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doient, formant par là une efpéce de toit, qui fans parler de leurs boueliers, les mettoit en fureté contre les traits qu'on leur lançoit de loin, & qui retomboient fur eux fans leur faire aucun mal.

Les foldats placés dans tous les autres rangs qui fuivoient le cinquième, ne pouvoient à la vérité combattre contre l'ennemi, ni l'atteindre de leurs piques mais ils ne laiffoient pas d'être d'un grand fecours dans Paction à ceux qui les précédoient.. Car les foutenant par derriére de tout le poids de leur corps, & appuiant contre le dos, ils ajoutoient une force & une impétuofité extraordinaire à leur irruption contre l'ennemi; ils leurs donnoient une fermeté & uneconfistance immobile pour réfifter à l'attaque ; & en même tems il leur ôtoient tout moien & toute efpérance de fuir en arriére; de forte qu'il faloit néceffairement ou vaincre ou périr.

Auffi Polybe avoue que tant que la. Phalange confervoit fon état & fon arrangement de Phalange, c'est-àdire tant que les foldats & les rangs. demeuroient ferrés comme on l'a dit,

il n'étoit pas poffible, ni de foutenir fon effort, ni de l'enfoncer & de la rompre. Et il le démontre d'une maniére fenfible. Les foldats Romains, dit-il, (car c'eft eux qu'il compare avec les Grecs dans l'endroit dont il s'agit) occupent chacun dans une bataille trois piés, & comme ils ont beaucoup de mouvement à faire, foit pour porter leurs boucliers à droit & à gauche en fe défendant, foit pour fraper d'eftoc & de taille avec leurs épées, on ne peut laiffer entr'eux: moins d'intervalle que trois piés. Ainfi chaque foldat Romain occupe fix piés,, c'eft-à-dire le double d'efpace d'un *Phalangite, & par conféquent en a feul en tête deux du premier rang, & par conféquent auffi dix piques à fou tenir, felon ce qui a été dit ci devant.. Or un feul foldat ne peut ni brifer dix piques, ni les enfoncer.

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C'est ce que Tite Live marque bien Liv. dairement en peu de mots, en dé. 32. 17 crivant comment, dans le fiége d'une ville, les Romains furent repouffés B S

par

**On a remarqué auparavant que le Phalangite n'occupe que trois piés quand il marche contre l'en nemi, & la moitié moins quand il l'attend. Dans ce dernier cas un feul foldat Romain avoit vings plœ. ques à Soutenir,

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par les Macédoniens. a Le Conful, ditil, fit marcher fes cohortes, pour enfonçer, s'il fe pouvoit, la Phalange des Macédoniens. Quand ceux-ci, ferrés l'un contre l'autre, eurent avancé devant eux leurs longues piques, les Romains aiant inutilement lancé leurs javelots contre les Macedoniens, que leurs boucliers extrêmement preffés couvroient comme un toit & comme une tortue; les Romains dis-je, tirérent leurs épées. Mais ils ne pouvoient nien venir de près aux mains, ni couper ou brifer les piques des ennemis : & s'ils venoient à bout d'en couper ou d'en brifer quelqu'une, le bois rompu de la pique tenoit lieu de pointe, & cette haye de piques, dont le front de la phalange étoit armé & hériffé, fubfiftoit toujours.

Paul Emile avoua que dans la bataille

a Cohortes, invicem fub fignis, quæ cuneum Macedonum, (Phalangem ipfi vocant) fi poffent, vi perrumperent, emittebat. Ubi conferti haftas ingentis longitudinis præ fe Macedones objeciffent, velut in conftructam denfitate clypeorum teftudinem, Romani pilis nequicquam emiffis cùm ftrinxiffent gladios; neque congredi propiùs, neque præcidere haftas poterant; & fi quam incidiffent, aut præfregiffent; haftile fragmento ipfo acuto inter fpicula integrarum haftavelut vallum explebat.

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taille contre Perfée dernier Roi de Macédoine, ce rempart d'airain, & cette forêt de piques, impénétrable à fes légions, l'avoient rempli d'étonnement & de crainte. Il ne fe fouvenoit point, difoit-il, d'avoir jamais vû un fpectacle fi capable d'effraier; & depuis ce tems-là il parloit fouvent de l'impreffion que cette terrible vuë fit fur lui, jufqu'à le faire prefque défefperer de la victoire.

Il s'enfuit de tout ce qui vient d'atre dit, que la Phalange Macédonienne étoit invincible: cependant l'hiftorre nous apprend que les Macédoniens avec leur phalange, ont été vaincus & fubjugués par les Romains. Elle étoit invincible, répond Polybe, tant qu'elle demeuroit phalange mais c'eft ce qui arrivoit rarement. Car pour cela, il lui faloit un terrain plat & uni qui eût beaucoup d'étendue, où il ne fe trouvât ni arbre, ni haie, ni coupure, ni foffé, ni vallon, ni hauteur, ni ruiffeau. Or eft-il bien ordinai re de trouver un terrain de cette forte, qui ait quinze ou vingt ftades ou plus d'étendue, car cet efpace eft néceffaire pour contenir une armée entiére, dont la phalange ne fait qu'une partie.. B &

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Mais fuppofons qu'on trouve un terrain auffi commode qu'on peut le fouhaiter, (c'eft toujours Polybe qui. raifonne) de quel ufage fera ce corps. de troupes rangé en phalange, fi l'en. nemi, au lieu de s'en approcher & de préfenter la bataille, fait des détachemens pour ravager la campagne, pour piller les villes, pour couper les. convois? Que s'il accepte la bataille, le Général n'a qu'à ordonner à une partie de fon front, au centre par exemple, de fe laiffer exprès enfoncer,. & de prendre la fuite, pour donner lieu aux Phalangites de la pourfuivre.. En ce cas voila la Phalange rompue,, & une grande ouverture qui y eft fai te, par laquelle les Romains ne manqueront pas d'entrer pour prendre les Phalangites en flanc à droit & à gau-.. che, pendant que ceux qui font à la poursuite des ennemis pourront être attaqués de la même forte.

Ce raifonnement de Polybe me pa. roit fort clair, & en même tems fort propre à donner une jufte idée de la maniére de combattre des anciens, ce Difcours qui doit certainement entrer dans l'hif Fur l'hift. toire, & en fait une partie effentielle.. On voit par là, comme Mr. Boffuet

anivers

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