Page images
PDF
EPUB

avoit tenu lieu comme d'une feconde patrie.

Ces motifs étoient puiffans, mais la colére du vainqueur prévalut, & la ville fut détruite. Il conferva la liberté aux Prêtres, à tous ceux qui avoient droit d'hofpitalité avec les Macédoniens, aux defcendans de Pindare célébre Poete qui avoit fait tant d'honneur à la Gréce, & à ceux qui s'étoient oppofés à la rebellion, & vendit tous les autres, dont le nombre monta environ à trente mille; & il y avoit eu un peu plus de fix mille hommes tués dans le combat. Le defaftre de Thébes toucha vivement les Athéniens, de forte qu'étant fur le point de célébrer la fête des grands Myftéres, ils y renoncérent à caufe du grand deuil où ils étoient,& reçurent avec toute forte d'humanité tous ceux qui s'étant fauvés de la bataille & du fac de Thébes, s'étoient refugiés dans leur ville.

La promte arrivée d'Alexandre dans la Gréce avoit bien rabbam de la fierté des Athéniens, & avoit amorti tout-à-coup la vehémence de Démofthéne. La ruine de Thébes, encore plus promte, acheva de les confter

ner.

ner. Ils eurent recours aux priéres, & députérent vers Alexandre pour implorer fa clémence. Démofthéne étoit du nombre des Députés. Mais il ne fut pas plutôt arrivé au mont Cythéron, que redoutant la colére de ce Prince, il s'en retourna, & abandonna l'Ambaffade.

Incontinent Alexandre envoie à Athénes demander qu'on lui livre dix des Orateurs qu'il regardoit comme auteurs de la ligue que fon pére avoit vaincue à Chéronée.. Ce fut en cette occafion que Démofthéne conta au peuple la fable des loups& des chiens, dans laquelle on fuppofe que les loups demandérent un jour aux brebis, que pour avoir la paix avec eux, elles leurs livraffent les chiens qui les gardoient. L'application étoit aifée & naturelle, furtout par rapport aux Orateurs, juftement comparés aux chiens, dont le devoir eft de veiller, d'aboier, & de combattre pour fauver le troupeau. Dans l'extrême embarras où se trou voient les Athéniens, qui ne pouvoient fe réfoudre à livrer eux-mêmes à la mort leurs Orateurs, & qui n'avoient cependant d'autre reffource pour fau ver leur ville, Démade qu'Alexandre

hono

honoroit de fon amitié, offrit de fe charger feul de l'ambaffade, & d'aller intercéder pour eux. Le Prince, foit qu'il fût raffafié de vengeance, foit qu'il cherchât, à effacer,s'il étoit poffible, par un acte de douceur, l'action atroce & barbare qu'il venoit de faire; ou plutôt voulant lever les obstacles qui pouvoient retarder fon grand deffein, & ne laiffer en fon abfence ni fujet ni prétexte de mécontentement, fe relâcha fur la demande qu'il avoit faite des Orateurs, & fe contenta du banniffement de Caridéme, qui étant * Oritain de naiffance, avoit mérité *Orée, vil par fes fervices le droit de bourgeoifie dans Athènes. Il étoit gendre de Cherfoblepte Roi de Thrace. Il avoit appris le métier de la guerre fous Iphicrate, & avoit commandé plufieurs fois les armées des Athéniens. Pourfuivi par Alexandre, il fe réfugia chez le Roi de Perfe.

Pour ce qui regarde les Athèniens, non-feulement il leur remit tous les fujets de plainte qu'il avoit contr'eux, mais encore leur témoigna une bonté particuliére, les exhortant à s'appliquer fortement aux affaires, & à avoir l'œil à tout ce qui fe pafferoit, parce

que

le d'Esta

bée.

que s'il venoit à manquer,c'étoit leur ville qui devoit donner la loi à toute la Gréce. On dit que, longtems. après cette expédition, le malheur des Thébains lui caufa de cuifans repentirs, & que cette pensée le rendit plus doux & plus humain envers beaucoup d'autres.

Un tel exemple de févérité exercée contre une ville auffi puiffante que Thébes, répandit dans toute la Gréce la terreur de fes armes, qui fit tout plier devant lui. Il convoqua à Corinthe une* diette de tous les Etats & de toutes les villes libres de la Gréce, pour fe faire donner le même Commandement en chef contre la Perfe qui avoit été accordé à fon Pere un peu avant fa mort. Jamais diette ne fournit une plus magnifique matiére de délibération. C'eft l'Occident qui délibére fur la ruine de l'Orient, & fur les moiens d'exécuter une vengeance fufpendue depuis plus d'un fié. cle. L'affemblée qui fe tient ici va donner lieu à des événemens dont le récit étonne & paroit prefque incroiable, &

à

Plutarque place ici cette diette. D'autres la placent plutot: ce qui a donné lieu à Monfieur Prideaux de fuppofer qu'elle fut convoquée deux fois.

à des revolutions qui feront changer la face de prefque tout le monde. Pour former un tel deffein, il faloit un Prince hardi,entreprenant,aguerri, qui eût de grandes vûes,qui fe fût déja fait un grand nom par fes exploits, qui ne fût ni intimidé par les périls, ni arrété par les obstacles, mais furtout qui réunit fous fon autorité tous les Etats de la Gréce, dont aucun féparément n'étoit capable d'une entreprise fi hardie, & qui avoient befoin,pour agir de concert, d'être foumis à un feul Chef, qui mît en mouvement toutes les parties de ce grand Corps, en les faifant toutes concourir à un même but & à une même fin. Or Alexandre étoit ce Prince. Il ne lui fut pas difficile de rallumer dans l'efprit des peuples la haine ancienne contre les Perfes, leurs ennemis perpétuels & irréconciliables, dont ils avoient juré plus d'une fois la perte, & qu'ils étoient bien réfolus de détruire, fi jantais l'occafion s'en préfentoit:haine, à laquelle les diffenfions domeftiques avoient bien pu donner comme une tréve, mais qu'elles n'avoient point éteinte. La glorieufe retraite des Dix mille Grecs malgré

l'op

« PreviousContinue »