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nir toute fa gloire, qui doivent l'engager à en démontrer la fauffeté aux yeux de toute la Gréce par des preuves non fufpectes, en laiffant & maintenant chaque ville dans la poffeffion de fes loix & de fa liberté, en écartant avec foin tout foupçon de partialité, en n'époufant point les intérêts d'un peuple contre un autre, en s'attirant la confiance de tous par un noble défintéreffement & par un amour inaltérable de la juftice; enfin en n'ambitionnant que la qualité de Pacificateur de la Gréce, titre infiniment plus glorieux que celui de Vainqueur & de Conquérant.

C'est dans les Etats du Roi de Perfe qu'il doit aller chercher & mériter ces derniers titres. La conquête lui en eft ouverte & affurée, s'il vient à bout de pacifier la Gréce. Il doit fe fouvenir qu'Agéfilas, avec les feules troupes de Sparte, fit trembler le trône Perfan & l'auroit certainement renversé, fans les divifions domestiques de la Gréce qui l'y rappellérent. La victoire fignalée des Dixmille fous Cléarque, & leur retraite triomphante à la vue d'une armée innombrab'e, marquent ce qu'on doit D 3

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attendre des Macédoniens & des Grecs réunis enfemble, & commandés par Philippe, contre un Prince inférieur en tout à celui que Cyrus alloit attaquer.

Ifocrate finit, en témoignant qu'il paroit que les Dieux n'ont accordé jufqu'ici à Philippe tant d'heureux fuccès, que pour le mettre en état de former & d'exécuter la glorieufe entreprise dont il lui trace le plan. It réduit fes avis à trois points: gouvèrner fon propre empire avec fageffe & juftice, pacifier les peuples voifins & la Gréce entiére fans y rien prétendre pour foi, porter enfuite fes armes victorieufes dans un pays ennemi de tout tems des Grecs, & qui avoit fouvent juré leur perte. Il faut l'avouer voilà un plan bien magnifique, & bien digne d'un grand Prince. Mais Ifocrate connoiffoit mal Philippe s'il l'en croioit capable. Il n'avoit ni l'équité, ni la modération, ni le défintéreffement que demandoit un tel projet. Il fongeoit réellement à paffer dans la Perfe, & fentoit bien qu'auparavant il faloit s'affurer de la Gréce. Mais c'étoit par la force, & non par des bienfaits, qu'il vouloit s'en

affurer.

affurer. Il ne fongeoit point à gagner les peuples ni à les perfuader, mais à les abattre & à les domter. Comme de fon côté il ne faifoit aucun cas des alliances & det traités, il mefuroit les autres fur lui-même, & vouloit les retenir par des liens plus forts que ceux de l'amitié, de la reconnoiffance & de la bonne foi.

Démofthéne, qui étoit plus au fait des affaires qu'Ifocrate, jugeoit plus fainement auffi des difpofitions de Philippe. A fon retour de l'ambaffade, il déclare nettement qu'il n'approuve ni les difcours ni la conduite du Roi de Macédoine, & qu'on a tout à craindre de fa part. Efchine au contraire, qui étoit entiérement gagné, aflure qu'il n'a remarqué dans les promeffes & dans le procédé de ce Prince que candeur & bonne foi. Il avoit promis que l'on repeupleroit Thefpies & Platée malgré l'oppofition des Thébains; qu'en cas qu'il parvint à fubjuguer les Phocéens, il les conferveroit, & ne leur feroit aucun mauvais traitement; qu'il rétabliroit l'ordre dans Thébes; qu'Orope demeureroit en propre aux Athéniens; & que pour équivalent d'Amphipolis, on leur livreroit

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AN. M. 3658. Av. J.C.

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Diod. lib.

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vreroit l'Eubée. Démofthéne eut beau représenter que Philippe, malgré toutes fes belles promeflès, cherchoit à fe rendre maître abfolu de la Phocide, & que de la lui abandonner, c'étoit trahir l'Etat, & lui livrer la Gréce entiere: il ne fut point écouté, & le difcours d'Efchine qui répondoit de la bonne volonté de Philippe, prévalut.

Toutes ces déliberations donnérent le tems à ce Prince de s'emparer des Thermopyles, & d'entrer dans la Phocide. Jufques-là on n'avoit pu réduire les Phocéens à la raifon. Philippe n'eut qu'à fe montrer: la terreur de fon nom jetta par tout l'épouvante. Suppofant qu'il marchoit contre des facriléges, & non contre des ennemis ordinaires, il fit prendre à tous fes foldats des couronnes de laurier, & les mena au combat comme fous la conduite du Dieu même dont ils vengeoient l'honneur. A cet afpect, les Phocéens fe crurent vaincus. Ils demandent la paix, & fe livrent à la merci de Philippe, qui permet à Phalécus leur chef de fe retirer dans le Peloponnése, avec les huit mille hommes qu'il avoit pris à fa

folde

folde. Ainfi Philippe, fans qu'il lui en coutât beaucoup de peine, remporta tout l'honneur d'une longue & fanglante guerre, qui avoit épuifé les forces des deux partis. a Cette victoire lui fit un honneur incroiable dans toute la Gréce. Il n'y étoit parlé que de cette glorieuse expédition. On le regardoit comme le vengeur du facrilége & le protecteur de la religion; & l'on mettoit prefque au nombre des dieux, celui qui en avoit défendu la ma jesté avec tant de courage & de fuccès. Philippe, pour ne paroitre rien faire de fon autorité privée dans une affaire qui concernoit toute la Gréce, affemble le Confeil des Amphictyons, & les établit, pour la forme, fouverains Juges de la peine encourue par les Phocéens. Sous le nom de ces Juges dévoués à fesvolontés,il ordonne qu'on ruinera les villes de la Phocide; qu'on les redui ra toutes en bourgs de foixante feux, & que les bourgs feront placés à une

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a Incredibile quantum ea res apud omnes nationes Philippo gloriæ dedit. Illum vindicem facrilegii, illum ultorem religionum. Dignum itaque qui diis proximus haberetur, per queme deorum majeftas vindicata fit. Justin

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