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qui la portoient à s'intereffer fi tendrement en leur faveur, & à être perfide à fon Prince, pour favorifer des ennemis. Elle leur dit ce n'étoit pas feulement pour ne pas violer les droits de l'hofpitalité qu'elle les avoit recueillis; que quoiqu'au milieu d'un Peuple Idolatre, elle adoroit le vrai Dieu, & elle croyoit devoir favorifer un Peuple, qu'il avoit choisi pour l'objet de fon amour. Elle leur découvrit les impreffions que les conquêtes des Ifraelites avoient fait fur les habitans du païs de Canaan: elle leur dit qu'ils en étoient confternez, ou, comme porte le Texte, que leur cœur en étoit fondu expreffion énergique, à laquelle " les Juifs ont donné un étrange fens. Elle les conjura de la recevoir fous leur protection: elle les pria inftamment, que quand les grandes efpérances, qu'elle leur fefoit concevoir, feroient accomplies, ils fe fouvinffent de l'accueil qu'elle leur avoit fait; & elle exigea d'eux un ferment, par lequel ils s'engageaflent d'épargner non feulement fa perfonne, mais fon pére, fa mére, fes freres, fes fœurs, & tous ceux qui apartenoient à fa maifon.

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La Religion Naturelle fuffifoit pour aprendre à Rahab, que le Ciel étoit vangeur des parjures. Les Payens avoient une grande vénération pour le ferment: " ils en fefoient un Dieu, que les Grecs apelloient gxos. Ils attribuoient auffi à leur Jupiter une infpection

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par

tuerit venere uti. SALOM JARCHI in Jof. II. 11. pag. 6. WAGENSEIL in Sota Cap. VII. fect. 3. pag. 700. II. HESIODI Dies vers. 40.

12. Voi. A UL. GELL. Lib. I. Cap. 21. pag. 107. Voi, auffi l'Autel Jovi fidio, DIONYS. HALICARN. Antiq, Remaan. Lib. IX. Cap. 9. pag. 589

particuliére fur le ferment. Ils témoignoient par les cérémonies finguliéres, dont ils l'accompagnoient, qu'ils le regardoient comme une chofe facrée. Ils atteftoient les Dieux. Ils pofoient les mains fur les Autels: de là vient cette defeription, que " Juvenal fait des Athées:

Sunt in Fortune qui cafibus omnia ponant,
Et nullo credant Mundum Rectore moveri,»
Natura volvente vices, & lucis, & anni;
Atque ideò intrepidi quæcunque altaria tangunt.

C'eft-à-dire Il y a des gens qui attribuent tout au Hazard: ils croyent que le Monde n'eft gouverné par aucun Mattre, & que la Nature feule regle les viciffitudes des jours & des années; c'est pour cela qu'ils portent fans fcrupule leurs mains fur les autels.

14 Ils difoient qu'une des fonctions des Furies étoit de parcourir la terre pour bourreler les parjures. Ils croyoient que les Dieux ne manquoient jamais de les punir: que cette punition étoit quelquefois exercée dans ce Monde, & paffoit jufqu'aux defcendans de ceux qui en étoient coupables, mais qu'elle l'étoit principalement dans la vie à venir: de là vient

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13. JUVENAL. Satir. XIII. vers. 86. &c. Voi. auffi PLAUT. Rudens act. V. fcen. 2. vers. 46. CICERO pro Flacco c. 36. pag. 192. edit. de Grævius. VIRGIL. NEID. XII. vers. 201. Tango aras; mediofque ignes, ac numina teftor. Juftin. XXIV. 2. Sumtis in manus altaribus, coningens ipfa fimulachra & pulvinaria Deorum inauditis ul timifque exfecrationibus adjurat. pag. 329.

14. Voi. HESIOD. Dies vers. 38. 39.40.

15. CICER. de Legibus Lib. II. Tom. 4. pag. 324:

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ce mot de " Ciceron, que Pinfamie eft la peine attachée par les hommes au parjure, mais que les Dieux le puniffent d'une ruine totale. Ils témoignoient par leurs Formulaires, qu'ils fe foûmettoient aux châtimens les plus rigoureux, s'ils fe rendoient coupables d'un fi grand crime. "Quelquefois ils prenoient une pierre, qu'ils jettoient en difant, que Jupiter me rejette comme je rejette cette pierre, fi je manque à ma parole: quelquefois ils tiroient leur épée, qu'ils mettoient vis à-vis de leur gorge, & ils invoquoient comme vangeurs du parjure le Ciel, la Terre, les Furies, le Soleil. Selden raporte un long Formulaire du ferment, & qui fait voir l'idée que l'Antiquité Payenne fe formoit de cette cérémonie: c'eft un Vettius Valens Aftrologue, qui l'exigeoit de fes Difciples, pour les engager à ne pas revéler les Mystéres de fa Secte.

Si le ferment étoit regardé par les Idolatres comme un des actes les plus facrez de la Religion, à plus forte raison l'étoit-il par les Ifraëlites. Ils favoient qu'il conftitue une des parties les plus effentielles du Culte fuprême; ils étoient élevez dans une Religion qui leur prefcrivoit cet ordre: Tu craindras l'Eternel ton Deuter, Dieu: tu le ferviras, & tu jureras par fon nom. VI. 13. Comme ils étoient convaincus qu'on devoit le

Perjurii pœna divina exitium, humana dedecus.

gar

16. Voi. en une riche compilation dans SELDEN de Synedriis Lib. II. Cap. 2. pag. 834.

17. Voi. diverfes preuves dans LUDOV. CAL. RHO DIGINI Lection. Antiq Lib. XXI. Cap. 15. pag. 1166. 18. Voi. DIONYS. HALICAR NAS S. Lib. IV. Cap. 70. pag. 254. Lib. IX. Cap. 10. pag. 544.

19. SELDEN de Synedr. Lib. II. Cap. 11. pag. 838.

garder inviolablement, ils croyoient auffi qu'il ne falloit pas le prêter avec temérité. Les Efpions fpécifiérent fcrupuleufement toutes les conditions, fous lesquelles ils alloient promettre à Rahab, d'une façon fi folemnelle, la protection qu'elle avoit demandée. Ces conditions furent, qu'elle ne les découvriroit point à leurs ennemis; qu'elle mettroit aux fenêtres de fa maifon une marque arbitraire, qui lui ferviroit de fauvegarde, & qui feroit connoitre aux Ifraëlites la maison qui leur devoit être sacrée, que tous ceux qui apartenoient à Rahab s'y retireroient pendant le tumulte caufé par la prife de la ville. Sous ces conditions ils prétérent à Rahab le ferment qu'elle avoit exigé, & ils fe foûmirent à perdre la vie, s'ils ne lui procuroient la protection qu'elle leur demandoit.

Rahab accepta ces conditions, & elle les exécuta dès lors en partie, en attendant que le temps de les exécuter entiérement fut arrivé. Non feulement elle ne découvrit point les Efpions, mais elle les fit defcendre avec des cordes par les murailles de la ville: employant ainfi, dit un " Rabin, pour le falut de ces deux Ifraëlites, ce même cordon, qui avoit é té destiné à tirer dans fa maison les complices de fes prostitutions, & en difant: 0 Dieu de çet Univers, ce cordon a contribué à mon crime, qu'il contribue auffi à mon pardon. Quelques-uns ent crû que ce cordon étoit le fignal qu'elle

de

20. SALOM. JARCHI in Jof. II. 15. pag. 6. Voi. auffi Talm. Erachin fol. 32. col. I.

21. SALOM. JARCHI dit que Rahab avoit vû par le fecours du St. Efprit, que ceux qui chercheroient les Efpions retourneroient à Jerico après trois jours. in Jof,

devoit mettre à fes fenêtres, quand le Peuple d'Ifraël entreroit dans Jérico.

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Rahab fit plus encore: non feulement elle ne découvrit pas les Efpions, mais elle leur donna des confeils touchant la conduite qu'ils devoient tenir, pour échaper aux pourfuites de ceux qui étoient envoyez pour fe faifir d'eux. Elle leur dit qu'ils ne fe hâtaffent pas de retourner dans les campagnes de Moab: el- Jof. II. le leur confeilla de fe refugier d'abord fur quel- verf. 16, cune des montagnes, dont la ville de Jérico étoit entourée, & d'y demeurer trois jours, jufqu'à ce que leurs pourfuivans fe fuflent rebu tez de les chercher. Sa prudence pût fuffire pour lui fuggérer ces précautions, fans le fecours de l'infpiration & de la Profétie, que quelques Juifs lui ont attribuée. Jérico étoit', au raport" d'Eufébe, placée à cinq mille pas du lieu, où les Efpions devoient pafler le Jourdain pour retourner dans leur Camp. Rahab pût conjecturer que trois jours fuffiroient à ceux qui les cherchoient, & qu'ils feroient de retour après ce temps-là. Cependant la pensée de ceux, qui prétendent qu'elle étoit éclairée d'une lumiére Divine lorsqu'elle donnoit cet avis, n'est pas abfolument deftituée de vraisemblance: du moins l'évenement juftifia ce qu'elle avoit prévû. Les Efpions furent trois jours fur les montagnes ils paflérent enfuite le Jourdain, & ils arrivérent au Camp des Ifraelites, auxquels ils racontérent toutes les circonftances finguliéres de leur expédition.

C'eft

II. 16. & la note de B BEITHAUPT pag. 6. 7. Voi. auffi MASIUS fur ce paffage pag. 1463. dans le fecond vol. des grands Critiques.

22. Cité par MASIUS ibid.

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