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te & Athénes, donna lieu à Philippe d'affecter à fon tour l'Empire de la Grece. Maintenant donc en qualité de Politique & de Conquérant, il fonge à etendre fes frontiéres, à affujettir fes voifins, à affoiblir ceux qu'il ne peut encore domter, à entrer dans les affaires de la Grèce, à prendre part à fes querelles inteftines, à chercher de s'en rendre l'arbitre, à s'unir aux uns pour accabler les autres, afin de devenir le maître de tous. Dans l'exécution de ce grand deffein, il n'épargne ni les rufes ni la force des armes, ni les préfens, ni les promeffes. Négociations, traités, alliances, tout eft mis en œuvre. Il emploie chacun de ces moiens felon qu'il le juge le plus propre au fuccès de fon projet: l'utilité feule en régle le choix.

On le verra toujours agir, fous ce fecond caractére, dans toutes les démarches qui vont fuivre, jufqu'à ce qu'enfin il prenne un troifiéme & dernier caractère, qui eft celui de fe préparer à attaquer de grand Roi de PerTe, & à fe rendre le vengeur de la Gréce, en renverfant un Empire qui l'avoit voulu fubjuguer autrefois, & qui en étoit toujours demeuré l'enne.

mi irréconciliable par des attaques ouvertes, ou par de fecrettes intrigues.

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pag. 2.

On a vû que Philippe, au commencement de fon regne, s'étoit déja emparé d'Amphipolis, parce qu'elle étoit fort à fa bienféance; mais qu'afin de ne la pas rendre aux Athéniens, qui la revendiquoient comme une de leurs colonies, il l'avoit déclarée ville libre. Dans le tems où nous fommes, ne craignant plus fi fort les obftacles de la part d'Athénes, il reprit fon ancien deffein de s'emparer d'Amphipolis. Les habitans menacés d'un prompt Demofth fiége, envoiérent aux Athéniens des Olynth. L. Ambaffadeurs pour leur offrir de fe remettre eux & leur Ville fous la protection d'Athénes, & pour la prier d'accepter les clés d'Amphipolis. Ils rejettérent cette offre, de peur de rompre la paix conclue avec Philippe l'année précédente. Celui-ci ne fut AN. M. pas fi délicat. Il affiégea & prit Am- Av. J. C. phipolis, à la faveur des intelligences 358. qu'il avoit dans la Ville, & en fit une des plus fortes barriéres de fon Royaume. Démofthéne, dans fes harangues, reproche fouvent aux Athéniens cette nonchalance, en leur repréfentant que s'ils avoient ufé de

3646.

Diod. P

412.

Diod. ibid.

413.

Diod. P.

.

diligence pour lors comme ils devoient, ils auroient fauvé une ville alliée, & fe feroient épargné à euxmêmes bien des maux.

Philippe avoit promis de remettre Amphipolis entre les mains des Athéniens, & il les avoit endormis par cette promeffe: mais il ne fe piquoit pas d'exactitude à garder fa parole, & la bonne foi n'étoit pas fa vertu. Loin de leur rendre cette place, il s'empare encore de Pydne & de ** Potidée. Les Athéniens avoient une garnison dans la derniére : il la renvoia fans la maltraiter, & céda cette Ville aux Olynthiens pour se les attacher.

De là il vient occuper Crénides que les Thafiens avoient bâtie depuis deux ans, & qu'il appella dès lors de fon nom Philippe. C'eft près de cette Ville, célébre depuis par la défaite de Brutus & de Caffius, qu'il ouvrit & fouilla des mines d'or, qui chaque année lui raportoient plus de mille talens,

*Pydne, ville de Macédoine fituée sur le golfe appellé aciennement fimus Thermaïcus, & mainte nant golfo di Salonichi.

** Potidée, autre ville de Macédoine, fur les con fins de l'ancienne Thrace. Elle n'étoit éloignée Olynthe que de 60. ftades, ou trois lieugs,

talens, c'eft à dire plus de trois millions, fomme très confidérable pour ces tems-là. Ainfi l'argent roula bien plus qu'auparavant en Macédoine, & Philippe y fit battre le prémier à fon nom la monnoie d'or, qui a dura plus que fa monarchie. La fupériorité de finances donne de grands avantages. Perfonne ne les connut mieux que lui, & ne les négligea moins. Il entretint dans ce fonds un puiffant corps de troupes étrangères, & s'acquit des créatures prefque dans toutes les villes de la Grèce.

Démofthéne dit que dans les beaux Philip. tems de la Gréce,on mettoit l'or l'ar. 3. P. 92. gent au nombre des armes défendues. Philippe penfoit, parloit & agiffoit tout autrement. On a prétendu que l'Oracle de Delphes qu'il confultoit Suid. lui répondit un jour:

Sers-toi d'armes d'argent, & tu domteras tout,

Αργυρίαις

Le Confeil de la Pythie devint fa λόγχαισι régle, & il s'en trouva bien. Il fe van. Max,

toit

a Gratus Alexandro Regi Magno fuit ille Chærilus, incultis qui verfibus, & male natis Rettulit acceptos, regale numifina, Philippos. Horat lib, 2. Epift. ad August.

Hic funt numerati aurei trecenti nummi, qui wecantur Philippei. Plaut. in Pæn,

Tome VI.

B

πάντα, κινήσεις.

toit d'avoir emporté plus de places par les largeffes que par les armes. Il 'enfonçoit jamais une porte, qu'il n'eut tâché de l'ouvrir; & ne reconnoiffoit point pour imprenable toute fortereffe où pouvoit monter un mulet chargé d'argent, a On a dit de lui qu'il étoit plus marchand que conquérant; que ce n'étoit point Philippe, mais fon or, qui fubjuguoit la Gréce; & qu'il en acheta les villes, plûtôt qu'il ne les força. Il avoit des penfionnaires dans toutes les Républiques de la Gréce, & tenoit à fes gages ceux qui avoient le plus de part aux affaires. Auffi il s'applaudiffoit moins du fuccès d'une bataille, que de celui d'une négociation, où il favoit bien que fes Généraux ni fes foldats n'avoient rien à prétendre.

Phillippe avoit épousé Olympias fille de Néoptoléme. Celui-ci étoit fils d'Acétas, Roi des Moloffes ou d'E pire. Elle eut de ce mariage Alexandre, furnommé le Grand, qui vint

au

a Callitus emptor Olynthi. Juven. Philippus majore ex parte mercator Græciæ, quàm victor. Faler. Max. lib. 7. cap. 2. Diffidit hoftium

Portas vir Macedo, & fubruit æmulos
Reges muneribus. Horat. lib. 3. Od. 16,

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