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cile, & la plûpart de ceux, dont parlent les Voyageurs, qui ajoûtent pour l'ordinaire le merveilleux à l'hiftoire. Mais fur tout parmi ces faits il y en a de mal expliquez: tels que font ceux qui regardent ces pierres, que des gens dignes de foi difent avoir vûes après le tonnerre. On ne s'infcrit point en faux contre le témoignage de ces perfonnes. On eft très éloigné de leur contester, qu'ils n'ayent vû les chofes qu'ils racontent. On reconnoit même que les pierres, dont ils parlent, ont été trouvées dans les lieux qu'ils nomment: mais la question n'eft pas d'affigner le lieu où ces pierres ont été trouvées, mais celui où elles ont été formées. Un homme voit dans les airs un corps enflammé, qui lui paroit avoir de la dureté & de la confiftence: il voit ce corps, qui fait plufieurs tours & plufieurs détours; il le fuit des yeux, autant que la rapidité de cet objet peut le lui permettre; ce corps tombe; l'Obferva teur va dans le lieu où s'eft faite cette chute & il y trouve une pierre. Cela fuffit pour lui. perfuader que cette pierre, eft ce même objet qu'il avoit apperçû voltigeant dans les airs: mais cela ne fuffit pas pour le perfuader à un Philofophe, qui veut des démonftrations, & qui objecte que cette pierre eft peut-être l'effet du Phénoméne qu'on a vû, non le Phénoméne même. Il fe peut que celui-ci n'étoit qu'une vapeur enflammée, qui aiant fait divers tours à caufe de fa légéreté, a été portée enfin dans la terre, y a trouvé du fable qu'il a calciné, & qui a formé cette pierre, que l'Obfervateur a confondue avec la caufe qui l'a produite. Parmi tout ce qu'on raconte fur les carreaux de la foudre, nous n'avons encore rien trouvé, qui ne Tom. III

I

pur

LA DEFAITE DES CINQ ROIS. pût être expliqué par cette hypothese.

Mais fans entrer dans une plus longue dif cuffion fur ce fujet, il nous fuffit de remarquer, que quand nous n'aurions rien à alléguer contre tous les faits, & contre les principes phyfiques que nous avons rapportez, nous ne croirions pourtant pas devoir admettre, qu'il foit tombé des pierres proprement dites fur les Amorrhéens: la grêle a pû les écrafer, & l'Histoire dit expreffément que ce fut la grêle qui le fit, que ce furent les pierres de grêle, qui en tuérent plus que l'épée. Nous reconnoiffons bien avec les Auteurs, dont nous combattons l'opinion, qu'il ne faut recourir au fens figuré, que lorfque la lettre n'en offre pas d'affez aifé: mais il n'eft pas moins vrai, qu'on ne doit jamais regler l'idée qu'on fe forme de la grandeur & du nombre des miracles par l'amour qu'on a pour le merveilleux, mais par la narration des Auteurs facrez.

Que fi l'on nous contefte le principe, fur lequel toute notre Hypothéfe eft appuiée favoir que des pierres de grêle ayent pû caufer d'auffi grands ravages que ceux dont nous venons de parler, on n'a qu'à confulter les paffages des 16 Tranfactions Philofophiques que nous citons. On y verra des exemples pris non feulement des fiécles paffez, mais pour ainfi dire de notre temps. On y verra des pierres de grêle de près de demi livre, qui ont ruiné les campagnes, tué une grande quantité d'hommes, & de beftiaux foixante dix milles à la ronde. Telle fut la grêle, qui tomba dans la Province de Suffolc le 17. Juillet de l'An 1666. telle fut

26 Tranfact. Philosophical abridgment vol. II, pag. 144.

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encore celle, dont la ville de Lille fut affligée en 1686. telle fut celle, qu'on vit au païs de Galles en 1697. fur-tout celle, qui caufa tant de maux dans le Comté de Stafford en 1697. Nous ajoûterons ici un Mémoire, qui nous a été communiqué au fujet d'une grêle toute extraordinaire, tombée à Namur il n'y a que quelques années: ce Mémoire eft datté de Liége le 29. Avril 1721.

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Les Journaux Hiftoriques des mois de Juin, Juillet, & Août 1717. ont dit quelque chofe de l'orage, qu'il y a eu à Namur, & , aux environs: la Gazette de Bruxelles en a auffi parlé mais les chofes y font altérées, ,, ou négligées. Voici le fait. La veille de St. Jean Baptifte 1717. fur les fept heures du foir, l'air fut chargé de nuages fi épais, ,, qu'on ne vit plus les objets qu'à la lueur des ,, éclairs, qui furent fréquens & épouvantables, avec des tonnerres affreux. Il tomba en mê,, me tems une grêle d'une grofleur prodigieufe, mais inégale. Les moindres boulets péfoient un quart de livre, d'autres une livre, d'autres trois, d'autres cinq: il y en eut même qui pélérent jufqu'à huit livres. L'ora,,ge a produit des effets bizarres : quelques maisons ont été très endommagées, pendant », que celles qui les touchoient ne s'en font point reffenties. J'ai vû des toits de batimens tous nus, fur lefquels il n'eft pas resté une feule ardoise, & d'où les cloux avoient été ,, enlévez, ou pouffez dans des lattes qui font de planches de chêne : j'ai vû ces mêmes planches, quoique neuves, percées d'outre en », outre par la grêle en divers endroits, comI 2

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Jofué x. 12. &c.

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me fi elles avoient été fracaffées par des bom bes, pendant qu'on ne voyoit aucune trace de l'orage dans des toits contigus aux autres: j'ai vû fur la chauffée de Namur à Bruxelles une campagne, où la moiffon, qui étoit au côté gauche, étoit abimée, pendant que celle du côté droit étoit reftée debout, fans avoir reçû aucun dommage. Les herbes de quel» ques vergers ont été fi foulées, & le gazon fi remué, que cette année-là on ne pût recucillir ni foin, ni regain. J'ai vû des taillis de bois, dont les rameaux étoient déchiquetez, comme ils auroient pû l'être par des décharges de mousqueterie: beaucoup de chevaux & de bêtes à corne ont été tuées: quel», ques hommes ont eu le même fort, & plufieurs ont été bleffez..

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Peu d'années auparavant il y avoit eu deux orages le même jour, & à la même heure, mais incomparablement moins violens: quoi des torrens de pierres & de rochers ayent " que innondé alors des jardins, après en avoir renverfé les murailles. Il eft à remarquer que ces trois orages ont pris la même lifiére, & n'ont prefque fait de mal que par Cantons.

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Tous ces événemens prouvent, que des pierres de grêle fuffifoient pour faire fur l'Armée des Amorrhéens les ravages, dont parle l'His toire fainte: & comme elle ne dit rien qui nous oblige de fuppofer, qu'ils furent écrafez par des pierres d'une autre efpece, nous rejetterons l'hypothefe de ceux qui admettent ici fans néceffité un fecond miracle.

Nous ferons plus circonfpects fur la nature de l'autre prodige: favoir fur la maniére, dont

Jofué

Jofué arrêta le cours du Soleil. Voici le Texte: Fofué dit en présence de tout Ifraël: Soleil arréte toi à Gabaon: & toi Lune dans la Vallée d'Ajalon. Et le Soleil s'arréta jufqu'à ce que le Peuple fe fût vangé de fes Ennemis. Cela n'est-il point écrit au Livre de fafchar? Le Soleil s'arrêta donc au milieu des Cieux, & ne fe hâta point de fe coucher un jour entier: & il n'y avoit point eu de jour femblable à celui-là, devant ni après. L'Eternel exançant la voix d'un homme; car P'Eternel com battoit pour les Ifraëlites. Pour expliquer ce Texte nous ferons d'abord quelques remarques, qui ferviront à écarter diverses fauffes peniées, auxquelles il a donné lieu.

1. Ces paroles, Soleil arrête toi, & celles qui fuivent, le Soleil s'arrêta, font bien traduites & ne font pas fufceptibles d'un autre fens que de celui que nos Verfions leur attribuent. ́11 eft vrai qu'il y a dans l'Hébreu, Soleil tai toi, le Soleil je tût. Sur quoi 7 les Juifs ont dit que cet Aftre a chanté le Cantique de Dieu pendant fa courfe, qu'il ne cefle de chanter que lorfqu'il s'arrête, que Jofué louoit Dieu tandis que le Soleil te taifoit; mais tout cela eft hors de faifon. Les anciennes Verfions traduifent comme nous & l'on n'a qu'à confulter les Textes que nous citons à la marge, pour fe convaincre que le terme de l'Original de prend Voi. fouvent pour s'arrêter, & ne peut fe prendre Sam. qu'en ce fens-là dans le paffage que nous expli-xiv. 10.

quons.

Notre feconde remarque, c'eft que ces paroles, il n'y avoit point eu de jour femblable à celui, peuvent ne pas le rapporter à la longueur

27 J. JARCHI in Jof. X, 12. pag. 23.

du

Lament.

de Jer.

III, 28.

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