Page images
PDF
EPUB

Philomele de retour léve des fol

dats & commence par attaquer le Temple de Delphes, dont il n'eut pas de peine à se rendre maître, les ha. bitans du pays ayant fait une foible résistance. Les Locriens, peuples voisins de Delphes, firent d'inutiles efforts contre lui, & furent battus en plusieurs rencontres. Philomele, animé par ces premiers succès, augmente de jour en jour ses troupes, & se inet en état de foutenir vigoureusement fon entreprise. Il entre dans le temple, arrache des colonnes le Décret des Amphictyons qui condannoit les Phocéens, fait savoir dans tout le pays qu'il n'a pas dessein de toucher aux richesses du temple, & qu'il ne fonge qu'à rétablir les Phocéens dans leurs anciens droits & leurs anciens priviléges. Il avoit besoin de se fortifier de l'autorité du dieu qui présidoit à Delphes, & d'avoir pour lui une réponse favorable de l'Oracle. La Prêtresse refusoit de lui prêter son ministére; mais intimidée par fes ménaces, elle repond que le dieu lui permet de faire tout ce qu'il voudra: & il ne manqua pas d'en donner avis à tous les peuples voisins.

:

L'affaire

1

[ocr errors]

L'affaire devint fort férieuse. Les AN. M. 3650.

Amphictyons s'étant assemblés une Av. J. C.
seconde fois, il fut résolu qu'on feroit 354-
la guerre aux Phocéens. Presque tous
les peuples de la Grèce entrérent dans
cette querelle, & prirent parti pour
ou contre. Les Béotiens, les Locriens,
les Theffaliens, & plusieurs autres
peuples voisins, se déclarérent pour
le Dieu. Sparte, Athenes, & quel-
ques autres villes du Péloponnese,
se joignirent aux Phocéens. Philomé-
le, jusques là, n'avoit point encore
touché au trésor du temple: mais,
devenu moins fcrupuleux, il crut que
les richesses du Dieu ne pouvoient
être mieux emploiées qu'à sa défense,
car il couvroit de ce beau nom fon
entreprise sacrilége; & à la faveur
de cette nouvelle ressource, aiant
doublé la paie des foldats, il affem-
bla un corps de troupes fort confi-
dérable.

Il se donna plusieurs combats, &
le succès balança quelque tems entre :
les deux partis. On fait combien les
guerres de religion sont à craindre,
& à quels excès un faux zèle, couvert
de ce nom respectable, peut se porter.
Les Thébains, dans une rencontre,

ΑΝ. Μ.

3651.

353

aiant fait plusieurs prifonniers, les condannérent tous à mort comme fa crileges & excommuniés. Les Phocéens, par droit de repréfailles, en firent autant de leur côté: Ceux-ci avoient remporté d'abord quelques avantages, mais aiant été vaincus dans un grand combat, Philomele leur Chef se voiant pouffé sur une hauteur d'où il n'y avoit point d'issue, après s'être long-tems défendu avec un courage invincible, il se précipita la tête en bas du haut d'un rocher, pour éviter les tourmens ausquels il avoit sujet de s'attendre s'il étoit tombé vif entre les mains des ennemis. Onomarque son frere lui succéda, & prit le comman dement des troupes.

Ce nouveau Chef eut bientôt mis Av. J. C. fur pié une nouvelle armée, la folde avantageuse qu'il propofoit lut atti rant de tous côtés des soldats. Il gagna aussi à force d'argent plusieurs des Chefs qui étoient dans l'autre parti, & les obligea ou à se retirer, ou à agir _mollement. Par ce moien il remporta plusieurs avantages.

Dans ce mouvement général de la Grèce, armée en faveur des Phocéens ou des Thédains, Philippe avoit cru devoir demeurer neutre. Il étoit de la politique de ce Prince ambitieux, d'ailleurs peu touché de la religion & des intérêts d'Apollon, mais toujours attentif aux siens, de ne prendre aucune part à une guerre où il n'y avoit rien à gagner pour lui, & de profiter d'une occasion où toute la Grèce occupée d'une groffe guerre, & devenue diftraite sus ses démarches, lui laissoit une entiére liberté d'étendre ses frontiéres, & de pousser ses conquêtes sans crainte d'opposition. Il étoit bien aife aussi de voir les deux partis s'affoiblir, & se consumer, pour tomber ensuite fur eux avec plus de facilité & d'avantage.

Voulant s'assujettir la Thrace, & ΑΝ. Μ. affurer les conquêtes qu'il y avoit déja j J. C. 353. faites, il songea à se rendre maître de Diod. p. Méthone, petite ville incapable de se 454. foutenir par elle-même, mais qui l'inquiétoit, & mettoit obstacle à ses defseins, quand elle se trouvoit entre les mains des ennemis. Il en forma le siége, la prit, & la rasa. C'est devant cette ville qu'il perdit un œil par une avanture fort finguliére. After d'Amphipolis s'étoit offert à lui sur le pié d'un excellent tireur qui ne manquoit pas

Suidas in

Καραν.

Plin. 1. 7. μαρ. τ7.

Phaler. de

pas les oiseaux lors même qu'ils voloient le plus vite. Philippe lui répondit: Eh bien, je vous prendrai à mon Service, lorsque je ferai la guerre aux étourneaux. La raillerie piqua au vif l'Arbalétrier. Souvent un bon mot coute bien cher, & ce n'est pas un petit mérite que de savoir contenir sa langue. After s'étant jetté dans la place, tira contre lui une fléche, où il avoir écrit, Al'œil droit de Philippe, & lui prouva cruellement qu'il favoit bien tirer: car en effet il lui creva l'œil droit. Philippe lui renvoia la même fléche avec cette inscription: Philippe fera pendre After s'il prend la ville: & il tint sa parole.

Un habile Chirurgien tira la fléche de l'œil de Philippe avec tant d'adresse & de délicateffe, qu'il ne resta aucune trace de la plaie, & ne pouvant lui fauver l'œil, du moins il lui Demetr. sauva la difformité. Ce Prince néanclocut. e.r. moins depuis eut toûjours la foiblesse de se fâcher toutes les fois qu'il échapoit à quelqu'un de prononcer devant lui le mot de Cyclope, ou feulement le mot d'œil. On ne rougit pourtant guéres d'un défaut honorable. Une femme Lacédémonienne pensoit plus

« PreviousContinue »