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de m'éloigner; je l'entourai de mès bras." Mon père, voulez-vous que

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j'aille à l'autel sans être béni par "vous? que mes enfants l'apprennent ce un jour? et autoriserez-vous d'avance leur manque d'attachement, "de respect pour moi?-Ah! Eugène, reprit-il tristement, ne seroit-il pas juste que vos enfants vous punissent "des chagrins que vous me causez?

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Qui, s'ils ignorent que, ne pou"vant vivre sans Athénaïs, j'aimois "mieux mourir que de vous déplaire ; "s'ils ne voient que votre fils aban"donné par vous dans l'action la plus "solennelle de sa vie; mon père, vos 66 vertus mêmes me condamneroient." "-Eugène," me dit-il, et il se pencha vers moi, comme pour adoucir ses reproches, "croyez-vous remplir tous vos

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"devoirs, en forçant ma volonté ?”— "Loin de la forcer je m'y soumets; ́ ́ défendez-moi d'être heureux, je souf"frirai et me résignerai."" Ingrat! S'écria-t-il, pensez-vous donc que j'aie oublié qu'on peut s'éteindre et "mourir de douleur ?..... Chaque jour

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je vous examine avec inquiétude. "Mon fils! vous êtes pâle de la mala"die de votre mère.... Tout à l'heure

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encore, pendant votre sommeil, je

regardois votre jeune tête inclinée, "souffrante, et me disois: faudra-t-il "revoir une seconde fois la fin lente "du malheur?""Si j'avois su que de "si cruelles pensées vous déchirassent, "n'en doutez pas, mon père, je me se"rois contraint et vous aurois dissi"mulé mes peines."-Hé bien ! me demanda-t-il avec l'accablement d'un

homme qui renonce à lui-même, "Eugène, que faut-il que je fasse ?".

“Venez avec moi, voyez, connoissez "Athénaïs; ensuite, quelle que soit "votre volonté, je m'y soumettrai." Il céda à ma prière; le jour d'après nous partîmes pour Paris. A la dernière poste j'ordonnai d'aller à l'hôtel d'Estouteville: il étoit loin de le prévoir; mais je connoissois trop la vio lence qu'il se faisoit pour retarder cette visite promise et nécessaire.

Il s'aperçut de mon dessein lorsque nous étions près d'arriver. Mon fils! s'écria-t-il, sans pouvoir prononcer une seconde parole: la voiture entroit dans la cour; nous montâmes chez madame de Rieux.- 66 Je ne vous "amène pas encore un père, lui dis

"je, mais un ami."

Ne s'attendant

point à mon retour, encore moins à voir mon père, un tremblement universel la saisit.-Touché de son trouble, il s'assit près d'elle; il la regardoit avec intérêt, et ne pouvoit lui parler. -Je sentois vivement ce qu'il en coû toit à sa volonté, et ce moment me prouvoit plus son affection que les soins donnés à ma vie entière. Avec quelle tendresse, quelle reconnoissance je le remerciois! Je pris sa main, celle d'Athénaïs, et les joignis dans les miennes; il tressaillit, elle remercia le ciel." Athénaïs, je ne vous de"mande qu'une seule promesse de "bonheur; jurons ensemble de ren"dre mon père heureux." Ne pouvant plus maîtriser son émotion, elle fondit en larmes, serra la main de mon père, et me répondit: "S'il y con

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sent, je m'y engage de toute mon ame."-Il se leva, et après un effort qui sembloit briser son

cœur et

qui déchiroit le mien: "Eugène, mon "fils, me dit-il avec un profond sou"pir, la tendresse des pères est plus "sûre que celle des enfants." Il prit Athénais dans ses bras, ferma les yeux; il trembloit, frémissoit, mais prononça: "Ma fille, oublions le passé."-Je tombai à ses pieds; Athénaïs s'appuyoit contre son cœur; il rouvrit les yeux, me regarda, la nomma une seconde fois ma fille, et lui dit à son tour: "Athénais, promettez-moi de "le rendre heureux."

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