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l'éloquence religieuse longtemps négligés, et dont l'étude avait fortifié et nourri le génie de Bossuet, M. Villemain a tout vu dans cette époque qu'il a si bien comprise, et il a nettement indiqué les points qu'il ne lui convenait pas d'étendre. Une histoire complète développerait ce qu'il a resserré, et celui qui analyse ne peut que résumer et choisir, les yeux fixés sur le modèle.

La vie de saint ATHANASE est un long combat contre l'hérésie d'Arius et les empereurs fauteurs de l'arianisme ou restaurateurs du paganisme, combat mêlé de succès et de revers, couronné par une dernière victoire. Né à Alexandrie, vers l'an 296, d'une famille distinguée, saint Athanase se fit remarquer au concile de Nicée par le zèle de son orthodoxie et par son éloquence. Élevé à la dignité d'évêque d'Alexandrie, il fut l'âme de l'Église d'Égypte intrépide dans sa foi, ardent à l'accomplissement de ses devoirs, il devint l'idole des catholiques; déposé et rappelé tour à tour par plusieurs conciles, favorisé ou persécuté par les empereurs Constantin, Constance, Jovien, Julien et Valens, ses exils étaient des deuils publics, ses retours des triomphes. Il mourut enfin paisible et glorieux, sur son siége épiscopal, le 2 mai 373. Il avait été évêque pendant quarante-six ans. L'éloquence d'Athanase se distingue plutôt par la vigueur que par l'éclat, par le mouvement logique que par le pathétique. Son inflexible orthodoxie ne recherche pas les ornements, mais elle arrive à une simplicité lumineuse et forte qui instruit et qui entraîne. Ses principaux ouvrages sont dirigés contre l'arianisme; ses discours ou traités dogmatiques offrent aussi de grandes beautés qui ont quelquefois inspiré Bossuet.

Saint GRÉGOIRE de Nazianze, que nous avons déjà rencontré parmi les poëtes, se plaça aussi au

premier rang des orateurs. Grégoire, fils de saint Grégoire, évêque de Nazianze, en Cappadoce, naquit à Azianze, bourg voisin de la ville, en 328. Il étudia les lettres et la philosophie dans les villes de Césarée, d'Alexandrie et d'Athènes; c'est dans cette dernière ville qu'il se lia d'amitié avec son condisciple Basile, dont il fit plus tard l'oraison funèbre. Nommé évêque de Constantinople, il résigna cette dignité qu'on lui disputait, se retira à Nazianze, dont il gouverna l'Église pendant quelques années, et finit ses jours (389) dans une paisible retraite que remplissaient les exercices de la piété et la culture de la poésie. Ame tendre et contemplative, ce fut par dévouement qu'il accepta les fonctions laborieuses de l'épiscopat; il les remplit avec zèle, il les quitta sans regret. Les monuments de ses prédications sont nombreux, et présentent des modèles aux orateurs chrétiens. L'onction habituelle de ses paroles n'exclut pas l'énergie, et dans ses discours contre Julien l'Apostat, il a atteint la véhémence des Catilinaires et des Philippiques.

Saint BASILE, né à Césarée en 329, mort en 379, condisciple et ami de Grégoire, fut le successeur d'Eusèbe au siége de Césarée, qu'il occupa pendant vingt ans. « Sa vie, dit M. Villemain, n'offre pas ces vicissitudes aventureuses qui attachent à l'histoire d'Athanase ou de Jérôme, mais elle impose par le spectacle d'une vertu constante et d'un beau génie. Saint Basile fut le véritable évêque de l'Évangile, le père du peuple, l'ami des malheureux, inflexible dans sa foi, mais infatigable dans sa charité. Pauvre lui-même de cette pauvreté qui devenait rare dans l'Eglise chrétienne, il n'avait qu'une seule tunique et ne vivait que de pain et de grossiers légumes; mais il employait des trésors à embellir Césarée. »

Citons encore : « Saint Basile et Grégoire de Na

zianze sont les premiers modèles de cette docte et pieuse éloquence consacrée à l'enseignement régulier du peuple. Dans leur bouche, la religion n'a plus cette ardeur où se consumait le zèle d'Athanase; elle n'est plus le glaive qui coupe et qui divise, mais le lien qui rapproche et unit doucement les âmes. Moins occupée du dogme, elle s'applique surtout à la réforme des mœurs et à la consolation des affligés : souvent c'est le langage simple et tout moral des chaires protestantes, mais animé de cette grâce orientale et de ce jeune enthousiasme dont brillait le christianisme à sa naissance. >>

Le chef d'œuvre de saint Basile est l'Hexameron, ou ouvrage de six jours, qui contient neuf homélies dans lesquelles l'orateur chrétien célèbre et explique les merveilles de la création. Ses œuvres se composent d'homélies dogmatiques et morales, de panégyriques, d'écrits polémiques, de traités ascétiques et de lettres, véritable trésor pour l'histoire et la morale.

Saint GRÉGOIRE de Nysse, frère puîné de Basile, courut la même carrière avec un éclat presque égal. Les mêmes études développèrent son génie; et, après avoir enseigné la rhétorique et pratiqué le barreau, il entra dans les ordres et devint, en 372, évêque de Nysse, siége qu'il occupa jusqu'à sa mort, en 396. Né vers 331, il mourut âgé de soixante-cinq ans environ. La pureté, la force et la magnificence de son style le placent à un rang élevé parmi les orateurs chrétiens.

Le plus célèbre des Pères grecs, saint JEAN CHRYSOSTOME, n'a de rival dans l'éloquence chrétienne que saint Basile, qu'il surpasse au moins par sa fécondité. Chrysostome, né à Antioche vers l'an 344, fut formé à l'éloquence par Libanius, dont il conserva toujours l'amitié. Il passa par le barreau avant d'aborder la chaire chrétienne, dont il fut

l'oracle. Pendant la révolte de sa ville natale, il déploya son éloquence pour apaiser les passions du peuple, consoler ses misères et calmer les ressentiments de Théodose. Appelé plus tard au siége de Constantinople, il y montra le même zèle et la même puissance oratoire; mais les intrigues d'une cour corrompue parvinrent à le déposséder, et ce glorieux apôtre de la foi chrétienne mourut dans l'exil, abreuvé d'outrages. Cette vie de dévouement et d'éloquence, terminée par le martyre, est une des plus belles pages de l'histoire du christianisme, comme les discours de l'orateur sont les plus magnifiques monuments du génie chrétien. On a souvent comparé Chrysostome à Cicéron, et l'orateur romain n'a pas à se plaindre de la comparaison. La connaissance approfondie des œuvres de Chrysostome peut suffire à former un théologien consommé et un excellent orateur; c'est par l'étude assidue des Basile et des Chrysostome que l'éloquence chrétienne peut refleurir et produire de nouveaux miracles'.

Après ces maîtres de la parole chrétienne, dans un rang inférieur, mais élevé encore, il convient de nommer SYNÉSIUS, que nous avons déjà cité comme poëte; saint ASTÈRE, archevêque d'Amasie, dont nous possédons six homélies pleines de mouvement et d'éclat; THÉODORET, évêque de Cyr, en Asie; saint NIL, ami de saint Chrysostome.

1. Les œuvres de saint Jean Chrysostome forment treize volumes, divisés en vingt-six tomes, dans la belle édition que MM. Gaume ont publiée.

III.

Historiens, moralistes, écrivains divers.

Les premiers historiens de la Grèce furent les poëtes épiques et cycliques, qui embellissaient dans leurs récits les traditions des âges précédents. Ils eurent pour successeurs les logographes, qui commencèrent à recueillir en prose les faits contemporains, préparant ainsi, par leurs travaux, la naissance de la véritable histoire, qui raconte et qui apprécie les événements.

Parmi les logographes, il faut nommer HÉCATÉE de Milet et HELLANICUS de Lesbos, dont on a conservé quelques fragments. Hérodote, au début de son Histoire, mentionne Hécatée, et, quoiqu'il le combatte à plusieurs reprises, cette mention exclusive est, pour le chroniqueur, un signe d'estime et un titre d'honneur. Hécatée avait composé deux ouvrages importants, une Périégèse, où tour du monde, travail exclusivement géographique, et, sous le titre de Généalogies, la suite des faits héroïques et historiques.

Réunissant ce qu'Hécatée de Milet avait séparé, renfermant dans un cadre unique la géographie, la chronologie et le tableau des événements dont il indique les causes et dont il montre les acteurs, HÉRODOTE1 a été proclamé à juste titre le père de l'histoire. Ce grand homme, témoin de la lutte qui mit aux prises l'Orient et l'Occident, formé par de longs voyages en Asie, en Egypte, en Grèce et en Italie, passa la première moitié de sa vie à recueillir les matériaux de son Histoire, et la seconde à

1. Né à Halicarnasse, en Carie, 484 avant J. C.; mort, selon Suidas, à Thurium, en Italie.

II. Littérature.

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