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pofition de l'armée nombreufe des Perfes, la terreur qu'Agefilas, avec une poignée de foldats, avoit jettée jufques dans Sufe, faifoient voir clairement ce qu'on devoit attendre d'une armée, compofée de l'élite des troupes de toutes les villes de la Gréce, & de celles de Macédoine, commandée par des Généraux & des Officiers que Philippe avoit formés, & pour tout dire, qui avoientAlexandre pourChef. On n'héfita donc point dans la diette, & d'un commun accord il y fut nommé Généraliffime contre les Perfes. Auffitôt plufieurs Officiers & Gouverneurs de villes, & plufieurs Philofophes, fe rendirent auprès de lui pour le congratuler fur cette élection. Il fe flatoit que Diogène de Sinope, qui étoit alors à Corinthe, y viendroit comme les autres. Ce Philofophe, qui faifoit peu de cas des grandeurs, croioit que ce n'étoit pas le tems d'aller féliciter les hommes quand ils viennent d'être élevés à quelque haute place,mais qu'il faut attendre qu'ils en aient dignement rempli les devoirs. Il ne fortit donc point de chez lui. Alexandre alla lui-même avec toute fa Cour pour le voir. Il étoit alors

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couché au foleil: mais, voiant approcher cette foule de gens, il fe mit en fon féant, & attacha fa vûe furAlexandre. Ce Prince, étonné de voir un philofophe d'une fi grande réputation réduit à une entiére indigence, après l'avoir falué très-gracieusement, lui demanda s'il n'avoit pas befoin de quelque chofe. Oui. lui répondit Diogéne, c'est que tu t'ôtes un peu de mon foleil. Cette réponse excita le mépris & l'indignation des Courtifans. Mais le Roi, frapé d'une telle grandeur d'ame, Si je n'étois Alexandre, dit-il, je voudrois être Diogéne. Ce mot cache un fens profond, & découvre parfaitement le fonds du cœur humain. Alexandre fent qu'il eft fait pour tout avoir : voilà fa deftinée, & en quoi il met fon bonheur. Mais, s'il ne pouvoit parvenir à ce but, il fent auffi, que pour être heureux, il fau droit s'étudier à fe paffer de tout. En un mot, tout ou rien, c'eft Alexandre & Diogéne. Quelque a grand & quelque puiffant que fe crût ce Prince, il dut ici fe reconnoitre inférieur à un hom

a Homo fupra menfuram humanæ fuperbiæ tumens, vidiť aliquem, cui nec dare quidquam poffet, nec eripere. Senec. de Benef. lib.5. cap. 6.

homme, à qui il ne pouvoit ni rien donner, ni rien ôter.

Avant que de partir pour l'Afie, il voulut confulter Apollon fur cette guerre. Il alla donc à Delphes: mais il arriva par hazard que c'étoit pendant les jours qu'on appelle malheureux dans lefquels il n'étoit pas permis de confulter l'Oracle; & la Prétreffe refufoit de fe rendre au temple. Alexandre, qui ne pouvoit fouffrir de réfiftance à fes volontés l'aiant prife brusquement par le bras, & la conduifant au temple, elle s'écria. Oh! mon fils,on ne te peut réfifter. Il n'en demanda pas davantage, & faififfant cette parole, qui lui tenoit lieu d'oracle, il prit le chemin de la Macédoine pour le préparer à fa grande expédition.

NOTE pour ce qui fuit. J'AUROIS fouhaité, & j'en avois eu la pensée, de mettre à la tête du récit des exploits d'Alexandre une Carte géographique, comme je l'ai fait pour Cyrus le Jeune, ce qui eft d'un grand fecours pour le Lecteur, & le met en état de fuivre des yeux fonHéros dans toutes fes conquêtes. Mais ici je n'ai pu, le faire, la Carte des expéditions d'A

lexandre étant d'une trop grande étendue pour pouvoir être inférée commodément dans un in 12. On peut acheter celle qu'a fait fur ce fujet feu Monfieur Guillaume de Lisle, dont le nom eft connu de tous les Savans. Cette Carte fe vend chez fa Veuve fur le Quai de l'Horloge. Pour y fuppléer en quelque forte, je mettrai ici, fous un même point de vûe, une fuite abregée des pays qu'Alexandre a parcourus jufqu'à fon retour de l'Inde.

Il part de la Macédoine, qui fait partie de la Turquie en Europe, & paffe l'Hellefpont ou Détroit des Dardanelles.

Il traverse l'Afie Mineure, (la Natolie où il donne deux batailles: la premiére au paffage du Granique, & la feconde près de la ville d'Iffus.

Après cette feconde bataille, il entre dans la Syrie & la Palestine, påffe en Egypte où il bâtit Alexandrie fur l'un des bras du Nil, pénétre jufques dans la Libye au temple de Jupiter Ammon, d'où il retourne fur fes pas, jufqu'à Tyr,(Sour) & de là il s'avan ce vers l'Euphrate.

Il paffe ce fleuve, puis le Tigre, & remporte la fameufe victoire d'Arbelles.

belles. Prend Babylone, capitale de : la Babylonie; & Ecbatane, de la Médie.

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De là il paffe dans l'Hyrcanie, jufqu'à la mer qui en porte le nom, autrement dite la mer Cafpienne : dans la Parthie, la Drangiane, le pays .de Paropamife.

Il remonte dans la Bactriane, & dans la Sogdiane; s'avance jusqu'à l'Iaxarte, nommé par Quinte Curce le Tanais, au-dela duquel habitent les Scythes, dont le pays fait partie de la grande Tartarie.

Après avoir parcouru divers pays, il paffe le fleuve Indus, entre dans les Indes qui font en deça du Gange, & qui forment l'Empire du Grand Mogol, & s'avance affez près du Gange, qu'il avoit auffi deffein de paffer: mais fon armée refufa de l'y fuivre. Il fe contenta donc d'aller voir l'Océan " & defcendit jufqu'à l'embouchure du fleuve Indus.

Depuis la Macédoine jufqu'au Gange, dont Alexandre approcha bien près, on peut compter onze cent lieues au moins.

Ajoutez à cela les différens détours que fit Alexandre, premiérement pour

aller

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