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mis d'une maniére fi folemnelle de les obferver, eft plus coupable, & s'expofe à des châtimens beaucoup plus rigoureux, que s'il n'avoit pas juré d'être fidelle. Le ferment eft un acte de Religion, par lequel on affirme une propofition, ou par lequel on fait une promeffe en prenant Dieu à témoin qu'on eft fincère : & en déclarant qu'on renonce à la miféricorde, & qu'on fe foûmet à fa vangeance, fi l'on parle actuellement contre ce qu'on pense, & fi l'on vient à violer ce que l'on promet.

C'eft à cette notion du ferment que le rap porte la fameufe épreuve, par laquelle une femme, accufée d'avoir fouillé fon lict nuptial, devoit ou vérifier fon innocence, ou être reconnue coupable. Le Sacrificateur la fefoit venir devant l'Eternel, c'est-à-dire, dans le Ta-Nomb. và bernacle: il prenoit de l'eau fainte, c'est-à-dire, 16. de celle qui étoit dans la cuve du Parvis il y mêloit de la poudre : il découvroit la tête de la prévenue: il la fefoit jurer avec exécration, en lui difant: Si tu as été fidelle à ton mari, tu Ver£ 19. ne recevras aucun mal de ces eaux amères. Mais fi tu lui as été perfide, que l'Eternel te livre au milieu de ton peuple à l'exécration, à laquelle tu t'es toi-même affujettie: qu'il faffe tomber ta cuiffe & enfler ton ventre, & que ces eaux qui portent la malédiction, entrent dans tes entrailles : alors la femme répondoit, Amen, Amen. C'est à cela que fe rapporte la remontrance, la remontrance, que Moyfe fefoit anciennement aux Juifs: Vous comparoitrez aujourd'hui devant l'Eternel votre Dieu, vous, les &c. Chefs de vos Tribus, vos Anciens, vos Officiers & tous les hommes d'Ifraël, vos petits enfans, vos femmes,&c. afin que vous entriez dans l'Alliance de l'Eternel votre Dieu, & de Pexécration de ce ferment

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Deuter.

XXIX. I

ferment qu'il vous fait prêter dans l'Alliance, que l'Eternel traite aujourd'hui avec vous. C'eft à cela la formidable Cérémonie, dont fe rapporte que nous lifons l'inftitution dans le Deuteronome. Deuter. Les Levites devoient par l'ordre de Dieu monVoy. ter fur la montagne de Hébal, prononcer des d'autres malédictions contre ceux qui pécheroient conformu tre les Loix fondamentales de la Religion, le Peuple devoit répondre, Amen.

XXVII.

laires de

ce fer

ment

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2 Cor. I.

23.

Quand on renouvelle fon Alliance avec Dieu, Neh x. on fe foûmet aux claufes de cette Alliance, & aux malédictions qu'elle dénonce à ceux qui les violent. Ces malédictions portent en fubftance, qu'on fera exclus de l'amniftie que Dieu accorde aux pécheurs ; & que l'on n'aura aucune part aux graces qu'il promet à ceux qui lui feront fidelles.

Il eft clair, ce me femble, par là nature de la chofe, qu'un homme, qui fait ces promef fes & ces fermens & qui ne les tient point, eft plus coupable & fera puni plus rigoureufement, que ceux qui auroient refufé de s'engager d'une maniére fi fainte & fi folemnelle. C'eft ce que Jofué représente aux Ifraëlites: Vous ne pourrez fervir l'Eternel: c'est un Dieu faint, fort, jaloux : il ne pardonnera point vos péchés, ni vos rebellions: s'il vous arrive de l'abandonner & de fervir d'autres Dieux, il changera à votre égard, il vous fera du mal jusques à vous consumer, après vous avoir fait du bien.

Mais ce fujet a deux difficultez, 1.Il semble qu'il y a de la témérité à entrer dans un engagement, dont les claufes font fi difficiles, & dont la violation entraine de fi grands malheurs après elle. Nous fommes naturellement fi foibics; l'expérience doit nous avoir fi convain

CUS

cus de notre foibleffe, que nous ne faurions nous promettre de ne pas violer une condition auffi étendue que celle de fervir Dieu avec intégrité avec vérité. Confentir d'être exclus & des miféricordes divines, en cas que l'on fe rende coupable de cette violation, c'eft y renoncer par avance.

Nous avons trois fources de folutions pour réfoudre cette difficulté. Les condefcendances du Legiflateur : les fecours de l'Esprit de Dieu : la reffource de la repentance après une chute totale.

1. Les condescendances du Legiflateur. Il faut diftinguer avec foin le but où nous devons tendre d'avec le but où nous devons arriver, pour être en état de grace. Le but où nous devons tendre, c'eft la perfection: le but où nous devons arriver, pour être en état de grace, c'est la bonne foi, ce font les efforts continuels pour parvenir à la perfection. Quand nous confentons de renoncer aux miféricordes

de Dieu, & d'être l'objet de fa vengeance, fi nous venons à enfraindre les claufes de l'Alliance, nous n'entendons pas que nous nous livrons à l'exécration de ce ferment, fi nous n'arrivons pas au but où nous devons tendre, mais fi nous ceffons de faire des efforts pour y parvenir. Le but où nous devons tendre à l'égard des paffions, qui ont leur fiége dans les fens, c'eft de n'en avoir jamais aucun fymptome. Mais qui pourroit dire dans ce fens: Seigneur, je confens d'être exclus pour jamais de vos miféricordes, & d'être pour jamais l'objet de votre courroux, s'il m'arrive d'avoir aucun fymptome des paffions qui ont leur fiége dans les fens s'il m'arrive de commettre aucun acte de

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colère ou d'impureté? Quand nous nous engageons à corriger la paffion de la fenfualité, & celle de la colére, nous nous engageons avec fincérité de faire nos efforts pour n'en avoir aucun fymptome, non de n'en avoir jamais en effet. Le but où nous devons tendre à l'égard du détachement du Monde, c'eft de pefer dans une balance de juftice les chofes vifibles avec les invifibles, le temps avec l'étermité, afin de préferer toûjours les chofes invifibles aux vifibles, l'éternité au temps. Mais qui pourroit fans extravagance dire dans ce lens: Seigneur, je conlens d'être exclus pour jamais de vos mifericordes, d'être pour jamais l'objet de votre courroux, s'il m'arrive de faire un acte d'attachement au Monde, s'il m'arrive que les objets préfens & fenfibles faflent jamais plus d'impres fion fur nom efprit, que ceux qui font propofez à mes espérances? Quand donc nous nous engageons à nous détacher du Monde, nous nous engageons à faire nos efforts pour nous en détacher parfaitement, mais non que nous parviendrons à ce degré de perfection, & ainfi du refte.

Nous avons marqué en fecond lieu les fecours de l'Efprit de Dieu. Quand nous promettons d'obéir à Dieu de bon cœur & de bonne foi, il s'engage de nous donner tous les fecours, dont nous avons befoin pour remplir nos pro meffes. Plus nous pouvons nous rendre témoi gnage que nous fommes fincéres, quand nous contractons nos engagemens, plus nous fommes en droit de nous affurer que Dieu ne nous abandonnera pas à notre propre foibleffe. Je fai bien qu'il n'y a rien, qui paroiffe plus opposé à l'expérience, que cette fidélité de Dieu

dans

dans les promeffes qu'il nous fait de nous affifter de fes fecours. Mais la difficulté vient des fauffes idées qu'on s'en forme. On regarde les fecours de l'Esprit de Dieu comme certains liens, qui enchainent la volonté humaine, & qui lui font violence, en forte que plus les hommes font de réfiftance à l'action de l'Esprit. de Dieu, plus l'Efprit de Dicu fait d'efforts pour s'en rendre le maitre. Ce n'eft point ainfi que ces fecours doivent être conçûs. Nous entendons que Dieu accorde aux hommes, qui ont contracté Alliance avec lui, toute la force qui leur est néceffaire pour s'aquitter des vœux, qu'ils ont formez en la contractant: en forte que s'ils venoient deformais à les violer, ce ne feroit plus par infirmité, mais par un principe d'obstination & de malice. J'ai la faculté de porter mes regards du côté de l'Orient, ou du côté de l'Occident. Je puis fans témérité (en fuppofant que Dieu, à qui uniquement je me reconnois redevable de ma liberté, daignera me la conferver) je puis fans témérité m'engager par ferment à tourner mes regards du côté de Î'Occident, ou du côté de l'Orient. De même: Je fuis naturellement foible, corrompu, privé en venant au Monde de la faculté d'obéir aux Loix de la Religion: & fans l'Efprit de Dieu je ne puis rien. Mais quand je contracte une Alliance avec Dieu, je reçois la faculté de lui obéir, je deviens fouverainement libre de remplir toutes les conditions, auxquelles il a attaché le falut je puis fans témérité m'engager à les remplir: & fi je les viole, je fuis refponfable de l'abus que j'ai fait d'une liberté, que la Gra-, ce m'avoit accordée. Je n'ai pas été téméraire

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quand

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