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eût découvert la rufe des Gabaonites, fi ce n'eft parce qu'elle craignit, que l'alliance, qu'on avoit traitée avec eux, étant une infraction directe de la loi qui ordonnoit de les détruire, n'attirât fur les Ifraëlites les mêmes fleaux, que Dieu leur avoit envoyez pour punir le crime d'Achan?

Je fai que 14 les Juifs rapportent que Jofué, avant de faire la guerre aux fept nations, leur écrivit trois fortes de lettres, pour leur offrir un de ces trois partis: que ceux qui voudroient fuir priffent la fuite: que ceux qui voudroient faire la paix vinfent traiter alliance avec les Ifraelites que ceux qui voudroient combattre priffent les armes: je fai qu'ils ajoûtent que les Guirgafiens acceptérent le premier parti, & s'enfuirent en Egypte: que les Gabaonites acceptérent le fecond, & traitérent alliance avec Jolué: & que les trente Rois, dont il eft parlé dans la fuite de l'Hiftoire, prirent le troifiéme, & furent défaits. Mais ce n'est là qu'une fuppofition, qu'on peut faire à la vérité, mais qui ne fauroit fuffire pour éluder la force d'une loi auffi expreffe que celle que nous avons alléguée. Je fai bien auffi que Grotius dit, que ces paroles des principaux d'Ifraël aux Gabaonites, peut-être habitez-vous au milieu de nous,& comment traiterions-nous alliance avec vous? peuvent s'entendre comme fi Jofué demandoit aux Gabaonites de quelle maniére ils defiroient de traiter avec lui, fi c'étoit en qualité d'Alliez, ou fi c'étoit en qualité de Sujets? Mais quand nous avouerions que ce fens eft auffi naturel que

15 Voi. GROTIUS du droit de la G. & de la P. tom. L liv. 11. cap. 13. art. 4. pag. 446.

Maimo

que celui que nous avons donné à ces paroles, ce dont nous ne faurions convenir, on eft obligé de reconnoitre du moins qu'elles peuvent avoir la fignification que nous leur donnons. Elles font équivoques: je le veux; mais la loi du Deuteronome, que nous avons rapportée, nous autorife à déterminer cette équivoque en notre faveur.

Voici les raifons de ceux, qui combattent l'opinion que nous voulons établir.

*

I. On allégue la conduite, que les Ifraëlites tinrent à l'égard de Rahab. Rahab appartenoit aux fept nations; elle fut admife dans l'alliance des Ifraëlites: donc on pouvoit y admettre fans crime des perfonnes qui appartenoient à ces nations-là. 16 Les Juifs prétendent que c'étoit en leur préfcrivant trois conditions, 1. Qu'elles obferveroient les fept préceptes de C'eft Noé. 2. Qu'elles feroient tributaires. 3. Qu'el ainfi que les feroient foûmifes à tout Ifraël, en forte nides ex- qu'elles ne leveroient pas la tête, & que fous plique la quel prétexte que ce pût être elles ne s'ingéretroifié- roient dans aucun des emplois, dont on vou dition, à droit les éloigner. Mais l'exemple de Rahab laquelle ne prouve rien. Rahab étoit dans un cas parquelques ticulier. Il étoit jufte que celle, dont les con uns atta-feils & les fervices avoient en quelque maniére ne autre ouvert aux Ifraëlites la porte de la Terre promife, fut affranchie de la rigueur qu'ils devoient exercer envers fes habitans D'ailleurs la loi d'exterminer les fept nations ne devoit s'exé xx. 13. cuter, que lorfque Dieu auroit livré leurs villes aux Ifraelites: & le Traité avec Rahab fut con

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16 Voi. Sepher Siphre fol. 187. voi. SELDEN. de F. N. & G. lib. VI. cap. 14. 779,

clu lorfque ce Peuple étoit encore au delà du Jourdain.

2. On allégue ces paroles du Livre de Jofué: Il n'y eut aucune ville qui fit la paix avec les Enfans Jofué xL Ifraël, excepté les Héviens qui habitoient à Gabaon. 19. 20, Cela venoit de l'Eternel, qui permettoit qu'ils endurciffent leur cœur pour fortir en bataille contre Ifraël, afin qu'il les détruifit à la façon de l'interdit, fans qu'il leur fit aucune grace, mais qu'il les exterminat de la manière que Dieu Pavoit ordonné par le ministère de Moyfe. Comme nous nous ferions un fcrupule de déguifer la force des argumens que nous combattons, nous reconnoiffons ingenument que celui, qu'on tire de ce paffage, paroit triomphant contre l'opinion que nous voulons établir. Il n'a pourtant pas la même force que celui du Deuteronome, que nous avons allégué contre l'opinion contraire. Ces paroles de Jofué font fufceptibles de cette paraphrafe: Les Ifraëlites étant toûjours portez à violer les ordres de Dieu, auroient été tentez d'épargner quelques-unes des nations qu'ils avoient ordre d'exterminer, fi elles étoient venues leur demander grace: mais Dieu pour prévenir ce crime ne voulut pas même les expofer à la tentation de le commettre: il permit que toutes ces nations fe roidiffent contre les efforts des Ifraëlites, & fe miffent en état de les combattre.

3. On allégue la raifon même dont la loi fait mention, & qui étoit une des principales causes de la rigueur, avec laquelle Dieu vouloit que les fept nations fuffent traitées : c'eft de peur qu'elles n'introduififfent un culte idolatre parmi les Ifraëlites : or cette raison, ajoûte-t-on, ne fubfiftoit plus, dès que les peuples, avec lesquels en fefoit la paix, devenoient Profelytes. Nous

r Rois

IX. 20.

pondons, qu'il étoit à craindre que les Cana néens, pour fe dérober à un péril éminent, net feigniffent d'adopter fincérement le culte du vrai Dieu, tandis qu'ils conferveroient un dévouement intérieur pour l'idolatrie. Il étoit à craindre que quand ils feroient parvenus à leur but, ils ne fe prévaluffent du foible que les Juifs eurent toûjours pour les Idoles. Il falloit aller à la fource du mal,& en extirper la racine. Il n'y avoit point d'autre voie pour y parvenir, que d'exterminer des nations, dont le com merce eut été fi dangéreux.

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4. On allégue ce qui eft rapporté dans le Chap. IX. du premier Livre des Rois: que Salomon rendit tributaires les peuples qui étoient reftez des Amorrhéens des Hétbiens, des Phéréfiens, des Héviens, des Fébuliens, favoir ceux que les Enfans d'Ifraël ne pûrent détruire à la façon de Pinterdit. Mais fi Salomon ne fit que les ren dre tributaires, ne pécha-t-il point contre la loi, qui ordonnoit de l'aveu même de ceux que nous combattons, d'exterminer entiérement tous ceux des fept nations qui ne renonceroient pas à l'idolatrie? Y a-t-il aucune trace dans l'Hiftoire, par où il paroiffe que ceux, avec lesquels Salomon fit ce Traité, euffent renoncé au culte des faux Dieux, pour adorer le Dieu du Ciel & de la Terre? Et fi Salomon pécha dans cette conduite, fon exemple peutil fervir de Commentaire à une loi qu'il auroit violée? 7 Mr. le Clerc, & 18 Mr. Barbeirac font une réponse encore plus folide, ce me

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17 Mr. le Clerc fur Deuter VII. z. pag. 508.

18 Voi, la note de Mr. BAR BEYRACfur PUFFEN

femble, à l'objection prife de ce paffage des Rois: c'eft que la loi, qui ordonnoit d'exterminer les fept nations, ne s'étendoit pas à leur derniére poftérité: il fuffit de fuppofer qu'elle avoit lieu uniquement par rapport à celles, dont Dieu rendit les Ifraëlites victorieux du temps de fofué, ou peu de temps après, jufqu'à ce qu'ils fuffent bien établis, & en poffeffion d'une auffi grande étendue de païs qu'il leur en falloit.

5. Enfin on allégue, que fi Dieu avoit ordonné de détruire les fept nations, même quand elles demanderoient la paix, & quand elles s'engageroient à recevoir la Religion des Ifraëlites, Jofué n'étoit point obligé de tenir le ferment qu'il avoit fait aux Gabaonites: puis que tenir un ferment, qu'on a fait contre une loi divine, c'eft ajoûter un crime à un autre crime. Nous reconnoiffons avec le plus grand nombre des Cafuiftes de tous les temps & de tous les lieux, que le ferment de faire une chofe illicite n'obli ge point celui qui l'a fait, & qu'un des moyens les plus indifpenfables pour obtenir le pardon d'avoir prêté un pareil ferment, c'eft de le violer. Et nous foufcrivons à ces paroles de 19 Philon: Qu'on fache, dit-il, que celui qui fait une action injufte, parce qu'il la jurée, bien loin de garder en cela la foi du ferment, la renverse entiérement. Un ferment ne doit jamais le faire qu'avec une grande circonfpection. On commet donc faute fur faute, quand on ajoûte une action illégitime à un ferment fait inconfidérément. Que celui, qui a fait un ferment de ce genre, témoigne à Dieu au

Con

DORF du droit de la N. des G. tom. I. lib. IV. chap. 2. fect. 7. pag. 420.

19 PHILO de fpecialibus legibus pag. 771. Tom. III.

H

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