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changer de résolution sur le sort de "mes deux filles; car je regarde Amélie comme ma fille."-Après un assez long silence que je n'avois

rompre, elle ajouta :-"

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pas envie de

Sophie est "l'aînée, il est juste que d'abord je m'occupe d'elle. J'ai en vue un mariage considérable, et qui lui convient sous tous les rapports Amélie n'a que "seize ans; son caractère se formerà, "et lorsqu'elle aura dix-huit ans, je "penserai à l'établir. Je me sentois indigné de voir Amélie sacrifiée au désir de marier Sophie; aussi répondis-je à madame d'Estouteville: "Je vous "parlerai, madame, avec une égale fran

chise: la dernière volonté de mon père m'engage en quelque sorte à me "marier cette année même. Joserai "donc vous supplier de présenter ma

"demande à monsieur le maréchal.""Je n'ai pas le droit de vous refuser, "me dit-elle sèchement; mais souve"" nez-vous que j'aurois voulu éloigner "l'instant où il prononcera sur le sort "de Sophie et d'Amélie." Elle s'arrêta, comme si elle s'attendoit encore à me voir revenir au plan qu'elle s'étoit fait. Voyant que je persistois, elle ajouta : "Dès aujourd'hui, je ferai part à mon"sieur d'Estouteville de vos inten"tions; demain, à pareille heure, je vous donnerai sa réponse."

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Le lendemain, je me rendis chez la maréchale: "Monsieur d'Estouteville "consent à vous donner sa nièce, me "dit-elle avec une froideur marquée ; "mais Amélie craint comme moi que "vous ne regrettiez un jour de lui avoir "fait de trop grands sacrifices; et voici

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une lettre qu'elle a voulu vous écrire." -"Pourquoi n'a-t-elle pas daigné me

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d'Estouteville s'y est opposé. Lorsque ce mariage sera certain; quand les "articles seront signés, il permettra que vous revoyez sa nièce : jusque-là, elle 66 est retournée à son couvent avec ma fille, qui a désiré l'accompagner."

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L'air, le ton de madame d'Estouteville étoient bien changés. Depuis l'instant où je la priai de demander pour moi la main d'Amélie, elle ne me regarda plus qu'avec une humeur qu'il lui étoit impossible de maîtriser.

"Je la croyois blessée de ne m'avoir pas vu penser à sa fille; de voir marier Amélie la premiere. Je lui répétai que jamais je n'aurois voulu épouser uné femme que le monde crût un grand.

parti, ou que j'eusse aimée vivement."J'espère cependant, répliqua la ma

réchale, que vous aimez un peu Amélie, puisque vous désirez l'épouser.” "Tout ce qu'on m'a dit de son carac "tère convient parfaitement au mien." "En effet, reprit-elle avec une émo"tion qui me surprit, il est impossible "d'avoir un caractère plus doux, plus "sensible. Amélie se croyoit malheu

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reuse sans se plaindre, elle jouira de

"la fortune avec modération; mais "lisez sa lettre."

"Elle n'étoit pas cachetée; la maréchale s'aperçut que je le remarquai. -"C'est monsieur d'Estouteville qui

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a ouvert cette lettre. Sophie nous "l'avoit envoyée fermée. En vérité, a-t"il dit, je crois que le mot de mariage tourne la tête aux jeunes filles:

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"aussi, pour toute réponse, il lui a fait "demander depuis quand elle croyoit

que sa cousine pût écrire à qui que << ce soit sans son aveu.'

Pendant ce temps, je lisois la lettre d'Amélie." Vous trouverez peut-être "monsieur d'Estouteville un peu sé' vère, me dit la maréchale; mais ma "fille et ma nièce sont élevées comme je l'ai été moi-même, comme on l'é"toit autrefois. Mon père disoit toujours pour qu'un mariage soit heu

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reux, c'est aux parents seuls à faire "le calcul des probabilités."

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J'appuie sur tous ces détails, mon fils d'abord ils me sont si présents que je crois entendre encore la voix de madame d'Estouteville; ensuite parce qu'ils vous expliqueront comment tout le bien qu'on disoit d'Amélie a dû me

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