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lui difputa; & il étoit foutenu par un grand nombre de Macédoniens. Il commença par s'emparer de quelques places fortes. Heureufement pour le nouveau Roi, Iphicrate pour lors fe trouva dans cette contrée, où les Athéniens l'avoient envoié avec une petite flote, non encore pour affiéger Amphipolis, mais pour reconnoitre les lieux, & préparer tout ce qui étoit néceffaire pour ce fiége. Eurydice ayant appris fon arrivée, le pria de venir chez elle, dans le deffein d'implorer fon fecours contre Paufanias. Quand il fut entré dans le Palais, & qu'il fe fut affis, cette Reine défolée, pour émouvoir davantage fa pitié, prend fes deux enfans, Perdiccas & Philippe;met le premier pe alors n'avoit pas entre les bras, & l'autre fur les genoux moins de d'Iphicrate, & pour lors lui tient ce difCours:,, Iphicrate, fouvenez-vous ,,qu'Amyntas, Pére de ces malheureux ,,orphelins,aima toujours votre patrie ,& vous adopta pour fon fils. Ce dou,,ble lien vous impofe une double obli,,gation. L'amitié de ce Roi pour Athé,,nes, veut que vous nous reconnoif,,fiez publiquement pour vos amis; &

* Philip

neuf ans.

*

la tendreffe de ce Pere pour votre perfonne, vous demande un coeur de fre»re pour ces jeunes Princes." Iphi

*

crate, touché du spectacle & du dif-
cours, chaffa l'Ufurpateur, & rétablit
le Souverain légitime.
Perdiccas ne fut pas longtems tran-
quille. Un nouvel ennemi plus redou-
table encore que le premier, troubla
bientôt fon repos: c'étoit Ptolémée
fon frére, que nous avons dit être Fils
naturel d'Amyntas. Peut-être étoit-il
l'ainé, & prétendoit-il qu'en cette
qualité il devoit régner. Les deux fré-
res s'en raportérent au jugement de
Pélopidas, Général des Thébains, plus
refpecté encore pour fa probité que
pour fa bravoure. Il prononça en fa-
veur de Perdiccas, & ayant cru devoir
prendre des affurances de côté & d'au-
tre, pour faire obferver les atricles du
traité accepté par les deux Concur-
rens, entre les autres otages,
il em-
mena avec lui Philippe à a Thébes,

* Plutarque fuppofe que ce fut Alexandre à qui Ptolémée difputa l'empire: ce qui ne peut s'acorder «vec le récit d'Eschine, qui étant contemporain, est plus digne de foi. J'ai donc cru pouvoir fubftituer Perdiccas à Alexandre.

Plut. in

Pelop.

pag. 292

a Thebis triennio obfes habitus,prima pueritiæ rudimenta in urbe feveritatis antiquæ,& in domo Epaminondæ fummi & philosophi & imperatoris, depofuit Justin. lib. 7. cap.5. Philippe demeura à Thebes, non trois ans feulement, mais neuf ou dix

où il demeura pendant plufieurs années. Il avoit alors dix ans. Eurydice, en quittant ce cher enfant, recommanda instamment à Pélopidas de lui procurer une éducation digne de fa naiffance, & digne de la Ville où il alloit être conduit. Il le remit entre les mains d'Epaminondas, qui avoit chez lui un célébre Pythagoricien pour élever fon fils. Philippe profita bien des leçons de ce Philofophe, & encore plus de celles d'Epaminondas, qu'il accompagna fans doute dans quelques campagnes, quoiqu'il n'en foit point parlé. Il ne pouvoit avoir un plus excellent maître, foit pour le métier de la guerre, foit pour la conduite de la vie: car cet illuftre Thébain étoit en même tems & grand Philofophe, c'est-à-dire homme fage & vertueux,& grand Capitaine, & grand homme d'Etat. Philippe fe faifoit honneur d'avoir été fon difciple & fon éleve, & fe le propofoit pour modele; heureux, s'il avoit fù le copier parfaitement! Peut-être prit-il de lui fon activité à la guerre, & fa promptitude à profiter des occafions, ce qui n'étoit qu'une petite partie du mérite de ce grand perfonnage; mais pour fatempé

tempérance, fa justice, fon definté reffement, fa bonne foi, fa magnanimité, fa clémence, qui le rendoient véritablement grand, c'étoient des vertus que Philippe n'avoit point reques de la nature, & qu'il n'acquit point par l'imitation.

Diod. .

16. 407.

Juftin.

Thébes ne favoit pas alors qu'elle formoit & nourriffoit dans fon fein le plus dangereux ennemi de la Gréce. Après qu'il y eut paffé neuf ou dix ans, la nouvelle d'une révolution arrivée en Macédoine lui fit prendre la lib. 7. cap. réfolution de fortir furtivement de 5. Thébes. Il fe dérobe, il accourt, trouve les peuples confternés d'avoir. perdu leur Roi Perdiccas, tué dans un grand combat contre les Illyriens, & plus encore de fe voir autant d'ennemis que de voifins.Les Illyriens étoient fur le point de rentrer dans le Royaume avec de plus grandes forces; les Péoniens l'infeftoient par des courfes continuelles: les Thraces prétendoient: placer fur le trône Paufanias, qui n'avoit pas renoncé à fes prétentions: les Athéniens portoient Argée, que leur Général Mantias avoit ordre de foutenir avec une bonne flote, & avec un corps de troupes confidérable. La

Ma

AN. M. Av. J. c.

3644

360.
Diod.
lib. 16. p.
407-413.

Flian.

kb. 14. cap. 49.

Macédoine alors avoit befoin d'un homme, & elle n'avoit qu'un enfant dans Amyntas, fils de Perdiccas, héritier légitime de la couronne. Philippe gouverna quelque tems fous le nom de Tuteur du jeune Prince. Mais bientôt les fujets, justement allarmés, pour fe donner l'Oncle, dépoférent le Neveu, & à la place de l'héritier que la nature appelloit, ils mirent celui que demandoit la conjoncture, fe perfuadant que la néceffité a fes loix, qui dérogent à toutes les autres. Philippe monta fur le trône la premiére année de la ros. Olympiade. Il avoit alors vingt-quatre ans.

Le nouveau Roi, fans s'étonner, fe hâta de remplir l'attente publique. Il pourvoit & remédie à tout, releve les courages abbatus, rétablit & difcipline les troupes. Il fut d'une fermeté invincible fur ce dernier point, fachant que tout le fuccès de fes entreprises en dépendoit. Un foldat preffé de la foif fortit des rangs pour la foulager, il le fit châtier rudement. Un autre qui devoit fe tenir fous les armes, les pofa: il le punit de mort fans miféricorde.

Dès lors il établit la Phalange Masédonienne, qui devint depuis fi fa

meu

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