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Philoméle de retour léve des foldats & commence par attaquer le Temple de Delphes, dont il n'eut pas de peine à fe rendre maître, les ha. bitans du pays ayant fait une foible réfiftance. Les Locriens, peuples voifins de Delphes, firent d'inutiles efforts contre lui, & furent battus en plufieurs rencontres. Philoméle, animé par ces premiers fuccès, augmente de jour en jour ses troupes, & fe met en état de foutenir vigoureufement fon entreprise. Il entre dans le temple, arrache des colonnes le Décret des Amphictyons qui condannoit les Phocéens, fait favoir dans tout le pays qu'il n'a pas deffein de toucher aux richeffes du temple, & qu'il ne fonge qu'à rétablir les Phocéens dans leurs anciens droits & leurs anciens priviléges. Il avoit befoin de fe fortifier de l'autorité du dieu qui préfidoit à Delphes, & d'avoir pour lui une réponse favorable de l'Oracle. La Prêtreffe refufoit de lui prêter fon miniftére; mais intimidée par fes ménaces, elle repond que le dieu lui permet de faire tout ce qu'il voudra: & il ne manqua pas d'en donner avis à tous les peuples voisins.

L'affaire

L'affaire devint fort férieufe. Les Amphictyons s'étant affemblés une feconde fois, il fut réfolu qu'on feroit la guerre aux Phocéens. Prefque tous les peuples de la Grèce entrérent dans cette querelle, & prirent parti pour ou contre. Les Béotiens, les Locriens, les Theffaliens, & plufieurs autres peuples voifins, fe déclarérent pour le Dieu. Sparte, Athénes, & quelques autres villes du Péloponnefe, fe joignirent aux Phocéens. Philoméle, jufques là, n'avoit point encore touché au tréfor du temple: mais, devenu moins fcrupuleux, il crut que les richeffes du Dieu ne pouvoient être mieux emploiées qu'à fa défenfe, car il couvroit de ce beau nom fon entreprise facrilége; & à la faveur de cette nouvelle reffource, aiant doublé la paie des foldats, il affembla un corps de troupes fort confidérable.

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Il fe donna plufieurs combats, & le fuccès balança quelque tems entre les deux partis. On fait combien les guerres de religion font à craindre, & à quels excès un faux zèle, couvert de ce nom refpectable, peut fe porter. Les Thébains, dans une rencontre,

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AN. M.

3651.

353

aiant fait plufieurs prifonniers, les condannérent tous à mort comme fa crileges & excommuniés. Les Phocéens, par droit de repréfailles, en firent autant de leur côté: Ceux-ciavoient remporté d'abord quelques avantages, mais aiant été vaincus dans un grand combat, Philoméle leur Chef' fe voiant pouffé fur une hauteur d'où il n'y avoit point d'iffue, après s'être long-tems défendu avec un courage invincible, il fe précipita la tête en bas du haut d'un rocher, pour éviter les tourmens aufquels il avoit fujet de s'attendre s'il étoit tombé vif entre les mains des ennemis. Onomarque fon frere lui fuccéda, & prit le comman dement des troupes.

Ce nouveau Chef eut bientôt mis Av. J. C. fur pié une nouvelle armée, la folde avantageufe qu'il propofoit lut atti rant de tous côtés des foldats. Il gagna auffi à force d'argent plufieurs des Chefs qui étoient dans l'autre parti, & les obligea ou à fe retirer, ou à agir mollement. Par ce moien il remporta plufieurs avantages.

Dans ce mouvement général de la Grèce, armée en faveur des Phocéens eu des Thédains, Philippe avoit cru

devoir demeurer neutre. Il étoit de la politique de ce Prince ambitieux, d'ailleurs peu touché de la religion & des intérêts d'Apollon, mais toujours attentif aux fiens, de ne prendre aucune part à une guerre où il n'y avoit rien à gagner pour lui, & de profiter d'une Occafion où toute la Grèce occupée d'une groffe guerre, & devenue diftraite fus fes démarches, lui laiffoit une entiére liberté d'étendre fes frontiéres, & de pouffer fes conquêtes fans crainte d'oppofition. Il étoit bien aife auffi de voir les deux partis s'affoiblir, & fe confumer, pour tomber enfuite fur eux avec plus de facilité & d'avantage.

3651. Av.

Voulant s'affujettir la Thrace, & AN. M. affurer les conquêtes qu'il y avoit déja J. C. 353faites, il fongea à fe rendre maître de Diod. Méthone, petite ville incapable de fe 454. foutenir par elle-même, mais qui l'inquiétoit, & mettoit obftacle à fes def feins, quand elle fe trouvoit entre les mains des ennemis. Il en forma le fiége, la prit, & la rafa. C'est devant cet- Suidas in te ville qu'il perdit un oeil par une avanture fort finguliére. After d'Amphipolis s'étoit offert à lui fur le pié d'un excellent tireur qui ne manquoit

pas

Καρούν.

Plin. l. 7. gap. 37.

Phaler. de

pas les oifeaux lors même qu'ils voloient le plus vite. Philippe lui répondit: Eh bien, je vous prendrai à mon Service, lorsque je ferai la guerre aux étourneaux. La raillerie piqua au vif l'Arbalétrier. Souvent un bon mot coute bien cher, & ce n'eft pas un petit mérite que de favoir contenir fa langue. After s'étant jetté dans la place, tira contre lui une fléche, où il avoir écrit, Al'œil droit de Philippe, & lui prouva cruellement qu'il favoit bien tirer: car en effet il lui creva l'œil droit. Philippe lui renvoia la même fléche avec cette infcription: Philippe fera pendre After s'il prend la ville: & il tint fa parole.

Un habile Chirurgien tira la fléche de l'œil de Philippe avec tant d'adreffe & de délicateffe, qu'il ne resta aucune trace de la plaie, & ne pouvant lui fauver l'oeil, du moins il lui Demetr. fauva la difformité. Ce Prince néanclocut... moins depuis eut toûjours la foibleffe de fe fâcher toutes les fois qu'il échapoit à quelqu'un de prononcer devant lui le mot de Cyclope, ou feulement le mot d'œil. On ne rougit pourtant guéres d'un défaut honorable. Une femme Lacédémonienne penfoit plus

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