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être avec plaifir les raifons, fur lefquelles il a voulu l'établir.

Il pofe d'abord pour principe, que ce ne fut point la prétence de l'Arche, qui fit donner au licu, où Jofué érigea un Monument, le nom de Sanctuaire de l'Eternel: car outre qu'il n'eft pas prouvé qu'on eût tranfporté l'Arche dans cet endroit-là comment la présence de cet augufte Vaiffeau auroit-elle fait appeller tout le licu, où il étoit placé, Sanctuaire de l'Eternel? + On n'auroit même pû felon lui transporter l'Arche fous un chêne, fans pécher contre cette loi du Chap. XVI du Deuteronome: Vous ne planterez point de bocage, de quelque arbre que ce foit, auprès de l'Autel de l'Eternel votre Dieu.

D'ailleurs quel que fût ce Sanctuaire, il devoit être fixe, & non pas une chofe ambulante, puisque le chêne, dont il eft ici parlé, eft nommé comme la marque du lieu, où la pierre étoit érigée.

Notre favant Auteur conclut de ces réflexions, que le lieu, où joué érigea fon Monument, avoit été confacré au culte de Dieu par ceux de la Tribu d'Ephraim, auxquels Sichem étoit échu en partage: il croit, que c'étoit un de ces lieux facrez, que l'on appelle Priéres, ou esuxes, parce que c'étoit là; où les fidelles s'aflembloient pour faire leurs priéres publiques: il juge que ceux d'Ephraïm avoient choifi cet endroit

* On pourroit peut-être répondre, que les paroles de l'Original ne fignifient pas que tout ce lieu étoit appellé Sanctuaire de l'Eternel, mais que le chêne étoit près du Sanctuaire de l'Eternel, c'est-à-dire, près du Tabernacle.

† On pourroit répondre, que cette défense étoit destinée à faire éviter aux Juifs les penfées fuperfti

endroit-là, préférablement à tout autre, pour en faire le lieu de leurs dévotions, parce que c'étoit celui-là même, dans lequel Dieu avoit ap paru à Abraham, & lui avoit promis de donner la Terre de Canaan à sa postérité.

23 Jofeph Mède porte fes fpéculations beau coup plus loin encore: il prétend, qu'outre le Tabernacle, & le Temple, dans lesquels feuls il étoit permis de facrifier, les Juifs avoient deux fortes d'Edifices confacrez à la dévotion: les uns s'appelloient Synagogues; les autres s'appelloient Prières. Il y avoit cette difference, felon lui, entre ces deux fortes d'Edifices, c'eft que les premiers, je veux dire les Synagogues, étoient dans l'enceinte des villes: c'étoient des Bâtimens reguliers, qui avoient des toits, au lieu que ce qu'il appelle des Prières, étoient de fimples enclos découverts, & placez hors de la porte des villes. Il fe fonde fur divers paffages des Anciens.

24 St. Epiphane, après avoir dit que certains Hérétiques, qu'on appelloit Maffaliens, n'étoient ni Juifs, ni Chrétiens, ni Samaritains, mais Payens, que lors même qu'ils fefoient profeffion de n'adorer qu'un feul Dieu, ils croioient qu'il y en avoit un grand nombre, affure qu'ils avoient des lieux deltinez à fon culte, femblables à des aires, ou des marchez, & qu'ils les appelloient des Prières, revxas. Ce Père

ajoûte,

tieufes des Payens; qui croioient que Dieu habitoit dans les forêts: & qu'elle ne regardoit que les lieux, où l'Arche fefoit une demeure fixe, non ceux, où elle ne feroit que pour un temps court.

24 EPIPH. lib. I. tom. 3. Hæref. 68. five 80. pag. 1067. &c.

ajoûte, que les Juifs & les Samaritains avoient hors des villes certains lieux de dévotion appellez du même nom : il le prouve par le Chap. XVI. des Actes: ce qu'il y a de plus remarquable, c'eft qu'il dit qu'à deux Pierres de la ville, qui portoit autrefois le nom de Sichem, & qui du temps de St. Epiphane avoit celui de Neapolis, il y avoit une greu, une Prière: c'est-à-dire, comme il l'explique lui-même, un Oratoire, en forme de théatre, fans toit, & fitué dans une plaine, &c.

25 Juvenal en parlant d'un homme errant, & qui n'avoit point de maifon pour loger, fait peutêtre allufion à l'état des Juifs, que Domitien avoit bannis de la ville de Rome: & il dit,

Ede, ubi confiftas, in qua te quero Profeucha?

26 Philon rélève la clemence de Céfar Augufte en ce que quoi qu'il eut fû que la nation Juive avoit des Prières, goreuxas, quelle fefoit fes aflemblées particuliérement le jour du Sabbat, cependant il ne s'y étoit pas oppofé, comme le fefoit Cajus.

27 Jofephe parle auffi d'une Prière, πgorεuxn, de Tiberias. On trouve le même terme avec le même fens dans les Livres du Nouveau Teftament. Notre favant Auteur croit, que c'eft la fignification qu'il faut lui donner dans le Chap. Verf. 13. XVI. du Livre des Actes. Les Verfions ordinaires portent: Nous fortimes hors de la ville: & nous allâmes de la riviére, où l'on avoit accoûtumé

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26 PHILO de Legat. ad Cajum pag. 1014

27 JOSEPH, tom. II, dans fa vie, fect. 54. pag. 26,

de faire la prière: mais l'Arabe traduit: où il y avoit un lieu d'Oraifon. De même quelques verfets plus bas: Il arriva que comme nous allions à Verf. 16. la Prière une fervante, qui avoit l'Esprit de Python, nous rencontra. On peut expliquer de la même maniére ce qui eft dit dans le Chap. VI. de l'Evangile felon St. Luc, que Jésus Christ Verf. 17! alla fur une haute montagne pour prier, & qu'il paffa toute la nuit, ἐν τῇ προσευχῇ τῇ Θεό, nous traduifons ordinairement à prier Dieu, on pourroit auffi traduire dans la Priére de Dieu, comme l'on dit dans le Temple de Dieu, c'eft-à-dire, dans le lieu confacré à le prier; c'est ainsi que 26 Drufius a entendu ces derniéres paroles.

Jofeph Mède ajoûte, pour justifier le fens qu'il donne à ces paffages, que s'il n'y avoit eu dans toute la Judée qu'un feul lieu, où l'on fit le culte public, & dans lequel les mâles d'entre les Juifs euffent dû venir feulement dans le temps des grandes Fêtes, tout le refte de la nation auroit été privé des exercices publics de la Religion: ce qui n'eft pas vraisemblable. 28 Or des favans Hommes ont prouvé qu'il n'y avoit eu des Synagogues qu'après le retour de la Captivité de Babylone: donc il falloit qu'il y eût de ces Prieres, tel qu'il prétend qu'étoit le Sanctuaire de Sichem.

Ce qui eft dit, qu'il y avoit là un chêne, confirme Jofeph Mède dans fa conjecture: car il prouve par le témoignage de divers Auteurs, que la défense de planter des boca

ges

11 l'appelle Προσευχὴν μέγιςον οἴκημα πολὺν ὄχλον ἐπιδέξα και δυνάμθμον.

28 Voi. les différens fentimens des Savans fur ce fujet dans HOSPIAN. de Templis cap. 4. pag. 21. &c.

ges dans les lieux, où feroit l'Autel, ne regardoit pas les lieux qu'il appelle des Prières.

Cela paroit par un paffage de 29 Philon, qui en faifant la defcription des barbaries, que les Payens avoient exercées contre les Juifs d'Alexandrie, dit qu'ils avoient rafé jusques aux fondemens une partie des lieux, où les Juifs fefoient les priéres, & qu'ils avoient coupé les arbres, qui étoient autour de quelques autres de ces ficrez lieux.

De même un 3° Poëte Latin dit d'un Juif, qui fefoit le mêtier de difeur de bonne avan ture;

Conducta fub arbore conjux.

Et 31 Juvenal;

Arcanam Judea tremens mendicat in aurem,
Interpres legum Solymarum, & magne Sacerdos
Arboris, ac fummi fida Internuncia Cali.

C'est-à-dire, une fuive demande l'aumone en trem* C'étoit blant, & en difant quelque fecret à l'oreille, comune petite me fi elle étoit l'Interprète des loix Judaiques, la ville auprès principale Prétrelle de la forêt, & la Meffagère du Dieu fouverain.

de Rome;

Mède

*

l'appelle Le même Juvenal fe plaint que la fontaine Capenus, il de Capene, qui étoit autrefois le lieu des enqu'on dit tretiens de Numa avec la Déeffe Egérie, avoit été abandonnée aux Juifs qui en fefoient une

me femble

Capena.
Pag 68.

προ

29 PHILO de Legat. ad Cajum, pag. 1011. 30 Je ne fai qui eft ce Poëte; je le cite fous la foi de JOSEPH MEDE, qui ne le nomme point, vai. fon Difc. 18. pag. 68.

31 JUVEN. Satyr. VI. verf. 542. Il y a dans ces mots de JUVENAL, la principale Prétreffe de la Forêt,

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