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te vie, eft fouvent impénétrable à notre Raison :
& fe former de juftes idées d'une action,
pour
il faut en juger par le génie de la Loi, & non
par les biens ou les maux préfens de ceux qui
la commettent.

Si Moyfe ne dit pas que les Juifs fe foient rendus coupables d'idolatrie dans le Defert, c'est qu'il ne s'eft pas propofé de donner un Journal complet de tout ce qui arriva durant les quarante années qu'ils y pafférent. Il paroit affez clairement par le Chap. XXIII. des Révélations du Prophète Ezechiel,que fi le peuple Juif n'avoit pas fait des actes publics d'idolatrie, que quelques Interprétés leur ont attribué, fondez fur le Chap. V. des Révélations du Pro- Amos v. phéte Amos,& fur le VII. du Livre des Actes, 25.26. du moins avoient-ils toûjours confervé quelques 42. reftes du culte idolatre, que leurs Péres avoient vû en Egypte, ou qu'ils avoient appris euxmêmes des nations, avec lesquelles ils avoient

eu commerce.

Si l'Hiftorien rend ce témoignage aux Ifraëlites, qui fervirent P'Eternel durant la vie de Fofué &des Anciens qui lui furvécurent, c'eft que l'idolatrie ne fut pas générale parmi eux, & pour me fervir des termes de 18 Mafius: On doit regarder comme un Etat bien conflitué, non celui dans lequel il n'y a aucun Citoyen vicieux, mais celui où les gens de bien font le plus grand nombre. Suppofé donc avec Jofué, que quelques Ifraëlites confervaflent en fecret des Idoles, la conféquence, qu'il tire de leur acceptation de l'Alliance,eft jufte: 0 tez donc les Dieux des étrangers qui font parmi vous. Nous

18 MASIUS in Jofuam XXIV. 23. dans le z. vol. des gr. Critiques pag. 1965.

A&t. VII.

Nous rappellerons encore ici la diftinction, que nous avons faite entre le but auquel nous devons tendre, & le but auquel il eft néceffaire d'arriver, pour être en état de grace, & pour pouvoir nous afsurer que nous y fommes parvenus. Ou pour expliquer notre pensée avec plus de précifion encore, il y a certains péchez, fi difficiles à connoitre, ou fi mal aifez à déraciner, que l'on peut, lors même qu'on en conferve encore quelque refte, accepter avec fincérité les conditions de l'Alliance, que Dieu daigne contracter avec nous dans la Religion. Mais il y en a d'un autre genre, & dont nous ne pouvons avoir la moindre trace fans enfraindre les claufes de cette Alliance. Dans la premiére claffe nous rangeons les péchez, qui violent les loix fondamentales de la Religion, & que l'on commet d'une maniére libre, volontaire, avec obftination, ou avec malice. Dans la feconde claffe doivent être mifes ces infirmitez, qui ne font pas incompatibles avec la véritable Foi, celles dans lesquelles nous tombons en quelque forte malgré nous, & lorsque nous avons fincérement réfolu de travailler à nous en corriger. On ne peut pas dire dans un fens de rigueur à un homme, qui contracte Alliance avec Dieu, ou qui renouvelle celle qu'il avoit contractée; N'ayez donc aucun panchant à l'orgueil; n'ayez donc aucun panchant à l'avarice, parce que quoique les péchez d'orgueil & d'avarice ne puiffent pas regner dans une ame régénerée, il fe peut pourtant qu'ils y exercent quelque empire. Mais on peut dire à cet homme dans le fens le plus rigoureux; Reftituez donc le bien mal aquis; rompez donc avec cette Societé fatale à votre innocence, & ainsi du reste.

On

On peut tirer cette contéquence à toute rigueur, parce que les actes de foûmiffion & d'obéiffance, qu'on demande alors, font à la portée de celui de qui on les exige. Jofué difoit auffi dans ce fens, & la conféquence étoit jufte, Otez donc maintenant les Dieux des étrangers qui font parmi

vous.

C'eft ainfi que ce Législateur renouvella l'Alliance entre Dieu & les Ifraëlites. Il voulut que la mémoire d'une action fi folemnelle fût éternelle parmi les Juifs. Pour cela il érigea deux Monumens, qui en leur rappellant fans ceffe les engagemens, dans lefquels ils étoient entrez, devoient les faire penfer à les obferver.

XXIV. 26.

1. Il fit enregistrer tout ce que le Peuple venoit de promettre, & il ordonna qu'on l'a- Jofué joûtât au Livre de la Loi. C'est tout ce que dit P'Hiftoire fainte au fujet de ce premier Monument. On peut imaginer divers moyens pour fuppléer à la briéveté de cette narration, mais il n'y a perfonne qui puiffe marquer pofitivement le véritable. Il y a lieu de préfumer que ce Livre de la Loi, dont il eft ici question, eft celui qu'on gardoit continuellement dans l'Arche, ainfi que nous l'avons rapporté dans 19 notre Difcours fur le Tabernacle. Peut-être que Jofué ajoûta à ce volume quelques rouleaux, ou quelques tablettes: peut-être auffi que ces mots, il écrivit ces paroles au Livre de la Loi, doivent être pris dans un fens plus vague, & fignifient feulement que Jofué plaça dans le Lieu très-Saint, à côté de l'Arche, le regiftre qu'il venoit de dreffer.

Le

19 Voi, le I. tom. de nos Difcours, Dilc, LIV. pag. 269.

Le fecond Monument fut une pierre qu'il é Verf. 26. rigea fous un chêne, qui eft appellé le Sanctuaire de PEternel. Après qu'il l'eût dreffée, il dit à tout Verf. 27. le Peuple: Cette pierre a entendu toutes les paroles que P'Eternel nous a dites: elle fervira de témoigna ge contre vous, de peur que vous ne mentiez contre PEternel. J'ai rapporté les propres expreffions de l'Histoire fainte, afin que mon Lecteur puiffe mieux juger des diverfes fignifications qu'elles peuvent avoir.

Nous avons déjà remarqué 20 ailleurs, que
dans les premiers âges du Monde on dreffoit
des pierres pour conferver la mémoire de cer-
tains faits. Jofué ne fait rien ici que de con
forme au génie de fon Siécle, & qui ne pût ê-
tre facilement compris de tous ceux qui étoient
témoins de fon action. Cela n'a aucune diffi-
culté. Nous ajoûterons feulement ici un pas-
fage de Tite- Live. Après avoir parlé de
quelques incurfions, que les Eques avoient fai-
tes fur le territoire des Romains, il dit qu'on
leur députa trois perfonnes illuftres pour fe
plaindre de ces outrages, & pour redemander
les chofes qu'ils avoient ufurpées. Le Général
des Eques leur dit, qu'ils expofaffent les ordres
qu'ils avoient du Senat de Rome à un chêne
dont les branches s'étendoient au deffus de fa
tête, & qui couvroient fon tribunal. Alors un
des Députez dit en fe retirant: Que ce chêne fa-
cré & tout ce qu'il y a de Dieux fachent,que
que vous
avez rompu le Traité de paix: qu'ils entendent main
tenant notre plainte pour favorifer bientôt nos de-
mandes, lorfque nous pourfuivrons la vangeance des
Dieux

20 Ibidem Difc. XXVIII. pag. 389.
21 TIT. LIVIUS lib. III, 310, in ufum Delphini,

Dieux & des hommes, dont vous avez lachement violé les droits.

Mais les Interprétes ont agité des questions plus difficiles à réfoudre, dont la folution auffi eft moins néceffaire, au fujet de l'arbre, sous lequel ce Monument fut érigé.

Eft-il bien prouvé que cet arbre fût un chéne? N'étoit-ce point un térébinthe, comme l'ont crû les Septante, & comme porte la Verfion Syriaque? N'étoit-ce point un chatagnier, ou un fapin, comme l'ont eftimé d'autres Interprétes? Etoit-ce un arbre feulement, ou fi c'étoit une forêt, comme on l'a conclu de la maniére, dont les LXX. ont traduit le terme de l'Original dans le Chap. IX. des Juges? E-Jug. 1x, 6, toit-ce le même, fous lequel on prétend que trois Anges étoient apparus à Abraham, ou fi Genef. c'étoit celui, dont il eft fait mention dans le xvII.8. Livre des Juges, & fous lequel les Sichemites conférérent la Royauté à Abimelech, comme l'a crû Jofeph Méde, & comme l'avoient enfeigné plufieurs Docteurs Juifs avant lui? Etoit-ce le même, que l'on prétend montrer aujourd'hui à ceux qui font le Voyage de la Terre fainte? Il fuffit de faire la lifte de ces questions, pour juftifier le peu de foin que nous prenons de les éclaircir.

2

23 Mais le célébre Jofeph Méde a fait des conjectures fi ingénieufes fur ces paroles, folué éleva une grande pierre fous un chêne, au Sanctuaire de l'Eternel, que nous croyons devoir les rapporter. Ceux-là même, qui n'adopteront pas le fentiment de ce favant homme, verront peutêtre

22 JOSEPH MEDE Difc. 18. pag. 65. 23 Idem ibid.

Tom. III.

S

XVIII.

Jug. ix. 6,

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