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faits dans la premiére de ces années, une autre dans la feconde, & ainfi du refte.

Il étoit à craindre que les deux Tribus & demie, qui alloient être comme abandonnées à elles-mêmes, & faire en quelque forte un peuple à part au-delà du Jourdain, ne fe corrompiffent dans la Religion & dans les mœurs, & ne laiflaflent infenfiblement relacher les nœuds, qui les unifloient avec le refte des Ifraëlites. Elles étoient éloignées du lieu, où étoit le Tabernacle, & où Dieu donnoit les marques les plus auguftes de fa préfence. Jofué prévit le péril, & fit tous fes efforts pour le prévenir. Ne pouvant fuivre fes frères pour veiller luimême à leur falut, il les munit des confeils les plus falutaires, & il leur adreffa les plus presfantes exhortations. Il donna à leur fidélité & à leur courage les éloges qui leur étoient dûs. Il reconnut qu'ils avoient accompli la condition, à laquelle ils s'étoient foûmis, lorsqu'ils avoient demandé à Moïfe d'être mis en poflesfion des premiéres conquêtes des Ifraëlites. I les exhorta à ne pas fe relacher dans la pratique de leurs devoirs, & à avoir toûjours préfentes à l'efprit ces auguftes loix, que Dieu leur avoit données par le miniftére de leur grand Législateur. Il leur commanda de faire part à leurs frères du butin qu'ils avoient remporté fur les Cananéens. Cet ordre étoit jufte. Quoique ceux, qui étoient reftez au-delà du fleuve, n'euflent pas participé aux périls de ceux qui l'avoient paflé, ils avoient pris foin de leurs familles : ils les avoient défendues contre les infultes des ennemis, dont ils étoient environ

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nez.

3 Dans le II, vol, de nos Difcours, Difc. LXVII. pag. 495. &c.

nez. C'a toûjours été une loi reçûe parmi le Peuple de Dieu, que ceux, qui étoient détachez pour une expedition militaire, donnaffent au refte de l'Armée quelque partie du butin qu'ils rapportoient de leur expedition. Cette loi étoit auffi fuivie dans le Paganisme. 3 Nous en avons vû des exemples, lorsque nous avons raconté le partage du butin remporté fur les Madianites. Mais la loi de donner à ceux, qui étoient reftez dans le Camp, une portion égale à celle de ceux qui avoient fait l'expedition, n'étoit pas encore prefcrite du temps de Jofué. Ce fut David qui l'établit & qui l'obferva, xxx. 20. lorsqu'il eût défait les Hamalékites.

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I Sam:

&c.

Après que Jofué eût adreffé ses exhortations aux quarante mille hommes il leur fit des Verf.6.7 fouhaits. L'Hiftoire fainte dit qu'il les bénit, c'est une des expreffions les plus favorites des Auteurs facrez, & dont ils fe fervent pour marquer les vœux les plus tendres. + Quelquesuns ont conclu de la maniere, dont les bénédictions de Jofué font couchées dans le Livre, qui porte fon nom, que ce faint homme avoit donné une bénédiction particulière à la demiTribu de Manaffé: ils en ont rendu cette raifon, c'eft que ceux de cette Tribu avoient une liaifon plus étroite avec celle d'Ephraïm, dont Jofué étoit lui-même, & qu'ils alloient être éloignez les uns des autres. Ce fut ainfi que les quarante mille hommes fe féparérent de leurs frères.

Mais à peine s'étoient-ils donné des marques reciproques de tendreffe & de confiance, qu'ils fe virent fur le point d'en venir aux mains, &

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de

de s'égorger les uns les autres. Voici quelle fût l'occafion de ce changement. Le Texte porte, Verf. 1o. que les quarante mille hommes vinrent aux li

mites du Jourdain, qui étoient au païs de Canaan, & qu'ils bâtirent là un A tel d'une grandeur extraordinaire. C'est ainfi qu'on peut traduire les paroles de l'Original, & c'eft ainfi que plufieurs Verfions Ics ont rendues. Elles font pourtant équivoques : & leur ambiguité les rend fufceptibles d'une autre traduction. 1. Ce qui eft dit, que les Ifraëlites étoient arrivez aux limites du Jourdain, peut fignifier qu'ils étoient à un lieu nommé Geliloth: quelques exemplaires des LXX. portent Galaad, & quelques-uns Galiloth: 5 Eufébe & St. Jérome prennent auffi le mot de POriginal, qui peut fignifier limites, pour le nom propre d'un lieu appellé Geliloth, fitué fur les bords du Jourdain, échu aux Benjamites. 2. Ces autres paroles, qui étoient au pais de Canaan, peuvent fe traduire, qui étoient vis-à-vis, ou à l'oppofite de Canaan. Si l'on fuit cette traduction, & fi l'on retient celle qui rend Geliloth par limites, toutes ces paroles pourront fignifier, que les quarante mille hommes étoient arrivez à l'autre bord du Jourdain, c'eft-à-dire, qu'ils avoient déja passé le fleuve, & qu'ils étoient précisément fur les frontiéres du païs de Galaad 3. Enfin au lieu de traduire, ils bâtirent là, on peut traduire, ils bâtirent alors: de forte que fuppofant même que l'Auteur facré entend par Geliloth un lieu, qui étoit dans la Terre de Canaan, ou bien fur les limi

5 & 6 EUSEB, & HIERON. in voce Galiloth; pag. 87.

limites occidentales du Jourdain, on pourroit entendre qu'ils fe difpoférent dans ce temps-là à bâtir un Autel fur Pautre bord.

Quoiqu'il en foit de ces différentes traductions, nous croyons que les quarante mille hommes bâtirent l'Autel, non fur le rivage du Jourdain, qui étoit dans le païs de Canaan, mais fur celui qui étoit en Galaad C'est un

fentiment à-peu-près général parmi les Interprétes, c'eft en particulier celui de 7 Josephe & celui des Juifs dans cellé de leurs Chroniques, qu'ils appellent, Seder gnolam, c'eftà-dire, l'Ordre des temps.

Comme cet Autel étoit fort exhauflé, il fut bientôt apperçû des Ifraëlites, qui étoient dans le païs de Canaan. Il enflamma leur courroux dès qu'il eût frapé leurs yeux. Un Autel d'une fi prodigieufe hauteur leur parût être plûtôt confacré aux Divinitez du Paganifme, au fervice desquelles on affectoit les lieux les plus élevez, qu'au véritable Dieu, qui n'eft pas moins à portée de fecourir ceux qui font dans les endroits les plus profonds de la Terre, que ceux qui font le plus près des Cieux. Mais quand même cet Autel auroit été deftiné au fervice du vrai Dieu, il n'auroit pû plaire à fes yeux. La Loi avoit expreffément défendu d'offrir des facrifices en d'autres lieux que dans le Tabernacle, ni fur d'autre Autel que celui, qui avoit été conftruit par l'ordre de Dieu: Moyfe avoit dit aux Ifraëlites: Vous n'êtes pas encore parvenus Deuter. au repos & à l'héritage, que l'Eternel votre Dieu x11.9. vous deftine: mais lorsque vous en aurez été mis en poffeffion, vous ne réglerez pas fon culte chacun Verf. 8,

7 JOSEPH. Antiquit. lib. V. fect. 24. pag. 190.

fur

Verf. 5.

6.

fur ce que bon lui femble, comme nous le fefons aujourd'hui mais vous chercherez Dieu dans le lieu, où il habite, & qu'il a choifi parmi toutes les Tribus pour y mettre fon ncm. Vous apporterez là vos boVerf. 13 locauftes & vos facrifices: prenez bien garde de ne point en offrir indiferemment dans tous les lieux que

vous verrez.

Jamais nous ne nous fentons plus animez de zèle pour la Religion, que lorsque les interêts de Dieu font comme incorporez avec les notres propres. Un des plus beaux priviléges, & même un des plus riches fonds temporels, qu'avoient les Juifs dans le païs de Canaan, c'étoit de poffeder ce Tabernacle, dans lequel il falloit que leurs frères vinflent des lieux les plus éloignez pour rendre hommage au Dieu qui y habitoit, & pour y apporter leurs offrandes. Auffi n'y cut-il qu'un avis fur la conduite qu'il falIoit tenir à Pégard des quarante mille hommes: & quoique les Ifraelites fuffent répandus dans les lieux qui leur étoient échus par le fort, ils s'affemblérent à Silo, où étoit le Tabernacle. Ce fut là qu'ils tinrent un confeil général, dans lequel il fut réfolu de fuivre ponctuellement ce que Dieu avoit ordonné à l'égard des Ifraëlites fufpects d'idolatrie: c'étoit de faire des perquifitions pour s'informer exactement de la vérité du fait, & de punir avec la dernière rigueur ceux qui feroient trouvez coupables. Cet ordre eft dans le Chap. XIII. du Livre du DeuteroVerf. 12. nome: Lorsque vous apprendrez que dans quelcune、 13. &c. des villes des villes, que l'Eternel vous a données, il y a de méchans hommes fortis du milieu de vous, pour féduire les habitans de ces villes-là, & qui leur di

8 Seder Olam cap. 12. pag. 32.

fent;

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