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mes devoirs; elle m'aime, et jamais ne m'écrit un mot que mon cœur voulût effacer.

CHAPITRE XI.

AUJOURD'HUI la boîte est revenue; non-seulement elle m'a rapporté une lettre d'Athénaïs, mais une aussi de madame d'Estouteville. Mon père a frémi en reconnoissant l'écriture de la maréchale: pour moi, j'ai été persuadé que dès qu'elle consentoit à m'écrire, elle pouvoit s'excuser. D'ailleurs, elle m'a toujours montré tant d'égards pour lui, que parfaitement sûr des sentiments de mes deux amies, je lui ai dit: "Per

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mettez que je vous remette la lettre de "madame d'Estouteville sans l'ouvrir; "c'est par vous surtout que je désire

"qu'elle soit lue.” -"Non, m'a-t-il "répondu, éloignez même son écriture "de mes yeux; cette femme a fait toute "la peine de ma vie."-" Mon père, ayez cette bonté, cette seule complai

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sance; lisez la lettre de madame d'Es"touteville."-" Vous êtes donc bien "sûr de ce qu'elle contient? a-t-il re

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pris avec amertume."-Et ce moyen que je croyois infaillible, puisque je lui donnois une lettre que je ne connoissois pas encore; ce moyen qui me sembloit fait pour vaincre sa défiance l'a augmentée; il a cru que c'étoit un projet imaginé par elle, pour le convaincre malgré lui. Enfin il accuse cette malheureuse femme de tout ce qui peut lui déplaire; et ce qu'il eût approuvé jadis, aujourd'hui lui paroît un piège pour le ramener. S'il m'accorde encore

des intentions pures, il ne me suppose plus une action simple. Hélas! il est malheureux, et presqu'aussi malheumoi.

reux que

Je le répète, si je pouvois cesser, pour un moment, de l'aimer, secouer le joug, disposer de mon sort, je serois moins à plaindre: mais les bontés de mon père me sont présentes pour commander à ma passion; ses peines sont là, pour m'excuser son injustice. Non, non, quatre mois d'amour n'effaceront point vingt années de respect, d'attachement et de soins. Mon père, vous resterez dans mon cœur: cependant combien vous me détachez de tout avenir !

CHAPITRE XII.

Lettre de Madame d'Estouteville.

ME voilà donc obligée de compa roître à ce tribunal de deux têtes de vingt ans, de deux coeurs aux premiers jours de leur passion! Quand, à mon âge, je me vois prête à me soumettre à ce jugement, je me crois insensée, et trouve que la seconde enfance est encore plus déraisonnable que la première. N'importe, j'ai aussi ma passion qui me domine. Mon Athénaïs souffre, et son chagrin m'empêche d'examiner ses torts.

Cependant, combien elle est cou-, pable envers moi! Elle se renferme pour

VOL. II.

F

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