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à couronner l'œuvre par une large conception pathologique et thérapeutique, dont il a pu exagérer l'application, mais qui n'en restera pas moins comme une des preuves les plus fortes de son génie médical.

Et voilà, dans ces trois hommes, un homme de génie. Bichat et Broussais, conséquences de Pinel, et toute cette école, ne se sont point occupés de direction morale; Bichat seul l'a comprise et respectée; les deux autres l'ont combattue dans sa base, et le dernier a travaillé avec acharnement à sa destruction. Telle est la thèse que nous avons à développer.

Nous considérons donc Bichat comme continuant l'impulsion donnée par Pinel dans la direction de l'anatomie et de la physiologie générales ou médicales, mais avec tout le dévouement et l'entraînement de la jeunesse, en imprimant aux sciences médicales, en général, un mouvement phénoménal; et cela en moins de cinq ans.

II. Éléments et extrait de sa biographie.

Nous les trouvons, 1o dans un Discours prononcé sur sa tombe par Lepreux.

2o Dans un Précis historique sur M. F. X. Bichat par Buisson, 1802.

3o Une Notice historique sur la vie et les écrits Bichat, par Husson, en tête de la deuxième Traité des membranes, 1802.

4o Éloge de M. F. X. Bichat, par Levach méd. d'Émulation, 1803, t. V.

Buisson, son cousin, ayant commencé ses études avec lui, doit inspirer le plus de Biographie. Marie-François-Xavier Bi

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le 14 novembre 1771, à Thoirette, village de la province de Bresse, département du Jura, de Jean-Baptiste Bichat, docteur médecin de l'école de Montpellier, et de Marie-Rose Bichat. Bien que la fortune de ses parents fût médiocre, ils prirent un grand soin de son enfance et de son éducation. Il était l'aîné de la famille, et devait, par l'usage, suivre la carrière de son père. Il fit ses humanités au collége de Nantua, avec un assez grand succès pour mériter d'être couronné plusieurs fois dans les petits concours en usage dans les écoles.

En 1788, il entra au séminaire de Saint-Yrénée, à Lyon, pour y terminer ses études par son cours de philosophie, sous la direction de son oncle, le P. Bichat, jésuite. C'est un fait à noter dans l'histoire des sciences, que cette célèbre compagnie de Jésus, qui a toujours fait marcher de front l'étude de la science et de la religion. Après une telle direction, nous ne devrons donc point nous étonner de trouver Bichat religieux et plein de respect pour la vérité; cela même était en rapport avec l'étendue de ses connaissances.

La philosophie embrassait alors, dans son enseignement chez les jésuites, la physique, les mathématiques et les sciences naturelles. Dans ces nouvelles études, Bichat se montra d'une manière encore plus distinguée. Il s'appliqua surtout à l'étude des mathématiques et à celle de l'histoire naturelle, qui, bien qu'opposée à son goût pour les premières, ne laissa pas de lui inspirer une sorte de passion.

La révolution paralysant toute espèce d'instruction, Bichat quitta Lyon, et rentra dans sa famille, où il reçut de son père les premiers éléments d'anatomie. Ses progrès et son goût prédominant pour les mathématiques le reportèrent à Lyon, où il continua à les étudier en

même temps qu'il suivait le cours d'anatomie et les visites du Grand-Hôpital, qui a toujours fourni à la science une belle répartition de talents. Il y eut pour maître Marc-Antoine Petit, chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Lyon. Il obtint bientôt sa confiance entière, et fut même chargé quelquefois de faire des leçons pour lui avant l'âge de vingt ans.

Après le siége de Lyon, le séjour de cette ville devenu redoutable pour tout homme qui sentait un peu vivement, força Bichat à chercher, dans l'école de Paris, un abri contre la persécution qu'éprouvaient alors les jeunes gens de son âge pour la réquisition. Son but était de terminer ses études chirurgicales, et de se mettre en état de prendre du service dans l'armée.

Il arriva donc à Paris, en 1793, dépourvu de toute espèce de recommandation et livré à lui-même. C'était l'époque de la plus haute renommée de Desault. Bichat suivit assidûment la clinique de ce grand chirurgien, sans chercher à s'en faire connaître, lorsqu'une circonstance fortuite le mit bintôt en évidence. Desault avait établi un ordre remarquable dans sa clinique : chaque élève était appelé à son tour pour faire l'analyse de la leçon de la veille. Un jour, celui qui en était chargé étant venu à manquer, Bichat, à son défaut, donna une analyse qui le couvrit d'applaudissements, en le faisant remarquer par Desault. Celui-ci voulut le connaître plus à fond, et bientôt après il voulut rapprocher de lui un talent dont il prévoyait l'étendue; il lui ouvrit sa maison, le traita comme son fils, et comme devant l'aider et lui succéder. Dès lors Bichat se trouva dans l'obligation de travailler sans relâche, d'abord à s'instruire, puis à aider Desault dans la rédaction de ses ouvrages. Il partagea réellement tous ses travaux de pra

tique et de théorie, et surtout ses recherches d'érudition. La mort de son maître, arrivée subitement, en 1795, ne le découragea pas, quoiqu'il n'eût que vingt-quatre ans. Il commença par payer le tribut de la reconnaissance qu'il devait au grand chirurgien, dans le IVe vol. du Journal de Chirurgie, qu'il termina. Il devint l'appui de sa veuve et de son fils.

On dit que Corvisart s'en fit un aide après la mort de Desault.

Favorablement placé de bonne heure, Bichat put immédiatement ouvrir sa carrière. Pinel avait commencé à faire connaitre ses vues. Bichat lut le mémoire où il traite des maladies des membranes diaphanes, muqueuses, etc.; il fut frappé de la haute portée de ce travail et de cette nouvelle direction; et, tout en admettant les principes, il aperçut quelque chose qui ne lui plaisait pas dans leur application, et il fit, plutôt pour rectifier que pour combattre, son premier Mémoire sur les membranes: il se trouva ainsi dévié de la direction chirurgicale. Son maître étant mort peu de temps après, il entreprit, à vingt-six ans, pour la première fois, un cours d'anatomie, dans lequel il faisait souvent entrer des considérations physiologiques, qui ne contribuèrent pas peu au grand succès qu'il obtint. Il ne faut pas oublier Bichat fut au fond élève de Montpellier par les premières leçons de son père et par les œuvres de Bordeu. C'est là ce qui nous explique pourquoi il fut bon physiologiste, et comment l'âme des stahliens, devenue le principe vital à Montpellier, va devenir, entre ses mains, les forces et les propriétés vitales inhérentes à l'organisme, comme la pesanteur et l'attraction sont des propriétés inséparables des corps sidéraux et de la matière brute.

que

Bientôt après, il fit une innovation, en entreprenant un cours d'opération chirugicale, quoiqu'il ne fût pas exercé à la pratique; il le fit avec tant de méthode et d'habileté, qu'il obtint un succès prodigieux.

La fatigue, qui fut le résultat nécessaire des nombreuses leçons qu'il donnait tous les jours, et souvent plusieurs fois par jour (il faisait trois cours à la fois), détermina chez lui des accès d'hémoptysie. Il fut ainsi obligé de suspendre ses travaux pendant le temps assez long que dura sa maladie.

A peine fut-il rétabli, qu'il s'exposa de nouveau et avec plus de courage, en donnant à son cours d'anatomie une plus grande extension. Il ouvrit un amphithéâtre de dissection, où il eut de suite plus de quatre-vingts élèves. Alors il se livra sans interruption à la démonstration, aux préparations anatomiques et à la rédaction. A cette époque, il rédiga et fit paraître l'édition des OEuvres chirurgicales de Desault, qu'il dédia à Corvisart, ami de Desault, et peu après, il commença la publication de ses propres travaux.

Vers ce temps on vit éclore, parmi quelques élèves de l'École de médecine, le noble projet de se réunir, de se communiquer le fruit de leurs recherches, de rendre plus sensible, par la discussion, ce que les leçons des professeurs pouvaient présenter de difficile, de répéter les expériences tentées par les physiologistes les plus habiles. Ce projet, aussitôt exécuté que conçu, eut peu de partisans plus zélés que Bichat, et c'est à lui que la Société médicale d'Émulation doit la rédaction des règlements qui firent si longtemps sa gloire, et l'impulsion étonnante imprimée aux esprits de tous les membres qui la composèrent dans les premiers temps de sa formation 1.

I Husson.

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