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bien produit par la simplification des manoeuvres. A ce mode de diminuer encore les dépenses sans affaiblir pourtant la puissance militaire, il s'oppose pourtant une limite, car on ne saurait amoindrir indéfiniment la quantité des soldats, en cherchant de plus en plus à quintessencier leur qualité.

L'esprit belliqueux de la nation permettra encore d'employer les militaires qui auront achevé leur temps légal de service, et de constituer avec eux une masse aguerrie et solide, laissée dans ses foyers, appoint essentiel qui coûtera à peine pour être entretenu et à même de répondre au premier appel.

Il faciliterait aussi la création d'un certain nombre de centres militaires où l'on grouperait les troupes aujourd'hui trop disséminées, ce qui amènerait la simplification de certains rouages, permettrait de réduire le nombre des propriétés aliénables du domaine militaire (1), et par conséquent pro

d'instruction; mais elles sont bien loin d'être toutes d'une nécessité indispensable pour la guerre comme elle doit être faite. Tenir les rangs serrés, bien exécuter les formations et les déploiements des colonnes; savoir charger ses armes et tirer sans trop de précipitation, voilà ce que le soldat a besoin de savoir, parce que c'est ce qu'il doit exécuter tous les jours. Les alignements sur un petit front et le maintien des distances sont l'affaire des guides. Or, si l'on ne s'endort pas dans la pédanterie des détails, il ne faut pas un an pour l'apprendre. Nous n'eûmes pas six mois, nous volontaires de 1791. » Fin du dernier des articles intitulés : Idées sur le système militaire de la France et sur l'organisation de l'armée de terre, dans le journal La Sentinelle de 1841.

(1) Ce domaine comprend les fortifications de la France qui sont inaliénables et qu'on ne saurait évaluer, et aussi les bâtiments de toute espèce et terrains divers que l'administration des domaines évaluait récemment à 284 millions.

duirait une économie en même temps, que plus d'esprit militaire et plus de mobilité chez des soldats moins enracinés qu'ils ne le sont dans les petites localités.

Malgré les anomalies précitées, celle de l'année 1793, par exemple, pendant laquelle la France, fort appauvrie, a entretenu un chiffre de troupes plus fort que jamais (nous devons, il est vrai, considérer cette époque comme une exception qui montre l'influence du dévouement patriotique dans la guerre); malgré ces anomalies, arguons-nous, et, malgré la possibilité d'abaisser sans inconvénient, au point de vue guerrier et chez certaines nations, comme nous venons de le voir pour la France, le rapport entre la puissance militaire et la richesse, il faut néanmoins conclure de ce chapitre que, chez les nations modernes, il y a généralement rapport direct eutre la puissance militaire et la richesse. C'est naturellement dans ce sens que le rapport doit s'établir aujourd'hui, en dehors des temps de révolution, parce que, depuis le commencement du monde, les sociétés humaines réalisent, dans le cours suivi de leur existence, des progrès successifs qui les grandissent et les enrichissent. Or, l'enrichissement ne saurait être créé sans qu'il en résulte, pour chacune des branches de l'administration nationale, une augmentation ou tout au moins une organisation meilleure ; la portion de cette administration chargée de la défense du territoire profitera donc elle aussi de cette disposition inévitable, s'améliorera, gagnera en force et en importance. Il n'y a point à craindre que l'on retombe dans les inconvénients des vieilles civilisations grecque et romaine, où les acquêts réalisés par l'Etat en vieillissant, c'est-à-dire en se perfectionnant, passaient à des dépenses impossibles de nos jours, et cela par deux motifs :

1° Parce que la coutume de faire des distributions à la

populace dans le but de la contenter et de donner ainsi à chaque citoyen le temps de s'occuper des affaires publiques et de parler sur elles, cette coutume ne saurait revenir, chacun ayant les mêmes droits, ce qui obligerait à soudoyer tout le monde, ce à quoi les impôts ne suffiraient pas, et ce qui reviendrait à rendre en quelque sorte à chacun son impôt ou partie de son impôt ;

20 Parce que les nations n'entreprennent plus la guerre que par exception, pour un but spécial et momentané, non pas seulement pour donner carrière à la turbulence de leur jeunesse, au lieu de la faire à perpétuité comme les Romains et comme certains Etats grecs (1). En sorte que le temps de paix doit produire une épargne propre, si on ne la dissipe pas, à se reporter sur le temps de guerre, et à le rendre fructueux indépendamment des efforts particuliers et des sacrifices que la nation peut s'imposer sur le moment, efforts et sacrifices qui dépendront de son crédit, ou, suivant Aristote, de « l'étendue de ses ressources (2) »

Voyons si l'examen de la situation de l'Angleterre nous fournira les mêmes résultats.

(1) Les Spartiates entre autres. Rappelez-vous les Dix-Mille et ces ingénieux Grecs qui couraient le monde pour placer leurs services.

(2) Cet écrivain a dit : « L'étendue des ressources est en politique un point important. >>

Éd. DE LA BARre Duparco.

(La suite à la prochaine livraison.)

QUATRIÈME MÉMOIRE (1).

DE LA DÉMOCRATIE.

Dans tout État, il existe au-dessous du chef ou des principaux citoyens une masse d'hommes ayant pour elle l'avantage sous le rapport du nombre, et le désavantage sous celui de la fortune et de l'instruction. Cette masse peut vivre absolument passive et soumise, ou exercer une certaine influence sur les affaires publiques ou même les gouverner d'une manière prépondérante.

L'expression de démocratie ne trouve son occasion et sa place que dans les deux dernieres hypothèses. Dans l'une d'entre elles il y a un élément démocratique inhérent à la Constitution, dans l'autre la démocratie indique la nature du gouvernement lui-même.

Il semble que la démocratie se rencontre sous deux formes dans l'histoire. Il y a celle des sociétés pauvres et dans l'enfance, où la démocratie résulte de l'absence de tout élément supérieur dans la société. C'est la démocratie qui paraît exister dans les cantons primitifs de la Suisse, c'est celle qui a été remplacée par l'aristocratie, à Venise, par exemple, et qui n'a d'autre fondement que la faiblesse et la dissémination de l'autorité. On peut dire de cette forme rudimentaire de la démocratie qu'elle a

(1) V, t. LXXXI, p. 99 et 321; et t. LXXXIII, p. 5.

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