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contraire le refpect qu'il a pour lui, en s'abftenant de la mauvaise action qu'il avoit prémedité de faire, afin qu'il en obtienne miféricorde. Ne feroit-ce pas renoncer au bon fens, & étre agité d'une folie incurable, que de choifir deux maux tout à la fois, quand on peut s'affranchir de l'un des deux?

Pourquoi donc Jofué fe crût-il obligé d'avoir égard à un ferment, par lequel il s'engageoit a tenir une conduite oppofée à celle qu'il avoit plû à Dieu de lui preferire? Je raporterai la folution de 2 Mr. Barbeyrac à cette objection, & j'y foufcris: Peut-être, dit-il, que Dieu par un acte extérieur ratifia ce ferment, quoi que PEcriture, qui omet fouvent certaines circonftances, ne dife rien touchant cette ratification. La fevére pu nition, que Dieu exerça fur les Ifraëlites & fur la postérité de Saúl, à cause que ce Prince avoit fait mourir quelques defcendans des Gabaonites, peut le faire conjecturer: quoique d'ailleurs Paction de Saúl n'eut pas laiffe d'être cruelle & inhumaine, parce qu'alors la loi, qui ordonnoit d'exterminer les Ca nanéens, ne fubfiftoit plus.

Je n'ajoûterai qu'une réflexion aux paroles de Mr. Barbeyrac, c'eft qu'il y a une extréme différence entre fon hypothete touchant la ratification, que Dieu auroit faite du ferment de Jofué, & celle de ceux, qui prétendent que Jofué avoit envoyé des Hérauts de Paix auxGabaonites. Cette différence confifte en ce que cette derniére démarche eft contraire à une loi claire & expreffe, telle qu'eft celle du Deu

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20 Mr. BAR BEYRAC dans l'endroit ci-deffus: 21 TITE LIV. III. Nondum hac, que nunc tenet fe culum, negligentia Dei venerat, nec interpretando fibi quisque jusjurandum & leges aptas faciebat, fed fuos potiùs mo

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teronome, que nous avons citée, & qui obligeoit les Ifraëlites à mettre les fept nations à Pinterdit, au lieu que celle de Mr. Barbeyrac fert à réfoudre une objection contre cette loi. Quelque parti que l'on prenne dans les différentes questions, que l'on agite fur certains paflages de nos Ecritures, on a fouvent befoin de fuppofer des circonstances qui ne font pas rapportées dans l'Hiftoire. Il y a pourtant certaines régles qu'on doit fuivre, quand on fait ces fortes de fuppofitions: & parmi ces régles il ne peut y en avoir de plus fûre que celTe-ci: Il eft permis de fuppofer un fait, qui fert à réfoudre une objection contre un paffage formel: mais jamais il n'eft permis pour invalider un paffage clair & formel, de fuppofer un fait, dont on ne trouve aucune trace dans l'Hiftoire.

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Si Dieu ratifia le ferment fait par Jofué aux Gabaonites, il n'y a pas lieu de s'étonner de P'exactitude, avec laquelle les Ifraëlites l'obfervérent alors. J'emprunte ici des paroles de Tite Live, citées par 2 Grotius à cette occafion; On n'étoit point venu à ce point d'indifférence, où Pon eft aujourd'hui pour la Religion: l'on ne fe donnoit pas encore la licence d'interpreter les loix & le ferment felon fon inclination & fes interéts,mais on régloit fa conduite fur fon ferment & fur les loix.

Les Ifraëlites remplirent pendant quatre fiécles les promeffes qu'ils avoient faites aux Gabaonites, & qu'ils avoient ratifiées d'une maniére fi facrée & fi folemnelle. Une famine de

trois

res ad eas accommodabat. C'eft ainfi que GROTIUS cite: il y a Deum. Voi. Tit. Liv. 3. cap. 20. pag. 302. 22 GROTIUS in Jof. IX. 18. pag. 1688. dans le 2. vol, des gr. Critiques.

2 Sam.

XXI I.

&c.

trois ans vengea l'infraction, qui en fut faite après ce temps-là par Saül, & par fa barbare Maifon, probablement pendant le fac de la ville 1 Sam. de Nob. Le flcau, que cette perfidie avoit XXII. 19 attiré fur tout le Royaume d'Ifraël, qui l'avoit vûe peut-être avec trop de complaifance, ne cefia qu'après qu'on eût immolé au jufte resfentiment de ces opprimez, fept fils ou petitsfils de ce Prince fanguinaire..

DIS

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DISCOURS V.

La défaite des cinq Rois. Josue X.

L

'Alliance des Gabaonites avec Jofué irrita tout le païs de Canaan, Les Cananéens fe fentirent plus outrez contre eux que contre les Ifraëlites, & ils voulurent détruire ces ennemis domestiques, avant que de combattre les ennemis étrangers. Adonitfédec regnoit alors fur la ville, qui fut fi célébre dans la fuite fous le nom de Jérufalem. Il eft vrai qu'elle paroit fous le nom de Jérufalem dans le Livre de Jofué: mais nous avons déjà remarqué, & nous aurons fouvent befoin de cette remarque, que les Auteurs facrez en narrant des faits, arrivez dans un certain periode, donnent aux lieux, dont ils parlent, des noms qu'ils ne portérent que longtems après ce periode-là. Il eft probable que le plus ancien nom de Jérufalem fut celui de Jébus, l'un des fils de Canaan. Elle eft appellée de cette ma- Genef. x. niére dans le Chap. XVIII. de Jolué, & fon 16. nom eft expliqué par celui de Jérusalem. Mais Jofué il n'eft pas aifé de démontrer ni le temps, dans lequel ce dernier nom lui fut donné, ni quelle en eft l'origine. Quelques-uns croyent qu'elle

XVIII 28.

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le prit lorfque Salomon y bâtit le Temple. Ils difent que le mot de Jérufalem eft compofé de Téron, qui dans la langue Gréque fignifie un Temple, & du nom de Salomon, en forte que Jerufalem voudroit dire Temple de Salomon. Mais quelques autres trouvent qu'il n'eft pas vraifemblable, que les Juifs euffent donné un nom Grec à leur capitale: ils font donc dériver ce nom de l'Hébreu: mais ils fe partagent quand il eft queftion de déterminer s'il vient de deux termes, dont l'un fignifie craindra, & l'autre Salem, qu'ils croient avoir été l'ancien nom de Férufalem; ou deux autres, dont l'un fignifie ils verront, & l'autre la paix. Mais Mr. Reland croit que le mot de Férufalem eft composé de Jerufch qui fignifie héritage, & du mot shalom qui veut dire paix: il prétend que la capitale de la judée ne fut appellée ainfi, qu'après que David en eût chaflé les Jébufiens, qui en occupoient une partie, lorfqu'il ne regnoit encore que fur la Tribu de Juda. 2 Le nom de Férufalem fut changé par l'Empereur Ælius Hadrien, qui l'appella Elia Capitolina: & fon premier nom fut fi peu en ufage, 3 qu'un Juge Romain, qui demeuroit à Cefarée, demandant à quelques Martyrs quelle étoit leur Patrie, & eux aiant répondu qu'ils étoient de Jérufalem, il crût que c'étoit quelque ville en Orient, que les Chrêtiens fortifioient pour s'y défendre contre les Romains.

Re

IRELAND. Palaftina lib. III. au mot Jerufalem, pag. 834.

2 XIPHILIN. in Epitome Dionis. pag. 262.

3 EUSEBIUS de Palaftina Martyribus cap. 11. pag. 275. Ce Traité dEUSEBE eft à la fin du livre VIII. de fon Hiftoire Ecclefiaftique, & y fert de fupplement dans quelques Editions des Ouvrages de ce Pére.

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