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ces critiques, l'épine douloureuse se mélange au laurier triomphal.

Toutefois, nous nous sommes bornés à reproduire, en les condensant de notre mieux (mais bien des obstacles se sont maintes fois opposés à nos efforts, et dans ce but nous avons dû souvent renoncer, non sans regret, à y faire figurer d'intéressants développements) les opinions émanant d'écrivains célèbres aujourd'hui encore, ou ayant eu une réelle influence sur leur époque et dont, pour ces motifs, les noms sont restés plus profondément gravés dans les mémoires.

Nombreux sont les documents originaux qui ont servi à élaborer l'étude préliminaire dont nous avons voulu faire comme le diagramme de la critique cornélienne durant les trois siècles. Quant à ceux qui, en raison de leur caractère anecdotique et pittoresque, étaient susceptibles de piquer plus particulièrement la curiosité du lecteur, nous les avons placés en APPENDICE de l'ouvrage, appendice que termine la liste des principales œuvres de critique et d'érudition que nous avons consultées.

A défaut d'un travail complet dont le développement eut exigé plusieurs volumes, ce recueil, où se condensent trois cents ans de littérature, n'est donc qu'un simple RÉSUMÉ DE LA CRITIQUE CORNÉLIENNE AUX XVII, XVIII ET XIX SIÈCLES.

AVIS AU LECTEUR

Nous avertissons le lecteur de la Notice ci-contre que les renvois chiffrés se rapportent tantôt aux notes placées respectivement au bas des pages, tantôt à celles de l'appendice. Les premiers sont indiqués par de petits chiffres, les renvois aux notes d'appendice se reconnaissent à des chiffres plus gros.

CORNEILLE DEVANT TROIS SIÈCLES

LE THEATRE AVANT CORNEILLE

On ne considère géneralement le génie de Corneille que dans ses manifestations tragiques. On oublie volontiers que, comme l'a si bien dit Brunetière, Corneille avait << l'outil universel » et qu'avant d'être un Tragique supérieur à ses devanciers, il fut véritablement le créateur de la Comédie en France.

En ce qui concerne la tragédie, c'est à Mairet que revient l'honneur de l'avoir renouvelée des anciens, à l'heure où la tragi-comédie faisait encore régner au théâtre à peine naissant, un genre équivoque, et, parfois, même, ridicule. La Sophonisbe, de Mairet, qui rénova l'usage antique des trois unités (unité d'action, de lieu et de temps), est, en effet, la première œuvre vraiment tragique et régulière de la scène française; le Cid qui apparaîtra sept ans après, en 1636, n'est en somme qu'une tragi-comédie épurée, ou, si l'on veut,

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une comédie héroïque, car Pierre Corneille fut tout d'abord un poète comique au sens élevé du mot

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et dans le même temps en 1629 que Mairet, d'ailleurs justement oublié, a fondé la tragédie française.

Avant les débuts de Corneille au théâtre, la comédie n'existait pour ainsi dire pas. Au temps de la Pléiade, elle avait fleuri, de même que la tragédie, en genre purement littéraire. Mais la comédie des Jodelle, des Baïf, des Grevin et des Belleau, n'est que l'imitation inférieure de Plaute et de Térence. Et dès le jour qu'un théâtre s'établit à Paris, vers 1600, à l'hôtel de Bourgogne, la tragi-comédie, genre hybride, règne souverainement avec Alexandre Hardy, fournisseur attitré des comédiens de la capitale. Ce poète, qui n'a pas conçu moins de sept à huit cents pièces dont il nous en est resté une quarantaine environ, écrivait à la hâte 8 à 10 jours lui suffisaient pour réaliser une œuvre dramatique en cinq actes ou journées - des pastorales et des tragi-comédies où s'affirme, surtout, un complet manque de goût. Son règne omnipotent ne connut pour ainsi dire pas de rivaux. Pourtant, dès 1617, une concurrence s'était créée. Cette date, en effet, est celle de l'apparition, sur la scène française, de l'école italienne dont les << pointes et les « concetti » du cavalier Marino, trouvent, à cette époque, grâce aux imitations de Théophile de Viau (1), les approbations du monde élégant qui se forme à peine sous la direction morale de l'hôtel de Rambouillet.

Dès lors, les suivants de Théophile: Racan (2), Mai

(1) Théophile de Viau (1590-1626) fait représenter en 1617: Théogène et Chariclée.

(2) Racan (1589-1670) fait représenter en 1618 : Les Bergeries.

ret (1) et Gombault (2), recueillent eux aussi, à peu d'intervalle, l'assentiment des gens bien élevés. Mais encore ceux-ci ne se risquent-ils que modérément au Théâtre, car la fade pastorale et la déclamatoire tragi-comédie s'y accompagnent, inévitablement, de tabarinades grossières, pareilles à celles du Pont-Neuf, et qui blessent par trop les bienséances.

Mais voici que tout à coup, brusquement, sur un ton nouveau, à la fois moins choquante dans l'esprit et dans la langue, presque épurée, la véritable comédie fait son apparition.

Sans bassesse dans les caractères, comme sans outrance dans l'intrigue, elle reflète assez bien, et d'alerte façon, les mœurs de l'époque. C'est tandis que Mairet innove la vraie tragédie l'aurore de la comédie moderne : voici, en effet, Pierre Corneille qui débute au Théâtre, apportant de l'art où il n'y a encore que d'informes ébauches de comédie; voici Mélite, la première œuvre qu'ait produite le grand homme.

CORNEILLE ET SES CONTEMPORAINS

C'est à Rouen (sa ville natale), que, à l'occasion d'un séjour du célèbre comédien Mondory (1628), se décida la carrière magnifique de Pierre Corneille.

Sous l'impression d'une aventure amoureuse, ce jeune robin de vingt-trois ans (3) qu'était alors le futur « auteur

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(1) Mairet (1604-1686) fait représenter en 1621 : Sylvie. (2) Gombault (1570-1666) fait représenter en 1625: Amarante. (3) PIERRE CORNEILLE est né à Rouen le 6 juin 1606. · En 1628, étant avocat, il venait d'acquérir, sur les traces de son père, les offices d'avocat du roi au siège des Eaux et Forêts et de premier avocat du roi en l'amirauté de France, au siège général de la table de marbre du Palais de Rouen.

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