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de fidélité offrit à la nation française, dans la personne de son chef, les armes de Napoléon que celui-ci, peu de temps avant sa mort, avait chargé le général Bertrand de remettre à son non moins infortuné fils. Il est évident que le but du général Bertrand, en offrant au nom de la famille impériale les armes de Napoléon à Louis-Philippe, était d'intéresser celui-ci au sort de ces débris épars de royautés, et d'arriver à les faire rassembler en faisceau dans leur commune patrie! Le général Bertrand en avait écrit deux fois à l'ex-roi Joseph pour savoir s'il approuvait ce projet; mais, ne recevant point de réponse, il suivit son propre mouvement, et offrit alors les armes de Napoléon au roi, qui les refusa au nom d'une famille qui était, ditil, en conspiration permanente contre son trône, mais qui voulut bien les accepter au nom du général. Ce présent, fait au roi des Français, donna lieu à une réclamation de la part de l'ex-roi Joseph, dans laquelle il reprochait au général d'avoir frustré, par trop de complaisance, les membres de la famille de Napoléon, de la portion de l'héritage du chef, qui devait être pour eux la plus précieuse (*). La même année, le général Bertrand fit encore hommage à la ville de Paris d'un nécessaire en vermeil, et à sa ville natale de divers objets ayant appartenu aussi à l'Empereur. L'Angleterre ayant enfin consenti à rendre à la France les dépouilles du héros que vingt-cinq ans auparavant elle avait si lâchement fait prisonnier, les anciens compagnons de captivité de Napoléon furent appelés à faire partie de l'expédition chargée d'aller enlever à la terre de Sainte-Hélène, les restes du plus grand capitaine des temps modernes. Les compagnons d'exil du grand homme eurent alors la satisfaction de considérer comme prochaine la réalisation du dernier vœu de Napoléon «Que son corps reposat » sur les bords de la Seine, au milieu

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des Français qu'il avait tant aimés. »> Bientôt après il ne resta plus de Na

(*) Depuis cette donation, le procès des lettres, attribuées au roi, a peut-être fait penser au général que les armes de Napoléon eussent été plus convenablement placées dans son tombeau.

TOME I.

poléon à Sainte-Hélène que son souvenir, et ces paroles terribles que la harpe éolienne, suspendue dans l'air, vibre à chaque vent: « Je lègue l'opprobre « de ma mort à la maison régnante « d'Angleterre ». Le général Bertrand dut se trouver heureux, lorsqu'à la fin de 1840, il put, escorté d'un peuple immense, conduire les dépouilles de celui auquel il avait montré un si héroïque attachement, à l'hôtel des Invalides, où le gouvernement n'a voulu probablement inhumer qu'un grand capitaine. Jusqu'à ce jour, les ouvrages du général Bertrand se bornent aux discours qu'il a prononcés pendant sa législature, et à quelques opuscules; mais on assure qu'il est arrivé au moment de pouvoir remplir un des désirs exprimés par Napoléon à Sainte-Hélène, celui qu'il publiat un des épisodes les plus brillants de la vie glorieuse du moderne César: l'Histoire de l'expédition d'Égypte. Les deux premiers volumes de cet ouvrage ont été écrits par le général Bertrand sous la dictée de Napoléon; les deux derniers sont de la composition du général : le public est appelé à jouir incessamment de la lecture de ce livre, car il doit être mis

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prochainement sous presse. - Du mariage du général Bertrand avec madedemoiselle Dillon, sont issus une fille, mariée à M. Amédée Thayer, avocat et membre du conseil-général; et trois fils au service : l'aîné, Napoléon, né à Paris, capitaine-commandant des spahis, à Oran; le second, Henri, né en Illyrie, capitaine au 4e régiment d'artillerie; le troisième, Arthur, celui dont l'article suit.

ÉCRITS DU GÉNÉRAL BERTRAND.

I. Lettre du général Lafayette aux électeurs de Meaux [et Lettre du général Bertrand aux électeurs de Chateauroux]. Lyon, de l'impr. de Boursy, 1831, in-8 de 4 pag.

II. A M. Perrotin. Paris, Techener, 1833, in-4 de 4 pag.

Au sujet de l'Histoire de l'empereur Napoléon, par M. Abel Hugo, dont M. Perrotin était éditeur.

III. Sur les fortifications de Paris. Paris, Techener, 1833, in-8 de 48 pag. [1 fr. 25 c.]

IV. Nouveau Discours sur la liberté

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de la presse. Paris, Techener, 1834, in-8 de 16 pag. Discours sur la question des associations. 1834, in-8 de 28 pag. Discours prononcé à la tribune nationale, au sujet de la proscription décrétée le 10 avril 1852, contre la famille de feu l'empereur Napoléon. 1834, in-8 de 12 pag. Quatrième Discours prononcé à la tribune nationale, dans la session de 1834, le 14 mai, contre le dernier projet de désarmément. 1834, in-8 de 28 pag.

Un autre discours du général Bertrand, non prononcé à la Chambre, mais imprimé, a échappé à nos recherchés; il est intitulé: Projet de discours, in-8 de 8 pag. La discussion de la proposition Bricqueville sur le bannissement de la branche aînée des Bourbons, donna naissance à cet écrit. Le général Bertrand y proposait l'adoption de la loi anglaise sur les Stuarts, qui rendait passible de mort tout individu ayant passé une nuit sous le même toit que les proscrits.

V. Aux électeurs de Chateauroux, de Paris, de Saint-Denis, de Versailles, etc., etc., etc. Paris, Techener, 1834, in-4 de 4 pag.

VI. Sur la détresse des colonies françaises en général, de l'ile Martinique en particulier, et de la nécessité de diminuer la taxe exorbitante établie sur le sucre exotique. Paris, de l'impr. de F. Didot, 1839, in-8 de 48 pag.

VII. Exposé fait par l'ancien grandmaréchal Bertrand, relativement aux armes de Napoléon. Paris, Techener, 1840, in-4 de 8 pag.

Proposait de les appendre à la colonne de la place Vendôme, quand les cendres de Napoléon y auraient été déposées.

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BERTRAND [Arthur], officier, troisième fils du précédent, est né le 9 janvier 1817 à Sainte-Hélène. C'est de lui que la comtesse, sa mère, dit, en le montrant à Napoléon : « Sire, j'ai l'hon»neur de vous présenter le premier Français qui soit entré à Longwood » sans la permission du gouverneur. » M. Arthur Bertrand obtint, en 1840, d'accompagner son père à Sainte-Hélène, et de revoir pour la dernière fois le lieu qui l'a vu naître. A son retour, il mit la dernière main à des souvenirs sur la solennité de la translation de Napoléon, qu'il fit paraître le 5 mai, anniversaire de la mort du grand homme, souvenirs qui parurent sous ce titre :

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Lettres sur l'expédition de SainteHélène en 1840. Paris, Paulin, 1840, in-12 de 248 pag. [3 fr. 50 c,].

BERTRAND [Michel], docteur en médecine, médecin de l'Hôtel-Dieu de Clermont, et inspecteur des eaux du Mont-d'Or, membre de l'Académie de Clermont, associé de l'Académie royale de médecine depuis le 27 décembre 1820, etc; né en Auvergne (*).

I. Essai touchant l'influence de la lumière sur les êtres organisés, sur l'atmosphère et sur les différents composés chimiques. Paris, an vIII [1800], in-8.

II. Recherches sur les propriétés physiques, chimiques et médicales des Seconde eaux du Mont-d'Or. 1810. édition, considérablement augmentée. Clermont-Ferrand, Thibaud-Landriot; Paris, Gabon; Lyon, Bohaire, 1825, in-8 [7 fr.].

BERTRAND [P.], fils du précédent.

Voyage aux eaux des Pyrénées. Clermont-Ferrand, de l'impr. de Thibaud-Landriot, 1839, in-8 [5 fr.].

BERTRAND [ Alexandre - JacquesFrançois], érudit médecin, naturaliste et physicien, docteur en médecine de la Faculté de Paris, né à Rennes [Ille-et-Vilaine], le 25 avril 1795. Dans ses études au lycée de cette ville, il n'eut d'abord aucun succès; il suivait les classes sans montrer de goût pour ce qu'on y enseignait. Seulement il avait lu de bonne heure les ouvrages de Jean-Jacques Rousseau, et cette lecture avait fait sur lui une profonde impression; elle lui avait donné une exaltation de nobles sentiments qui le rendait remarquable et même étrange au milieu des enfants de son âge : tous étaient frappés de sa supériorité morale. Mais quand il vint à étudier les mathématiques, il fit paraître tout-à-coup une grande aptitude. Il fut reçu à l'École polytechnique en 1814. Après les centjours, sa conviction politique, radicalement opposée à la restauration, le porta à quitter l'École, et à renoncer aux diverses carrières dont elle ouvre

(*) Dans sa «Biographie de l'Auvergne » M. Aigueperse a consacré quelques lignes au docteur Bertrand, mais elles constituent moins une notice biographique qu'un article d'almanach d'adresses. Prénoms, lieu et date de naissance, date de la publication de la première édition du seul ouvrage de ce médecin, tout y est omis. Des livres faits ainsi sont des monuments élevés à la vanité des localités; mais ce ne sont pas des livres utiles.

l'accès: il voulut vivre indépendant, et il embrassa l'étude de la médecine. Il a lui-même raconté, dans la préface d'un de ses ouvrages, par quel hasard, n'étant pas encore docteur, il eut connaissance des phénomènes attribués an magnétisme animal. Ces merveilleux phénomènes excitèrent vivement toute son attention. Il vit là un monde nouveau de connaissances à acquérir; il vit aussi, dans la cause des partisans du magnétisme, une cause persécutée, et il en prit la défense avec toute l'ardeur d'un cœur généreux et tout dévoué à la vérité. Bertrand fut reçu docteur de la Faculté de médecine de Paris, le 13 avril 1819. La thèse trèsremarquable qu'il soutint pour sa réception est intitulée: Examen de l'opinion généralement admise sur la manière dont nous recevons par la vue la connaissance des corps. A peine médecin, il ouvrit des cours pour exposer les phénomènes qu'il avait constatés. Tous ceux qui l'ont entendu alors, soit dans les cours publics qu'il ouvrit à ses frais, soit à l'Athénée, se rappellent la profonde impression que produisait sa généreuse audace, quand il bravait ainsi tous les anathèmes des savants constitués, et toutes les railleries des esprits forts, lorsqu'il expliquait les phénomènes, soit de l'extase, soit du magnétisme. Il était vraiment éloquent sur toutes ces questions mystérieuses de notre nature qui touchent de tous côtés à des abîmes. Sa profondeur métaphysique, sa science, son érudition, la vivacité de ses attaques contre les incrédules, commencèrent à faire revenir bien des esprits sur une cause que l'on croyait jugée sans retour. Si les phénomènes du somnambulisme sont aujourd'hui assez généralement admis, c'est certainement

lui qu'on le doit. Mais ses efforts pour faire connaître la vérité lui coûtèrent la santé des attaques violentes d'hémoptysie mirent deux fois sa vie en danger, et affaiblirent pour toujours sa constitution. Sa fin prématurée fut ainsi marquée d'avance dès le début de sa carrière; car, quoiqu'il ait survécu plusieurs années, sa mort fut certainement causée par l'intensité et l'énergie de son premier effort: le Traité du Somnambulisme, qui parut en 1823, fut le résultat de cet enseignement. Dès cet

ouvrage, Bertrand distinguait soigneusement du magnétisme animal les phénomènes observés par les magnétiseurs. Il admettait les faits constatés, mais il se montrait assez peu partisan de la cause à laquelle on les rapportait, que cette cause fût le fluide mesmérien, ou un influx nerveux d'une espèce particulière, ou la volonté du magnétiseur, considérée comme une force immatérielle. Sur toutes ces explications, il se montrait ou incertain ou fort incrédule. Mais bientôt, en continuant ses recherches et ses observations directes, il finit par se convaincre que les phénomènes n'avaient nullement pour cause cette. volonté du magnétiseur, et que le prétendu magnétisme n'était qu'une chimère. En même temps, l'histoire s'ouvrant devant lui, il découvrait de siècle en siècle des faits du même genre que ceux qui s'observent dans le traitement des magnétiseurs, ou plutôt les mêmes faits rapportés successivement à toutes sortes de causes. Il vit alors que tous ces phénomènes qu'il avait sous les yeux, loin d'être nouveaux, étaient pour ainsi dire permanents dans l'humanité. Il ne s'arrêta pas à croire, avec les magnétiseurs, que cette identité des phenomènes doit être attribuée à on ne sait quels procédés et attouchements magnétiques opérés dans les différentes sectes religieuses où l'extase s'est produite, à l'insu même de ceux qui sont censés les avoir pratiqués, mais avec la même bonne foi qu'il avait mise à défendre le magnétisme quand il lui avait paru défendable, il se prononça contre lui quand il fut bien convaincu que c'était

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erreur. Les magnétiseurs, qui étaient venus se grouper autour de lui et mettre leurs idées sous l'appui de son éloquence, commencèrent à murmurer et à se tourner contre lui. Bertrand se trouva donc seul dans sa voie, entre les savants, qui rejetaient aveuglément les phénomènes du somnambulisme uniquement parce qu'ils leur semblaient inexplicables, et les magnétiseurs, qui mêlaient à ces phénomènes une foule de faits controuvés, de rêveries absurdes, et d'explications chimériques. Il construisit alors, pendant plusieurs années de réflexions et d'observations, sa belle théorie de l'extase. Son idée générale est que la nature

humaine est susceptible de présenter, sous l'influence de diverses causes morales, un état particulier, différent dans l'état de veille, différent dans l'état de sommeil, et dans lequel se manifestent des facultés différentes de celles qui se produisent ordinairement pendant la veille. A l'aide de ses propres observations et d'une critique sévère, il énuméra, distingua, restreignit à leurs véritables limites ces facultés, et montra en quoi elles se rapprochaient, en quoi elles s'éloignaient des facultés que nous regardons comme l'apanage naturel de l'humanité. Le magnétisme animal ne fut plus pour lui que la dernière occasion historique de la production des phénomènes qui s'étaient répétés constamment de siècle en siècle. La secte des magnétiseurs, avec tous ses prodiges, ne fut que la reproduction sous une forme assez mesquine, d'une longue série de semblables thaumaturges. Toutefois Bertrand ne songea pas à exposer à l'instant même ses vues nouvelles dans toute leur étendue. Il sentait trop l'immensité des recherches historiques qu'il avait à faire pour traiter dignement ce sujet. Seulement, lorsqu'en 1826 l'Académie de médecine nomma une commission pour l'examen du magnétisme, il crut de son devoir de donner à l'Académie et au public le précis de ses vues et de ses travaux. Il était incontestablement le savant le plus versé dans la question que l'Académie prétendait juger. Il fit paraître alors un livre intitulé: Du magnétisme animal, suivi de Considérations sur l'extase. Mais ce livre n'empêcha pas l'Académie de donner dans le piége où Bertrand aurait voulu lui éviter de tomber. Par l'organe de sa commission elle se déclara pour le magnétisme, et ne distingua en aucune façon les phénomènes de la cause à laquelle on les attribuait. Bertrand avait passé un instant par cette illusion, mais il avait eu la force d'en sortir. La discussion de l'Académie n'offrit qu'un chaos ténébreux on vit ses membres, divisés en partisans et en adversaires du magnétisme, combattre les uns contre les autres avec acharnement, sans qu'il soit résulté de leurs longues discussions aucune lumière. Bertrand était dès lors bien plus vite avancé dans la

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connaissance de la vérité, et les débats de cette assemblée ne lui furent d'au

cun fruit pour l'ouvrage qu'il méditait. Bien sûr de n'être pas dépassé, et d'ailleurs tout dévoué à la science pour elle-même, il avait résolu de consacrer plusieurs années à réunir tous les matériaux de ce grand ouvrage. Il se contentait seulement d'en donner des aperçus quand l'occasion s'en présen tait. C'est ainsi qu'il écrivit pour «<l'Encyclopédie progressive » un article fort remarquable que l'on intitula De l'Extase, mais qui ne concerne spécialement qu'une des facultés de l'extase, l'inspiration. Conformément à ses principes de morale stricte et sévère, Bertrand s'était marié jeune. Il avait épousé une des filles d'un patriote bien estimé en Bretagne, M. Blin, directeur de la poste aux lettres de Rennes, un des membres du conseil des CinqCents qui protestèrent le plus énergiquement contre Bonaparte; vieux type républicain, que la jeunesse bretonne retrouva en 1815 pour présider sa fé. dération, qui ne manqua pas non plus dans le carbonarisme, et qui n'est mort qu'après 1830 (*). Pour nourrir sa jeune famille, Bertrand chercha dans les sciences quelque sujet qui fût plus du goût du public que les découvertes originales. L'étude de la géologie était alors assez négligée, mais il était aisé de sentir que cette science était en progrès. Bertrand écrivit un ouvrage clair, facile, et plein de réflexions intéressantes, sous le titre de Lettres sur les révolutions du Globe. Ce livre a eu cinq éditions, et il est certainement une des causes de la popularité actuelle de la géologie. Ce succès engagea l'auteur à faire pour la physique un travail du même genre. Mais les Lettres sur la Physique ayant pour objet une science qui ne veut pas ètre traitée superficiellement, ces nouvelles lettres ne charmèrent point les gens du monde auxquels l'auteur les avait destinées, et n'apprirent rien ou peu de chose aux érudits.-Lors de la fon

(*) La présidence de la fédération bretonne que la jeunesse de Rennes avait supplié M. Blin d'accepter, fut le motif de la brutale destitution de ce dernier, lors de la seconde rentrée des Bourbons. Il n'y eut que les chouans qui ne regrettèrent pas ce bon et honorable administrateur. J.-M.-Q-D.

dation du «Globe, recueil philosophique et littéraire », en 1825, Bertrand eut une grande part à cette fondation. Il fut constamment et pendant cinq ans le rédacteur de la partie scientifiqué de ce journal. Le public lui doit une heureuse innovation, qui, du « Globe », s'est ensuite étendue à toutes les feuilles périodiques : c'est le compte rendu des séances des académies. Jusque là l'Académie des sciences, l'Académie de mé decine, et toutes les sociétés scientifiques tenaient leurs séances dans un grand éloignement du public: c'était à peine si quelques nouvelles de ce qui s'y passait arrivait de temps en temps à la connaissance des savants éloignés de la capitale; le reste de la société restait complètement étranger à ces communications. Les rédacteurs du 《Globe» eurent l'idée de faire tomber ces barrières, d'intéresser la société aux travaux des savants, et de mettre les savants en présence du public: ce fut Bertrand qui exécuta ce projet : ce ne fut pas d'abord sans grandes difficultés à surmonter pour le réaliser. Il est incontestable qu'une grande part de l'utilité qu'a pu avoir le « Globe » doit revenir à Bertrand. 11 fut vraiment le rédacteur philosophe de cette feuille. Aujourd'hui, en feuilletant ce recueil, les articles qui lui appartiennent nous paraissent, entre tous, les plus substantiels et les plus durables. Nous ne parlons pas même de ceux qui se rapportent directement à sa théorie de l'Extase, ni les applications qu'il fit de cette théorie à des questions obscures de l'histoire, expliquant des personnages jusque là inexplicables, ou rendant raison des phénomènes singuliers qui se passaient alors sous nos yeux, tels que les miracles souvent bien attestés du prince de Hohenlohe, ou les miracles Swedenborgistes de madame de Saint-Amour, ou les supplices volontaires de certains extatiques de la Suisse, ou ces épidéinies contagieuses de brûleurs qui se communiquèrent d'un bout de la France à l'autre, et de là dans toute PEurope. Nous ne parlons pas non plus d'autres applications plus particulièrement médicales qu'il fit de cette théorie à des phénomènes pathologiques, tels

e la rage et les effets de la piqûre de

la tarentule, ainsi qu'à différentes maladies nerveuses. Enfin, nous ne voulons pas non plus parler de la solide réfutation d'une spirituelle hypothèse psycologique que M. Jouffroy avait émise sur la nature du sommeil. Tout cela peut paraître se rapporter trop exclusivement à la science pure; mais n'est-ce pas, par exemple, un véritable service rendu à l'humanité que sa longue protestation contre les arrêts de mort dont l'ignorance de nos jurés et de nos juges frappait, il n'y a pas encore dix ans, de véritables fous, les monomanes? Bertrand, qui avait présent à l'esprit l'effroyable spectacle des bûchers allumés au moyen-âge, et jusque dans le xvne siècle, pour les malheureux accusés de sorcellerie, et à qui ses études avaient montré qu'en effet ces procès étaient fondes sur des faits veritables, se sentait plein d'indigna tion quand il voyait condamner à l'é chafaud des hommes privés de leur liberté morale par des hallucinations semblables. Tout ce qu'il a écrit sur la monomanie homicide et sur le danger de la multiplier par la contagion de l'exemple est excellent. Il a bien fallu, à la fin, que les savanis se rangeassent à son avis; et il en est résulté un commencement de réforme judiciaire, qui, nous l'espérons pour l'honneur de notre siècle, portera un jour de plus grands fruits. Un autre service important que Bertrand rendit au public, c'est la critique hardie et neuve alors qu'il fit du Broussaissianisme. Au moment de la plus grande vogue et de la tyrannie la plus insolente de ce système, Bertrand s'en déclara l'adversaire. Il rendit justice au génie aventureux qui avait inventé cette facile théorie médicale; mais il montra toute la faiblesse de la physiologie dont on voulait étayer après coup ce système, physiologie improvisée sur les plus singulières erreurs de physique et de mécanique. On peut dire que le docteur Miguel, rédacteur de la « Gazette de santé », et lui, profitant de la puissance que donnent les journaux, * furent ceux qui contribuèrent le plus à renverser ce colosse aux pieds d'argile. Nous ne parlerons pas d'un grand nombre d'autres controverses scientifiques auxquelles Bertrand prit part. Les services qu'il rendit aux sciences

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