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L'Ecriture en allégue trois raifons. La premiére eft rapportée dans le Chap. XXIII. de P'Exode: Je ne chasserai pas ces nations devant Vers, 29, vous dans une année, de peur que le païs ne devienne un Defert, que les bêtes des champs ne fe multiplient contre vous: mais je chafferai ces nations peu- Verf, 1, 2. à-peu, jufqu'à ce que vous soyez crus en nombre, & que vous puissiez occuper tout le pais. La feconde raison eft marquée dans le Chap. III. des Juges, où il eft dit que Dieu conferva quelques-uns de ces peuples pour mettre les Ifraëlites à l'épreuve, pour voir fi étant environnez de tant de mauvais exemples ils auroient la fageffe d'y refifter. La troifiéme raison eft propofée dans le même lieu. Dieu laiffa fubfifter quelques Cananéens pour exercer les Ifraëlites au mêtier de la guerre, & par un motif semblable à celui, qui porta 7 Scipion Nafica à opiner dans le Senat Romain, que Carthage ne fût pas entiérement détruite. C'eft l'idée que nous attachons à ce Texte: L'Eternel laiffa ces nations, afin que ceux des Ifraelites, qui n'avoient point eu de connoiffance des guerres de Canaan, appriffent le métier de la guerre. Un Docteur Juif a pris ces paroles dans un autre fens il a crû qu'elles fignifioient que le but de Dieu, en laiffant vivre les ennemis du peuple d'Ifrael, étoit de le punir de fes rebellions, en lui faifant connoitre par expérience, quels étoient les malheurs, que la guerre traine après elle.

:

Mais plufieurs caufes peuvent concourir au même effet, & la Providence a pû faire servir

la

cum de alia confuleretur pronunciabat Scipio Nafica fervan
dam, ne metu ablato amula urbis luxuriari falicitas urbis
inciperet, FLOR. lib. II. 15. pag. 77.
T

Tom. 111.

la lacheté & la molleffe des Ifraëlites à l'exécu tion de fes deffeins. Le Pfalmifte met d'une maniére fi pofitive parmi les crimes de ce peu ple la négligence, avec laquelle il s'aquitta de l'ordre qui lui étoit donné d'exterminer les Cananéens, qu'il n'y a point lieu de former de doutes fur cette matiére: Ils ne détruifirent point, Pfe. cvr. dit-il, les nations, que Dieu leur avoit comman dé de détruire.

34.

II. Non feulement ils ne détruifirent point ces nations, mais ils contractérent avec elles Jug. 11.2. (& ce fut là leur fecond crime) les liaisons les plus étroites: ils prirent en mariage les filles de ces mêmes Idolatres, auxquels Dieu leur avoit commandé de déclarer une guerre mortelle.

J.

III. De ces liaifons fi étroites vint bientôt la conformité de moeurs & de Religion. Ils s'abandonnerent au même genre d'idolatrie, & aux mêmes crimes, qui avoient porté la Divinité à armer leur bras contre ceux qui en étoient coupables. L'Hiftorien dit qu'ils rendirent un Jug.III. culte religieux aux Babalins, & aux Bocages deux genres d'idolatrie, qui font diftinguez l'un de l'autre dans quelques endroits de l'Ecriture. Les Babalins défignent probablement les hom1 Rois mes que la fuperftition avoit déifiez, & les Bocages marquent ou les Images des faux Dieux, où les arbres qui leur étoient confacrez: ce que nous aurons plus d'une fois occafion d'examiner dans un plus grand détail."

Voi.

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XVIII.

19.

Comme il y eut peu de diftinction alors entre les mœurs des Ifraëlites, & celles des Ca nanéens, Dieu ne voulut pas qu'il y en cût beaucoup dans leur condition. Il réfolut même que puifque les Ifraëlites avoient été les miniftres de fa vangeance contre les débordemens

des

des Cananéens, les Cananéens le fuffent à leur tour contre les débordemens des Ifraëlites. Il les livra à des Tyrans, qui leur rendirent la vie amére dans cette Terre de promiffion, qui devoit être pour eux un lieu de délices Mais parce que ces châtimens étoient moins deftinez à les perdre qu'à les corriger, il leur rendoit fa bienveillance dès qu'ils la follicitoient par leur converfion & par leurs priéres; il leur fufcitoit des Libérateurs, qui les délivroient des ces Oppreffeurs, auxquels il ne les avoit abandonnez que pour les ramener à lui.

Ce font ces Libérateurs que l'Hiftoire appelle des Juges, & aux faits mémorables defquels nous fommes parvenus. Nous entreprendrions en vain de marquer quelles furent les années de la vie de chacun d'eux. En général l'on convient à-peu-près unanimement parmi les Chronologiftes, que depuis le premier des Juges jufques au premier des Rois, il y eut environ l'efpace de quatre cens ans. Mais nous avons peu de fecours pour faire la diftribution de ces années.

La difficulté de les fupputer vient non feulement du filence de l'Hiftoire fainte, mais de l'équivoque d'une phrafe, qui revient fouvent dans le Livre des Juges. Après que l'Auteur a rapporté les exploits & la mort de quelcun d'eux, il dit ordinairement, après celá la Terre fe repofa tant d'années. Par exemple, il raconte qu'Hothoniel vainquit Cufchan Rifchathaim Roi d'Aram, c'est-à dire, de Méfopotamie: il ajoûte qu'après cela la Terre eut du repos quarante ans. L'ambiguité de cette façon de parler a Juges donné lieu à divertes opinions, dont quelquesunes fe réfutent fans peine, mais parmi les

T 2

quel

III. II.

1

quelles il n'eft pas aifé de choisir la vérita

ble.

Nous n'avons aucun panchant pour le fentiment de ceux qui croyent que l'intervalle, que défigne cette expreffion, eft celui qui s'eft écoulé depuis la défaite de l'Oppreffeur Araméen, jufqu'à la premiére guerre, dont elle fut fuivie. J'avoue que cette opinion femble répondre aux expreffions de l'Original; elle eft pourtant incompatible avec une vérité qui ne peut être revoquée en doute, c'eft que depuis la fortie des Ifraëlites hors d'Egypte, jufques à la construcr Rois tion du Temple de Salomon, il y a eu quatre cens quatre-vingts ans: l'Ecriture le dit en termes exprès. Mais fi les paroles, que nous avons rapportées, devoient être expliquées felon ce premier Commentaire il faudroit qu'il y eût eu plus de fix cens ans entre ces deux périodes: ce qui eft contradictoire, comme 9 plufieurs Chronologiftes l'ont démontré.

VI. I.

9

Nous n'avons pas une moindre répugnance le fentiment de ceux qui croyent, que pour ces expreffions marquent les années du Gouvernement du Juge, dont il vient d'être parlé. Selon ce calcul l'intervalle entre la fortie d'Egypte, & la conftruction du Temple, feroit beaucoup plus long encore. 10 Torniel a pouflé cette objection dans toute fa force. II y a quelques autres opinions fur le Texte que nous avons cité, lefquelles nous rejettons fans héfiter:

Mais il eft difficile, dans une matiére fi peu

fuf

9 TORNIEL. Annal. Æt. 4. ann. M. 260г. pag. 399. & in ann. 254 pag. 388.

IO TORNIEL. ibid. pag 400.

II USSHERIUS Annal, in ann. 2599. pag. 28.

fufceptible d'évidence, de prendre parti entre deux auffi grands Chronologiftes que le font "Ufferius & le 12 Chévalier Marsham.

Le premier de ces favans Hommes a fuivi le calcul de plufieurs autres Interprétes, qui prétendent que quand il eft dit, que la Terre fe repofa un certain nombre d'années, il faut comprendre dans cet intervalle, non feulement le temps qui s'eft écoulé depuis les derniéres victoires des Ifraëlites, jufques aux premiéres guerres, qui leur furent fufcitées depuis ce tempslà, mais tout le période du crime, qui leur avoit attiré l'oppreffion du Tyran, & tout le temps d'oppreffion, pour laquelle Dieu leur avoit fufcité le Libérateur. Si cette penfée est fondée, quand il eft dit que la Terre fe repofa quarante ans après la défaite du Roi de Méfopotamie, cela ne fignifie pas qu'il y eût quarante ans entre la mort de ce Tyran & la perfécution de celui qui le fuivit, mais qu'il y eût cet efpace de temps entre le repos procuré par Jofué, & celui dont jouirent les Ifraëlites quand le Tyran de Méfopotamie fut mort.

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3 Marsham fait une fuppofition d'un tout autre genre: il croit que la difficulté de cette expreffion, la Terre fe répofa, vient de l'ambiguité de ce mot la Terre, qui fe prend dans les Textes, que nous examinons, quelquefois pour le païs, que la Tribu de Gad, celle de Ruben, & la demi-Tribu de Manaffé occupoient au delà du Jourdain, & quelquefois pour celui, où étoient les autres Tribus en deça de

ce

12 MARSHAM Chronic. Canon. Egypt. fæc. 11. pag. 13 Ibidem.

291.

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