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cienne, continuant ses progrès, arrivait à démontrer de plus en plus la théorie des causes finales, la série croissante et décroissante des organisations, et par suite, non-seulement un plan dans chacune d'elles, mais encore un plan général dans l'ensemble des êtres, comme il y en a un dans les familles, comme il y en a un dans les espèces et dans chaque être. Elle découvrait des rapports nécessaires entre ces êtres, et arrivait ainsi à démontrer le sceau d'un Dieu créateur de toutes choses, aussi évident dans l'ensemble que dans l'individu. Par là, elle est conduite à lire la conception du Dieu toutpuissant, qui a créé l'homme à son image et à sa ressemblance, parce que seul il peut comprendre ce plan, et par conséquent sentir en lui-même le prototype de son Créateur.

C'est là le desideranda de la science, le retour au but, au terme religieux, qui peut seul démontrer la fausseté de ces doctrines prises au sérieux, mais avec le respect que l'on doit à ces hommes qui, à l'aide d'une supposition, d'une hypothèse gratuite, approfondissent le sujet, quoique dans une direction fâcheuse; direction dont la puissance d'absurdité nous ramènera invinciblement à la confirmation de la vérité dogmatique, sur laquelle la science est forcée de s'appuyer, tout en la démontrant, sous peine de s'anéantir elle-même.

Telle est la thèse générale dont nous avons suivi jusqu'ici le développement, et dont nous devons terminer l'exposition dans ce volume, où nous aurons à juger la démonstration par l'absurde, et à voir comment elle revient nécessairement à la théologie. Ce n'est pas dans les premiers esprits que la tendance à constituer la science sans Dieu s'est fait sentir; mais nous l'avons vue et nous allons la voir mieux encore sortir de l'in

T. III.

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duction de Bacon, qui, quoiqu'il ne fût nullement athée, voulait uniquement l'étude des faits. Nous aurons surtout à voir comment cette direction a été poussée dans Broussais, Gall, Lamarck, Oken, et à en déduire comme conséquence notre démonstration.

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Considéré comme créateur des principes de la méthode naturelle, c'est-à-dire comme méthodiste et non comme botaniste.

I. Préliminaires.

Au point où nous sommes arrivés, les sciences naturelles vont reprendre définitivement leur rang dans la philosophie, et par suite, leur haute influence sur la société les collections publiques se multiplient, les musées se créent, de nombreux voyages sont entrepris pour étudier et recueillir les êtres naturels; mais ce serait méconnaître la puissance de la pensée humaine, de ne voir là qu'une espèce d'amusement d'enfant; au fond de ce mouvement, il y avait une pensée de réorganisation qui commençait son œuvre, en même temps que les doctrines de destruction de la philosophie dévoyée et travestie, achevaient de ruiner les bases sociales. Voici le moment, en effet, de rappeler cette déplorable scission qui s'opéra entre la théologie et les sciences, au

sortir de l'école de saint Thomas, scission que nous avons vue se perpétuer jusqu'ici d'une manière presque insensible. La théologie perdit un appui, et les sciences n'eurent plus de critérium certain. Bacon, à son insu, et Descartes peut-être encore plus, préparèrent au dixhuitième siècle les armes dont il se servit pour saper toute doctrine et renverser tout principe. Une réaction terrible se fit sentir sur le monde politique, et en modifia pour jamais la face. Le choc a retenti dans tous les sens, et le sol vascille encore, sans qu'on puisse dire quand il reviendra au repos. Cependant, le vide des fausses doctrines ne tarda pas à se faire sentir; quand tout a été détruit, on s'est étonné de ne plus marcher que sur des ruines. En vain de puissants moteurs se sont efforcés de reconstruire avec ces débris; ils étaient vermoulus, et puis les fondements affaissés touchaient au plus profond de l'abîme; ils y touchent encore! Le sort de l'empire a prouvé qu'il n'avait pas trouvé la puissance de régénération; il ne nous est resté de lui que les obstacles qui entravent un retour devenu tous les jours de plus en plus nécessaire, et appelé par tout ce qu'il y a de généreux au cœur de la société. Nous sommes toujours sous son influence, mêlée à celle de la révolution, dont elle n'était que le résultat.

Dans un tel état de choses, la science a, nous le croyons, une grande et immense mission à remplir; elle doit ramener le monde aux principes de vie, en démontrant aux plus incrédules que les grands principes de la foi catholique sont immuables. Elle doit, en un mot, revenir s'adjoindre à la vérité théologique. Telle est toujours notre thèse, confirmée par la marche de la science. En effet, pendant que tout tendait à la dissolution, les sciences naturelles, plus particulièrement,

marchaient au contraire vers une organisation solide et vraiment philosophique, malgré toutefois la tendance des hommes qui les cultivaient; ce phénomène, nous l'avons vu dans Buffon, et nous le voyons dans ce mouvement qu'amena la révolution française; toutes les écoles furent détruites; l'exil poussa sur tous les points du globe une foule d'esprits observateurs, qui allèrent apaiser dans l'étude d'une nature lointaine, les regrets de la patrie, et recueillir, pendant le trouble, les éléments de la paix. Les armées de la république et de l'empire enrôlèrent sous leurs drapeaux et portèrent sur toutes les plages ces esprits hardis, ces intelligences puissantes qui servaient leur patrie peut-être encore plus sûrement par la science que par l'épée. L'intérêt matériel, qui avait opéré la ruine, servit aussi la réédification, en cherchant un aliment nécessaire à sa cupidité. La fusion des nations activa le commerce, et fit naître en France et dans les pays voisins, cet esprit d'exploitation et d'industrie, d'où les sciences physiques ont reçu un si merveilleux élan tout en le dirigeant; la géologie positive en est sortie, et malgré tous les efforts qui ont travaillé à l'emprisonner au fond d'une mine, elle s'est élancée jusqu'aux sublimes principes des origines sociales et de la genèse de l'univers. C'est que le principe de la moralité sociale est bien plus puissant que celui de son bien-être physique. De la même tendance est sortie la position véritable des autres branches des sciences naturelles, et surtout de la zoologie, qui devra désormais, avec la géologie bien entendue, former une des bases de l'enseignement de la philosophie; vérité que nous nous réjouissons de voir justifiée et sentie par l'organisation du nouvel enseignement de ces sciences dans les écoles françaises.

Ce fut aussi de cette lutte de la révolution et de l'empire que naquit ce nouvel élan qui agrandit en France les collections scientifiques, réorganisa sur de nouvelles bases les sociétés savantes et les corps enseignants, où, sans aucun doute, bien des améliorations sont à désirer et vivement attendues, mais qui n'ont pas laissé de servir, pour le dire en passant, malgré elles, le véritable progrès scientifique. C'est sous cette influence et dans cette direction qu'il nous reste à suivre la science, en justifiant par de nouveaux faits les idées que nous émettons, et en achevant par là de démontrer cette autre thèse que nous avons soutenue, savoir, que le monde politique et le monde scientifique réagissent l'un sur l'autre, en laissant toujours l'empire au dernier. Notre époque en est la dernière preuve. Quand on examine, en effet, ce qu'est notre société, il n'est pas difficile de s'apercevoir que tous ses efforts convergent jusqu'ici vers l'industrialisme et l'exploitation du sol et de tous les éléments qui l'entourent. Or, dans une telle direction, les sciences seules sont appelées pour diriger sa marche; seules, elles ont accès dans les combinaisons d'avenir, qui doivent conduire à une fortune plus probable là que partout ailleurs; partant, elles font la base la plus large d'une éducation, qui n'est malheureusement scientifique qu'autant que cela est absolument nécessaire pour arriver à un art, à une application de pratique toute matérielle, qui doit absorber tout le reste de la vie. Le haut enseignement des colléges donne aujourd'hui en France, plus que jamais, la plus grande part à l'enseignement des sciences. Bien plus, les sciences sont mises à la portée des intelligences les plus bornées. Cette profusion de manuels scientifiques en tout genre, qui circulent dans les mains des classes ouvrières, et

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