Page images
PDF
EPUB

même ligne tous ces cerveaux qui, dans la suite du règne animal, semblent décroître comme l'industrie ; tous ces cœurs dont la structure devient d'autant plus simple qu'il y a moins d'organes à vivifier et à mouvoir; tous ces viscères où se filtre de tant de manières, le fluide élastique que nous respirons; tous ces foyers où s'élaborent tant de substances différentes, destinées à se convertir en chyle, et d'où se séparent les molécules grossières des os; l'esprit éthéré, dont les nerfs paraissent être les conducteurs; le ferment de la digestion, qui maintient la vie au dedans de l'individu, et cette liqueur, plus surprenante encore, quoiqu'elle ne coûte pas plus à la nature, qui propage l'existence au dehors, et qui contient mille fois en elle l'image ou plutôt l'abrégé de toutes ces merveilles ! >>

Dans le même discours, après avoir donné de nombreux et intéressants détails d'anatomie comparée, sur les muscles, les os, etc., il conclut : « Mais ne retrouve-t-on pas ici évidemment la marche de la nature, qui semble procéder toujours d'après un même modèle primitif et général, et dont on rencontre partout des traces ? >>

Il prépare donc des éléments à la démonstration de la série dont il a senti le plan. Entrons dans les détails.

1o Organes des sens. 1° Toucher. « On sent combien l'homme a d'avantage pour la délicatesse et l'étendue du toucher ses doigts sont un instrument d'adresse et de sensibilité; il n'y a pas, dans toute l'étendue de son corps, un point où cette fonction ne s'exerce, tandis que presque toutes les parties externes des animaux sont encroûtées et endurcies 1. >>

1 De la Sensibilité Mor., t. V, p. 35.

T. III.

2o Le goût. Il n'a fait aucun travail spécial sur ce sens; mais il l'a étudié dans les animaux dont il a fait l'anatomie.

3o Il en est de même de l'odorat et de la vue.

4o Mais il a étudié d'une manière spéciale l'organe de l'ouïe des oiseaux, comparé avec celui de l'homme, des quadrupèdes, des reptiles et des poissons. Après les détails les plus intéressants sur cet organe dans la série, il tire immédiatement les conséquences suivantes, qui traduisent nettement l'état de la science, et auxquelles on a fort peu ajouté.

1° L'existence des osselets, si elle n'est pas essentielle, est au moins très-utile pour la perception des sons, puisqu'on la trouve, sans aucune exception, dans tous les animaux susceptibles de les entendre : mais il n'est pas nécessaire qu'il y en ait plusieurs, puisqu'un seul suffit aux oiseaux et aux reptiles.

«< 2o Il est également démontré que les conduits demicirculaires sont une partie essentielle à l'organe de l'ouïe, puisqu'ils existent dans tous les animaux, où cet organe a été aperçu et bien décrit.

<< 3o Enfin, le limaçon, qui est particulier à l'homme et aux quadrupèdes, n'est pas indispensablement nécessaire aux fonctions de l'oreille interne, puisque les oiseaux, qui en sont dépourvus, entendent très-bien.

<< Il y a apparence (nous prions qu'on veuille bien nous permettre cette conjecture), que le limaçon forme, avec les conduits demi-circulaires, dans chaque oreille, un double instrument composé de deux parties trèsdistinctes, dans lesquelles la perception des sons se fait séparément, mais avec des rapports déterminés, ce qui doit ajouter à l'harmonie, à la sensibilité, et, pour ainsi dire, à l'intelligence de l'organe.

99

<< Ne pourrait-on pas, d'après ces réflexions, considérer le sens de l'ouïe sous un double point de vue: premièrement, par rapport aux parties essentielles à sa structure, qui sont une membrane, au moins un osselet, des conduits demi-circulaires et une pulpe nerveuse; secondement, par rapport à ses parties accessoires, qui sont la conque, le conduit auditif interne, plusieurs osselets, des muscles, la corde du tympan, et surtout le limaçon ? Ainsi les animaux dans lesquels on a démontré cet organe, pourraient être divisés en deux classes les uns réunissent, en effet, toutes les parties qui le constituent; les autres ont seulement celles que nous avons dit lui être essentielles. L'homme et les quadrupèdes doivent être rangés dans le premier ordre: outre que les oiseaux sont à la tête du second, on peut encore ajouter qu'ils ont les parties essentielles à l'organe de l'ouïe, les seules dont ils soient pourvus, beaucoup plus développées que l'homme et tous les autres animaux; de sorte que le sens de l'ouïe, dans les oiseaux, est aussi parfait qu'il est simple; et jusqu'à ce que l'on ait déterminé, avec plus d'exactitude, l'usage de la lame spirale du limaçon, qui leur manque, nous ne croyons pas que l'on puisse rien dire de plus précis sur la place qu'il convient de leur assigner. »>

Ce mémoire, si plein de faits neufs, est un modèle admirable de méthode en anatomie comparée. Il y définit l'organe, et le décrit dans son état complet dans l'homme, puis il le décompose, en en faisant voir les différences dans la série.

Locomotion. Ostéologie. Il a traité en détail du squelette des poissons, des oiseaux et des mammifères, dans des mémoires spéciaux et dans le Système anatomique de l'Encyclopédie méthodique. Il nous serait impos

sible de le suivre dans ces détails, et nous nous contenterons de faire remarquer quelques-uns des faits généraux qu'il constate.

« 1° Les vertèbres, les côtes, le sternum et les os du bassin, composent la charpente du tronc. Les vertèbres du cou sont, dans tous les quadrupèdes, au nombre de sept. » L'unau, qui n'était pas connu de Vicq-d'Azir, fait seul exception à cette règle. «La constance de ce nombre s'étend jusqu'aux cétacés, où il subsiste malgré la réunion apparente de plusieurs de ces vertèbres.... Le nombre des vertèbres du dos est toujours en raison de celui des côtes. Les vertèbres lombaires varient beaucoup.... Le nombre semble s'accroître à mesure que celui des vertèbres sacrées diminue. Plus on s'éloigne de l'homme, plus aussi on voit le coccyx se prolonger. Les pièces qui le forment sont au nombre de trente dans le phalanger, et de quarantedeux dans le fourmilier1. » Il a vu aussi que, dans les oiseaux, le plus grand nombre des vertèbres est au

cou.

« Le sternum est beaucoup plus étroit dans les quadrupèdes que dans l'homme, et le nombre des osselets qui le composent est toujours proportionné à celui des côtes que les anatomistes appellent vraies, et auxquelles j'ai donné le nom de sterno-vertébrales,» appelant les fausses côtes vertébrales. Il entre dans le détail de toutes ces parties dans les différents animaux, comme aussi sur les côtes et leur nombre. En général, la poitrine des quadrupèdes étant plus étroite que celle de l'homme, doit être plus longue, puisqu'elle a les mêmes viscères à contenir, et il fallait que les côtes qui

1 Disc. prél, de l'Enc. méth,

en forment l'enceinte fussent aussi plus nombreuses. «L'homme est conformé pour se tenir debout, en appuyant le talon sur la terre comme le reste du pied. L'articulation de la tête avec le cou, par le milieu de la base du crâne, concourt à prouver que l'homme est conformé pour marcher debout.

<< Les animaux ne peuvent se tenir debout sur les pieds de derrière, et ils n'appuient pas le talon sur la terre avec le reste du pied. » Il démontre que plus on s'éloigne de l'homme, plus les animaux tendent à marcher sur le bout des doigts. Il compare aussi le nombre des doigts dans la série des quadrupèdes.

Il fait encore remarquer que l'homme seul est bipède, « c'est-à-dire, que lui seul a deux pouces aux mains sans en avoir aux pieds, tous les autres ayant un pouce à chaque extrémité, comme les singes et les makis; ou en étant tout à fait dépourvus, comme la plupart des quadrupèdes ; ou n'en ayant qu'aux extrémités postérieures, comme le sarigue, etc. Il compare, en détail, les extrémités du squelette des quadupèdes avec celles de l'homme, puis leur station, et il conclut: « Ainsi, plus l'on s'éloigne de l'homme, plus on voit le pied se rétrécir et s'allonger; plus la partie qui sert d'appui diminue, et plus l'angle que le talon fait avec la jambe devient aigu. >>

Myologie. C'est surtout dans la myologie des singes et des oiseaux qu'il a fait le plus d'observations neuves; mais ici encore il démontre la supériorité de l'homme.

«Que l'on ne croie pas que la main des singes et autres animaux jouisse de la même force et de la même mobilité que celle de l'homme. » Il examine, en confirmation et dans le plus grand détail, les muscles extenseurs des doigts, d'une manière neuve, et qui lui

« PreviousContinue »