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DISCOURS X.

Heglon Roi des Moabites tué par Ebud. JUGES III. 12. &c.

article.

J

Ofué ne prefcrivit rien aux Ifraëlites touchant la forme du Gouvernement, qu'ils devoient fuivre après la mort; & il ne fe nomma point de fucceffeur du moins l'Histoire fainte ne dit rien fur cet

La Chronique Samaritaine remplit ce vuide par un recit fabuleux : elle porte que dans la derniére affemblée qu'il convoqua, Jofué fit une nomination des douze Chefs des Tribus, dont l'un devoit être Roi: qu'il jetta le fort pour déterminer auquel d'eux on défereroit cette éminente Charge; que le fort fe déclara pour Abel neveu de ce Légiflateur; qu'on lui mit une couronne fur la tête, &c.

Il eft difficile de marquer dans quelles mains refida l'autorité, depuis cette mort jusqu'au temps des Juges. Peut-être fut-elle adminiftrée

par

I Voi. HOTTINGERI Smegma Orientale cap. 8. pag. 522.

2 Voi. fur tout ce fujet BERTRAM de Rep. Judaica, cap.9. dans le VIII. vol. des gr. Critiques, pag, 749.

2

Verf. zi

par les Anciens: c'eft ce que de favans Hommes ont conclu du Chap. IV. de Ruth. Peutêtre chaque Tribu fe conduifoit-elle felon fes loix particuliéres: comme on le fit longtemps dans la Gréce, dans les Gaules, en Allemagne, & c'est la penfée de Grotius. Il femble que Dieu avoit lui-même prefcrit aux Ifraëlites cette forme de Gouvernement; Tu t'établiras des Fuges & des Prévots dans toutes les villes, que l'Eternel ton Dieu te donne, felon tes Tribus. Quelques-uns ont crû qu'ils avoient vécu alors dans une espèce d'Anarchie: c'eft ce qu'ils ont conclu de ces paroles répétées dans divers endroits du Livre des Juges: En ce temps-là il n'y Juges avoit point de Roi en Ifraël, & chacun fefoit ce qui XVII. 6. lui fembloit bon.

Il n'eft pas aifé non plus de marquer avec précifion combien dura cette forme de Gouvernement. La méthode, dont quelques Chronologistes fe fervent pour le déterminer, nous paroit peu fûre, pour ne pas dire visiblement vitieufe. Ils mettent entre l'époque de la mort de Jofué, & l'époque de l'établiffement des Ju

ges,
divers événemens, qu'on peut prouver être
arrivez pendant la vie de Jofué. 4 Torniel
place quatre guerres dans cet intervalle: Celle
que la Tribu de Juda, foûtenue de la Tribu de
Siméon, fit à Adonibefek, & dans laquelle
les Ifraëlites, après avoir tué dix mille Čana-
néens, fe faifirent de ce Prince, lui firent fubir
le fupplice qu'on infligeoit anciennement aux

5 en

3 GROTIUS Præfat. ad lib. Jud. pag. 1992. Dans le Il. vol. des gr. Critiques.

4 TORNIEL. Annal. in ann. M, 2594. pag. 394.

col. 2.

Deuter.

XVI. 18.

XVIII. I.

XXI. 25,

5 ennemis vaincus, & qu'il avoit fait fouffrir lui-même à foixante & dix Rois: c'étoit de

.leur couper les pouces des mains & des pieds, afin qu'ils fuffent inhabiles à la guerre. La feconde guerre fut celle, où l'on fit la conquête de Jérufalem. La troifiéme fut contre les Cananéens, qui habitoient dans les campagnes meridionales de la Judée. Dans cette guerre commandoit Caleb, qui avec la fageffe & l'expérience de la vieilleffe n'en avoit pas les infirmitez, & qui fit paroitre à l'âge de quatrevingts dix ans, toute l'agilité & toute la vigueur d'un jeune homme. La quatriéme guerre fut encore entreprise par la Tribu de Juda jointe à celle de Siméon. Trois villes des Philiftins furent prises dans cette occasion, favoir Askelon, Hekron & Gaza.

Torniel place dans le même intervalle ce qui eft raconté touchant l'Idole de Mica, & touchant la guerre des Ifraëlites contre la Tribu de Benjamin, & quelques autres événemens. Mais il eft très vraisemblable, je pourrois dire démontré, qu'une partie des événemens, que l'Auteur du Livre des Juges femble avoir placez après la mort de Jofue, & que notre Chronologifte croit par cette raifon être arrivez dans ce période, s'étoient paffez quelque temps auparavant, comme on peut s'en convaincre, en confrontant les divers paffages cottez à la marge. Mais quand on auroit prouvé que tous ces faits doivent être rapportez au période qui

fuivit

5 SUETON. in Auguft. cap. 24. pag. 126. Vide ibid. que in hunc locum SUETONII notavit AUGUSTINUS BABELONIUS ad ufum Delphini. CICERO de Off. lib. III. rapporte l'exemple des Atheniens, qui cou

XIII. 2 3.

fuivit la vie de Jofué, on n'en pourroit tirer Confronque des conféquences incertaines fur la durée tez jofué du temps, qui s'écoula entre fa mort & P'éta- avec Jug. bliflement des Juges. Nous ne difons donc rien 1. 18 Jof. de certain fur cette queftion, au lujet de la xv 8 16. quelle les Chronologiftes ont prononcé, mais avec jug. fur laquelle ils n'ont rien avancé de bien prou

vé.

1. 12.

I e fentiment qui nous paroit le plus vraifemblable eft celui, qui donne à cet intervalle trente années entiéres. C'eft ce qui femble prouvé par ce qui eft dit dans le dernier Chapitre de Jofué & dans le fecond des Juges, que les Enfans d'Ifraël ne fe corrompirent que Josué quand une Génération nouvelle fucceda à celle XXIV. 31 qui avoit vû Jofué, & les merveilles que Dieu Jug. 11, avoit faites par fon Miniftére. Le mot de Génération marque quelquefois la durée, que nous lui affignons ici.

Il étoit difficile que l'Anarchie, ou du moins que le Gouvernement relaché, fous lequel vivoient les Ifraëlites, ne les jettât dans de grands excès: rarement la Religion eut du poids fur leur efprit, lorsqu'elle ne fut pas foûtenue par la févérité de leurs Légiflateurs, ou par les prodiges de ces Hommes extraordinaires, qui fefoient fuppléer des châtimens à ce que l'amour de la juftice ne pouvoit produire fureux. L'Hiftoire fainte leur reproche fur-tout trois fortes de fautes, dont ils fe rendirent coupables dans le période, dont nous parlons.

I. Ils

pérent les pouces aux Eginétes. Voi. VAL. MAX. lib. IX. cap. 2. fect. 8. pag. 428 ELIAN. Hiftor, var.lib. II. cap 9. Ne haftam ferre poffent, pag. 30.

6 Voi. TORNIEL. ubi fupra.

10.

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que

1. Ils uférent d'une criminelle condefcendance & d'une molle lacheté à l'égard des peuples, Dieu leur avoit ordonné de détruire. Au lieu de conquerir leur païs, comme Dieu l'avoit commandé, ils fe contentérent, après en avoir pris une partie, de fe rendre l'autre tributaire. Ils témoignérent par cette conduite, que lorsqu'ils avoient porté les armes contre les habitans de la Terre promife, ils l'avoient fait bien moins pour obéir à l'ordre de Dieu, qui leur avoit ordonné d'en faire la conquête, qu'afin de pourvoir à leur propre fubfiftance: ils cefférent de battre, lorsqu'ils crurent avoir remporté affez de victoires pour fe rendre la vie douce. Il eft même très remarquable qu'ils négligérent de fe rendre maitres de quelquesunes des villes affignées aux Lévites. Telle étoit la ville de Nahalal, qui, felon ce qui eft dit dans le Livre de Jofué, devoit échoir à ces Miniftres des chofes facrées, dans le Territoire de Zabulon. Il eft expreflément remar Jug. 1.30. qué dans le Livre des Juges, que fes habitans n'en furent point chaffez.

Jofué
XXI. 35.

J'avoue qu'on ne peut pas toûjours conclurre de la maniére, dont l'Hiftoire fainte raconte la conduite des Ifraëlites à cet égard, qu'elle ait été digne de cenfure. Il femble même, à en juger par quelques paffages, que ce fut par une difpenfation particuliére de la Providence, & non par la négligence de ce peuple, qu'une partie des nations dévouées à l'interdit, confervérent pendant quelque temps leur liberté.

L'E

7 Voi. USSHER. Annal. ad ann. M. 2591. pag. 28. Voi. auffi Abrégé Chronolog. de PETAU. tom. 3. pag. 23.

8 Cato inexpiabili odio delendam effe Carthaginem &

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