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poésie, encore active, manque d'inspiration. Cette période, à laquelle on donne le nom de gréco-romaine, ne produit que des compositions frivoles et de courte haleine, ou bien elle versifie la science dans de longs traités didactiques où l'on ne reconnaît plus que l'appareil extérieur de la poésie; elle se termine à l'avénement de Constantin le Grand, et ne peut guère citer avec honneur que les noms d'Oppien et de Babrius encore ce dernier lui est-il disputé.

La sixième époque ou époque byzantine (3061453 de J. C.), est moins stérile que la précédente. Byzance ou Constantinople étant devenue, au préjudice de Rome, la capitale du monde, le fantôme qui survivait à la poésie s'y transporta. Le Bas-Empire n'avait, pour inspirer ce qu'il appelait encore les muses par tradition, ni la liberté qui ennoblit les âmes, ni la gloire qui ne compense pas la liberté et qui la fait oublier. Les versificateurs de ce temps se contentèrent, en général, de flatter les grands par de petites pièces qui ne demandaient pas la gloire pour salaire. Toutefois, sous l'influence de la religion chrétienne et de la philosophie platonicienne, la poésie produisit alors quelques chants inspirés. Il y eut, en outre, d'estimables tentatives pour remettre en honneur, par de nouvelles épopées, les traditions des temps héroïques. Saint Grégoire de Nazianze inaugure avec éclat la poésie chrétienne, pendant que Musée, Quintus de Smyrne et Coluthus réveillent la muse affaiblie du vieil Homère. La prise de Constantinople par Mahomet II, en détruisant l'empire d'Orient, termine cette sixième et dernière période.

Dans les deux premières de ces époques, l'inspiration naturelle du génie caractérise la poésie; la troisième marque l'alliance intime et harmonieuse de l'art et de la nature; l'art domine dans la quatrième, et fait place au métier dans les époques sui

vantes. La poésie, exclusivement lyrique et religieuse dans le premier âge, devient ensuite épique et héroïque; elle est surtout dramatique dans la période suivante; elle a brillé dans la pastorale à la cour des Ptolémées ; et pendant la décadence de l'empire et du Bas-Empire, elle serait presque exclusivement adulatrice et didactique, si, à l'époque byzantine, l'imitation des poëmes d'Homère et l'influence du christianisme ne lui avaient rendu quelque dignité '.

Première époque. — Époque mythique.

Les premiers poëtes de la Grèce réunissent le triple caractère de chantres, de prêtres et de prophètes. La religion est leur muse, et c'est par elle qu'ils triomphent de la barbarie. La lyre et la harpe accompagnaient leurs chants, et avec eux la musique ne se sépare pas de la poésie.

Cette poésie primitive se développe au nord de la Grèce, habitée par les Pélasges, race antique que quelques historiens considèrent comme autochthone dans la Thrace, la Thessalie et la Béotie, dont tous les lieux sont consacrés par des souvenirs religieux.

Les plus célèbres de ces poëtes législateurs, musiciens et prophètes sont LINUS, OLEN, ORPHÉE et MUSÉE. Leur histoire est mythologique, et les vers qu'on leur attribue sont apocryphes. Nous n'essayerons pas de dissiper les ténèbres artificielles que l'érudition a ajoutées à l'obscurité qui enveloppe naturellement les traditions des temps éloignés. Tout ceci est matière à discussion; car, après avoir tenté de déterminer, par exemple, combien il a existé de Linus et d'Orphées, la science demande

1. Notre savant collègue, M. Alexis Pierron, a composé sur l'ensemble de la littérature grecque un livre plein d'intérêt.

encore s'il y a eu un Linus et un Orphée. Ceci posé, on voit qu'il faut désespérer, au moins pour cette époque, de fixer la date de la naissance et de la mort des poëtes et d'arrêter la liste de leurs ouvrages. On devra donc se contenter des détails suivants.

Un des LINUS mentionnés par l'antiquité était fils d'Apollon et de Calliope: on raconte qu'il fut tué par Hercule, auquel il enseignait sans fruit la musique, et sa mort tragique était l'objet d'une fête qui se célébrait à Thèbes. Stobée cite sous son nom douze vers qui développent la maxime des panthéistes « Toutes choses viennent du Tout, le Tout se forme de toutes choses'. » Le même auteur rapporte encore à ce poëte deux vers sur la toutepuissance divine.

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OLEN est un poëte du Nord qui transporta d'abord en Lycie, puis à Délos, une colonie sacerdotale, et qui institua le culte d'Apollon et de Diane, nés selon lui dans les contrées hyperboréennes. Ses odes étaient non-seulement chantées, mais représentées, c'est-à-dire accompagnées d'une liturgie dramatique. Olen est connu par le témoignage de l'historien Pausanias.

La naissance d'ORPHÉE remonte au quatorzième siècle avant notre ère. On connaît la catastrophe qui termina sa vie. L'existence d'Orphée est attestée par les institutions qui lui survécurent, par ces mystères et ces initiations qui, destinés à garantir la pureté de ses doctrines, dégénérèrent plus tard en superstitions et en jongleries. Orphée abolit les sacrifices humains et institua une expiation pour mettre fin à ces vengeances de famille qui se perpétuaient de génération en génération 2. Il fit partie de l'expédition des Argonautes.

1. Εκ Παντὸς δὲ τὰ πάντα, καὶ ἐκ παντῶν Πᾶν ἐστι. 2. Schoell, Histoire de la littérature grecque.

L'antiquité nous a transmis, sous le nom d'Orphée: 1° des hymnes d'initiation, au nombre de quatre-vingt-huit, en vers hexamètres, qui ont été, sinon composés, au moins rajeunis par Onomacrite, contemporain de Pisistrate ces hymnes avaient pour objet la théologie symbolique enseignée dans les mystères; 2o un poëme en 1384 vers sur l'expédition des Argonautes : c'est un essai d'épopée; 3° un poëme didactique sur les propriétés médicinales de certaines pierres : 768 vers; 4o des fragments sur différents sujets d'histoire naturelle, et, entre autres, sur les tremblements de terre considérés comme signes précurseurs de certains événements; 5o dix vers qui appartiennent à un poëme astrologique du quatrième siècle de notre ère, et que Jean Tzetzès, poëte grammairien, rapporte aux Géorgiques d'Orphée.

La plupart de ces poëmes parurent authentiques jusqu'au dix-septième siècle, où le savant évêque d'Avranches, Huet, soupçonna quelque imposture. Ce soupçon a soulevé, parmi les savants de l'Allemagne et de la Hollande, une polémique féconde en volumes, dont le résultat dépouille Orphée de la longue possession de ces ouvrages.

MUSÉE, contemporain d'Orphée, un peu plus âgé que lui et cependant son disciple, était membre de l'antique famille sacerdotale des Eumolpides', et par conséquent originaire de la Thrace. Né dans l'Attique, soit à Athènes, soit à Éleusis, il hérita de la lyre d'Orphée, et il continua dans la Grèce le rôle de civilisateur que celui-ci avait rempli en Thrace. On a conservé le titre de plusieurs de ses ouvrages2. M. Schoell, dans sa savante histoire,

1. Le premier Eumolpe, né en Thrace, institua les grands mystères d'Eleusis; Eumolpe le jeune, fils de Musée, établit les petits mystères.

2. Le petit poëme d'Héro et Léandre, qui nous est parvenu,

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cite 1o un recueil d'oracles; 2° des hymnes d'initiation; 3° des Charmes contre les maladies; 4° une Sphère, poëme astrologique; 5° une Théogonie; 6o une Guerre des Titans; 7° des préceptes de morale adressés à son fils Eumolpe; 8° un poëme intitulé Crater, titre qui n'en indique pas même le sujet; 9° deux hymnes, l'un à Cérès, l'autre en l'honneur de Bacchus, etc.

Le titre des ouvrages et les fragments qui nous sont parvenus de cette époque attestent le caractère religieux de toutes ces compositions, dont l'inspiration est lyrique, le fond moral, historique ou didactique. Il est facile d'entrevoir, à cet état d'enveloppement, le germe des différents genres qui se développeront plus tard isolément.

Deuxième époque. — Époque héroïque ou homérique.

(1270-594 av. J. C.]

La seconde époque ou l'époque héroïque de la poésie grecque s'étend depuis le siége de Troie jusqu'à Solon, et présente différents genres cultivés par des poëtes éminents. L'épopée et le genre didactique y atteignent la perfection; le genre lyrique produit aussi des chefs-d'œuvre.

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Genre épique. Le prince des poëtes, HOMÈRE, été le sujet de bien des controverses. Sa vie, telle qu'on la raconte, est une légende fabuleuse. Sept villes se disputaient l'honneur de lui avoir donné le jour. A-t-il composé seul les poëmes qui portent son nom? Ces poëmes ont-ils été écrits primitivement ou transmis par la mémoire de génération en génération? Homère a-t-il existé, ou n'est-il que

est l'ouvrage d'un autre Musée, grammairien, qui vivait vers le quatorzième siècle de notre ère.

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