu-près femblable. 1

que

Leur

15 Voi. GROTIUS au commencement de fon Commentaire fur le liv. des Juges, dans le II. vol. des gr. Critiques, pag. 1992.

Les Phéniciens appelloient les Magiftrats Sufetim, ce qui a du raport avec p'. Et les Carthaginois Suf

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