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than, qui appelle ce Livre, le Livre de la Loi. Nos Lecteurs adopteront celle de ces Hypothéfes qui leur paroitra la plus vraisemblable. Peut-être rangeront ils auffi les queftions, qu'on agite fur ce fujet, parmi celles qui ne font pas encore fuffifamment éclaircies, & qui probablement ne le feront jamais.

XIX. 4.

I

Jug. XII,

Enfin la derniere remarque roule fur la fituation de la Vallée d'Ajalon, dans laquelle Jofué demande que la Lune arrête fon cours. La Vallée, dont il s'agit, tiroit peut être fon nom de quelque ville qui s'appelloit Ajalon. Mais cela même ne détermine pas où cette ville étoit fituée. Car nous trouvons trois villes de ce nom: l'une dans la Tribu de Dan, comme ce- Jofué la eft marqué dans le Livre de Jofué; l'autre XXI. 24. dans la Tribu d'Ephraïm à trois milles de Be- 1 Chron. thel, à l'Orient de cette ville; 39 St. Jérome VI. 69. en fait mention. Il eft parlé d'une troifiéme dans le Livre des Juges: elle eft placée dans la Tribu de Zabulon: mais auprès de laquelle 12. de ces trois villes étoit la Vallée, dont parle ici Jofué? La plupart des Interprétes fuppofent qu'elle étoit auprès d'Ajalon dans la Tribu de Dan. Un de leurs argumens, c'èft que puis que Jofué voyoit la Lune & le Soleil en même temps, il falloit que ces deux Aftres lui parûsfent à une grande diftance l'un de l'autre. Or la ville d'Ajalon dans la Tribu de Dan, difentils, étoit plus éloignée de Gabaon, où Jofué vouloit que le Soleil s'arretât, que des autres villes du même nom. Il eft aifé de fentir, que ce n'est là tout au plus qu'une conjecture, qui

38 Voi CALMET fur Jof. X. 13. pag. 140. 39 HIERON. Onomast. in voce Aiλau pag. 23.

nc

ne doit pas nous empêcher de fufpendre notre jugement fur l'opinion, en faveur de laquelle elle eft avancée.

la

Toutes ces chofes étant ainfi pofées, grande queftion eft de déterminer, quelle idée on doit attacher à ces paroles de Jolué, Soleil arrête toi à Gabaon; Lune arrête toi dans la Vallée Ajalon: & à celles qu'ajoûte l'Hiftorien immédiatement après: Le Soleil & la Lune s'arrétérent jufqu'à ce que le Peuple fut vangé de fes Ennemis. Le Soleil s'arrêta au milieu des Cieux, &ne fe hâta point de fe coucher environ un jour entier.

Nous rejettons d'abord l'opinion 4o de ceux, qui fous prétexte que ces paroles font figurées, poctiques, & peut-être hyperboliques, croyent que tout ce qu'elles fignifient, c'est que Jofué remporta une victoire complete, & que l'Auteur du Livre de Jofué s'exprime de cette maniére par une licence, à-peu-près femblable à celle d'un 4 Poete Grec, qui dit, que le Soleil avoit accoûtumé d'arrêter fon chariot, pour entendre la mélodie d'un Chœur de Nymphes:

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Θεός * ποτ' ἐκεῖνον
Ἦλθε παρ' Ηέλιος καλὸν χορον. ἀλλὰ θεῆται
Δίφρον ἐπισήσας, τὰ δὲ φώτα μηκύνονται.
C'est-à-dire,

Le Dieu Soleil n'a jamais paffé vers ce beau Chaur

!

4c Voi. ci-deffous num. 44. 45.

Sans

41 CALLIMACHUS Hymn. in Dian. verf. 180. &c. 42 Voi. PAPINIUS STATIUS Thebaïd, lib. 1. verf. 289. 290. & dans le liv. V. verf. 177.

Tardius humenti noctem dejecit Olympo
Jupiter, & verfum miti, reor,
athera cura

fans s'y arrêter: mais il contemple; il arréte fon char; & alors les jours font plus longs. De même les 42 Poëtes ont feint que les Cieux avoient rougi, que le Soleil avoit fufpendu fon cours à cause de l'horreur, que leur causoit le crime d'Atrée enfanglanté du meurtre des fils de Thyefte, qu'il fit manger à ce malheureux pére. Il eft furprenant qu'un 43 Rabin, de qui l'on devroit attendre qu'il feroit porté moins à prendre un miracle pour un événement naturel, qu'à prendre un événement naturel pour un miracle, ait avancé cette peníée. Nous la trouvons pourtant dans le 4+ Moré Nevochim de Maimonidés. Elle a été auffi adoptée par 45 Grotius, qui l'appuie fur cette confidération : c'eft que l'Auteur de l'Epître aux Hébreux, qui a rangé la chute des murs de Jérico parmi les miracles, que Dieu avoit opérez pour couronner la Foi de Jofué, ne fait aucune mention du cours du Soleil & de la Lune arrêté: ce qui feroit un plus grand miracle que le premier. Il ne paroit pas vraisemblable à cet Interprete, que l'Apotre eût choifi le moindre miracle pour prouver les prérogatives de la Foi, tandis qu'il en auroit omis un plus grand & plus propre à prouver la Théfe qu'il vouloit établir.

Il me femble que cette opinion est détruite par ce qui eft ajoûté; l'Auteur facré, après avoir dit, le Soleil s'arrêta, la Lune s'arrêta, ceci n'est-il point écrit au Livre du Jufte? ajoûte, le

Suftinuit, dum fata vetant nec longius unquam
Ceffavere nove perfecto fole tenebra.

Soleil

43 44 MAIMONI D. More Nevochim part. II. chap. 35. pag. 292.

45 GROTIUS fur Jof. X. 13, pag. 1728. dans le 2, vol, des gr. Critiq.

Soleil donc s'arrêta, la Lune s'arrêta. Ces der niéres paroles font de l'Hiftorien, & non du Livre de Jafchar, dont les autres étoient tirées. Quand donc nous avouerions, que ftyle poëtique de ce Livre auroit fouffert qu'on eût dit, Soleil arrête toi; Lune arrête toi: le Soleil & la Lune s'arrêtérent : pour dire: que pendant tout le cours de cette journée je triomphe de mes Ennemis. Mais l'Hiftorien, qui ajoûte, le Soleil donc s'arréta, parle en Hiftorien, & non en Poëte: ainfi la réflexion prife du ftyle poëtique ne fauroit le regarder.

D'ailleurs s'il n'eft ici queftion que des victoires accordées à Jofué, que fignifieront ces paroles: Il n'y eut jamais auparavant de jour fem→ blable à celui-là, & il n'y en eut point après: PEternel exauçant la voix d'un homme? Dieu n'avoit il donc jamais accordé auparavant, n'a-t-il ja mais accordé depuis, de victoire femblable à celle que ce Général remporta fur les cinq Rois? Nous rejettons donc fans héfiter cette opinion comme peu conforme au fens, que nous offrent naturellement les paroles de l'Historien, & comme contraire au refpect que nous devons au St. Efprit, qui dirigeoit fa plume. Nous croyons que quand Jofué combattit contre les cinq Rois, il y eut un phénoméne inoui, & que le jour des victoires de ce Général fut plus long que ne font les jours ordinaires. Mais quelle fut la caufe de ce phénoméne? C'eft fur quoi il y a divers fentimens.

Quelques-uns ont crû, qu'une réfraction naturelle des rayons du Soleil, caufée par la grêle

46 SPINOSA Tractat. Theolog. Polit. cap. 2. pag. 22. 47 Auctor De Praadamitis lib. IV. cap. 5. pag. 215.'

grêle qui tomboit alors, ou une réverbération des rayons de cet Aftre après fon coucher, avoit pû produire cet effet. 46 Spinofa a eu recours à cette premiére hypothéfe: 47 l'Auteur du Traité des Préadamites a avancé la feconde: elles fe réuniffent en ce point, c'eft que la longueur du jour, dont il eft ici question, fut produite par des caufes purement phyfiques, fans que l'ordre des Loix naturelles fut altéré. Mais quoi que l'un & l'autre de ces fentimens paroiffent un peu plus conformes que les précédens aux paroles de l'Original, ils y font àpeu-près auffi contraires. On ne peut contefter que la lumiére extraordinaire du jour, dont nous parlons, ne foit rapportée dans l'Hiftoire fainte comme un miracle accordé aux prières de Jofué: même comme un miracle, qui n'avoit jamais eu de femblable avant lui, & qui n'en devoit jamais avoir après. Pourroit-on fe former cette idée d'une réverbération des rayons du Soleil, qu'on dit être affez ordinaire dans la Palestine? Pourroit-on même le former cette idée d'une réfraction, telle qu'on la fuppofe ici ?

On marque plus de refpect pour le témoigna ge du St. Efprit, quand on fuppofe avec quelques Interprétes, que Dieu produifit, ou qu'il approcha du lieu, dans lequel combattoit Jofué, quelque corps de lumiére, qui fuppléant à celle du Soleil, lui donna le temps de remporter une victoire complete fur fes Ennemis. C'est l'idée qu'ont attachée aux paroles du Texte les deux 48 Kimchis, 49 Schem Tob,& • Mr.

48 49 MASIUs in Jof. X. 12. pag. 1702. 50 LA CLERC fur JoL X. 12. pag. 24.

le

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