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ment dans Ænésidème'. De façon qu'en réunissant le chapitre de Sextus où ces д×τà τрóño: sont développés et le grand passage sur la causalité, nous recomposons presque tout entier le livre le plus important du plus important ouvrage d'Enésidème.

Nous croyons pouvoir effectuer encore deux restitutions tout aussi légitimes, quoique d'une moindre importance.

On trouve dans Sextus deux argumentations sceptiques, l'une contre la vérité, l'autre contre les signes; toutes deux, selon nous, reviennent à Ænésidème.

Pour la seconde, qui a, nous le verrons, une portée considérable, le doute n'est pas permis. L'auteur, en effet, est cité ainsi que son ouvrage yàp Alvysionues ἐν τῷ τετάρτῳ τῶν Πυῤῥωνείων λόγων κτλ.

Pour la première, toute incertitude doit céder à un examen attentif.

Sextus, dans son second livre contre les logiciens 3, entasse sur la question de la vérité un grand nombre d'arguments sceptiques qu'il puise, selon sa coutume, dans la tradition. Puis il continue en ces termes : duνάμει δὲ καὶ ὁ Αἰνησίδημος τὰς ὁμοιοτρόπους κατὰ τὸν τόπον ἀπορίας τίθησιν. Εἰ γὰρ ἐστί τι ἀληθὲς, ἤτοι αἰσθητόν ἐστιν, ǹ vogtóv xtλ1. Nous n'hésitons pas à regarder le morceau qui suit jusqu'aux mots Αἱ μὲν καθόλου ἀπορίαι περὶ τοῦ ἀληθοῦς τοιαῦταί τινές εἰσιν 5 comme la propriété 1 Fab. ad. Sext. 44, Y.

2 Adv. Log. II, p. 258, E.
3 Loc. cit. p. 221-227.
Loc. cit. p. 227, C.
Loc. cit. p. 229, C.

d'Enésidème. Car, en thèse générale, Sextus n'est guère qu'un compilateur instruit'. Loin de prétendre à l'originalité, comme on l'a dit, il s'efface sans cesse et ne parle presque jamais en son nom. Toujours à la trace de son école, il a du moins la modestie et la bonne foi d'en convenir. Lors donc qu'il cite un philosophe pyrrhonien dans le cours d'une argumentation, on peut se tenir pour à peu près sûr qu'il le copie ou le rẻsume. A plus forte raison quand il lui attribue expressément les pensées qu'il lui emprunte; et c'est le cas où nous sommes ici; le passage cité plus haut en fait foi. Nous remarquerons seulement que plusieurs parties de cette argumentation contre la vérité étant peu développées, il y a lieu de penser que Sextus n'a pas copié, mais résumé l'ouvrage d'Enésidème.

Quel peut être cet ouvrage? très-vraisemblablement le deuxième livre des Iluppwvíwv λoyo. Car Photius nous apprend dans son extrait qu'Ænésidème traitait de la Verité dans le second livre : Ἐν γὰρ τῷ δευτέρω κατά μέρος ἤδη ἀρχόμενος ἐπεξιέναι τὰ ἐν κεφαλαίῳ εἰρημένα περί τε ἀληθῶν καὶ αἰτίων διαλαμβανει κτλ.

Ce sont là les seuls morceaux de quelque étendue qui nous restent des écrits d'Enésidème.

Il est certain pourtant qu'indépendamment du Ilupovetot λoyot, il avait composé plusieurs autres ouvrages, l'un Περὶ ζητήσεως, l'autre Περὶ σοφίας, tous deux cités par Diogène Laërce et nettement distingués des Пuppóve.c

1 Voir notre ch. VIII. 2 Phot. p. 170, Bekk.

λóyo'. C'est vraisemblablement dans quelqu'un de ces ouvrages, ou peut-être dans l'un et dans l'autre, qu'Ænésidème sortant, par une singulière évolution dont nous aurons à nous demander compte, de l'école de Pyrrhon pour entrer dans celle d'Héraclite, exposait sur les questions du temps2, du mouvement 3, des éléments du langage, sur l'être, le tout et la partie, sur la raison individuelle et la raison générale, ces théories souvent si obscures dont nous retrouvons dans Sextus quelques vestiges indécis.

Quant aux ototyεtócais dont parle avec tant de colère le très-zélé dogmatique Aristocles, κακαὶ στοιχειώσεις δ et à la πρóτη slczywyń citée par Sextus, sont-ce là des ouvrages distincts ou bien des façons particulières de désigner les Πυλώνειοι λόγοι et les traités Περὶ σοφίας et Пlept Chews, ou encore sont-ce des parties de ces divers ouvrages? Ces questions sont de si peu d'intérêt qu'il n'y a pas lieu de regretter qu'elles soient insolubles.

11

Enfin, l'ouvrage cité par Diogène 10 et Aristoclès 11 1 Laert. IX, 11, p. 263.

2 Adv. phys. II, p. 417, A, B. — Cf. Hyp. Pyrrh. III, 17, p. 138, C.

3 Adv. phys. p. 386, E. - Ibid. p. 387, A, B.

Adv. phys. II, p. 417, A, B.

5 Adv. phys. II, p. 419, D.

6 Adv. phys. p. 363, D.

7 Adv. Log. p. 222, B.

8 Arist. ap. Euseb. Præp. Evang. XIV, 18.

9 Sext. Adv. phys. II, p. 417, A.

10 Laert. IX, 11, p. 256.

11 Arist. ap. Euseb. Præp. Evang. XIV, 18.

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sous ce titre : ἐν τῇ εἰς τὰ Πυῤῥώνεια ὑποτυπώσει, était-il différent ou non des Πυῤῥώνειοι λόγοι. Ce qui pourrait faire admettre avec Fabricius et malgré l'opinion de Ritter la distinction de deux ouvrages, c'est que les δέκα τρόποι τῆς ἐποχῆς étaient développés, au témoignage d'Aristocles 3 ἐν τῇ εἰς τὰ Πυῤῥώνεια ὑποτυπώσει, et que nous n'en trouvons aucune trace dans l'extrait donné par Photius des Пluppóvetot λóyot

Du reste, comme nous ne possédons pas une ligne de l'hypotypose d'Ænésidème, en supposant qu'elle ait été un ouvrage à part, il est parfaitement inutile d'insister sur ce point.

En résumé, des huit livres dont se composait le Пlußῥώνενοι λόγοι, nous sommes parvenus à retrouver pour le fond des idées, sinon pour leur exposition dėveloppée :

Le Ier livre, dans le résumé net et précis de Photius; Le II livre, dans Sextus Adv. log. II, p. 227, C à 229, C.

Le IV livre, dans Sextus Adv. log. II, p. 258, E. Le Ve livre, 1° dans Sextus Adv. phys. 345, B à 351, C.

2o dans Sext. Pyrrh. Hyp. I, 17.

1 Fabr. ad Sext. Adv. Log. II.

2 Hist. de la phil. anc. t. IV, p. 227. 3 Arist. 1. c. Aristoclès dit ¿vvéα τçóπcus, ce qui a fait croire qu'il avait réduit à neuf les δέκα τρόποι τῆς ἐποχῆς. Mais il est certain que le texte d'Aristoclès a été altéré, ou qu'Aristoclès se trompe, car Sextus (Adv. Logicos, p 201, A) cite les déxa Tpón exposés par Ænésidème, et Diogène Laërce mentionne expressément son dixième póños. Laert. IX, 11.

Pour les VI, VII et VIIIe livres qui traitaient, au rapport de Photius les questions morales, nous sommes réduits au résumé du Myriobiblion et à quelques indications de Diogène Laërce 2 et de Sextus 3.

Quant aux traités περὶ ζητήσεως et περὶ σοφίας, on peut avec vraisemblance y rapporter les indications dispersées çà et là du dogmatisme héraclitéen d'Enésidème 4

Voilà les débris de la doctrine d'Enésidème que le temps a épargnés. La critique, après les avoir recueillis, doit les féconder et restituer autant que possible dans ses traits essentiels la pensée dont ils sont restés les uniques dépositaires.

Mais, avant d'exposer avec étendue la doctrine d'Enésidème et de la soumettre à une discussion approfondie, il est nécessaire, pour en saisir l'esprit et le sens, pour en mesurer la juste portée, comme aussi pour en apprécier plus tard l'influence historique, de reconnaître attentivement ses origines.

1 Loc. cit. p. 170-171.

2 Laert. IX, 12.

3 Adv. phys. II, p. 446, B.
4 Voir les end. cités plus haut.

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