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CCXXIX.

part et d'autre, beaucoup d'équivoques qui prouvent que chacun des contractants s'est pro

Les traités les mieux ménagés ne sont que la posé formellement de le violer dès qu'il en auloi du plus fort. roit le pouvoir.

CCXXX.

Il n'est pas besoin d'un long apprentissage pour se rendre capable de négocier, toute notre vie n'étant qu'une pratique non interrompue

d'artifices et d'intérêts.

CCXXXI.

Si les armes prospèrent, et que l'État souffre, on peut en blåmer le ministre, non autrement ; à moins qu'il ne choisisse de mauvais généraux ou qu'il ne traverse les bons.

CCXXXII.

Quiconque ose de grandes choses risque inévitablement sa réputation.

CCXXXIII.

Il faudroit qu'on pût limiter les pouvoirs d'un négociateur sans trop resserrer ses talents, et du moins ne le pas gêner dans l'exécution de ses ordres. On le réduit à traiter, non selon son propre génie, mais selon l'esprit du ministre dont il ne fait que porter les paroles, souvent opposées à ses lumières. Est-il si difficile

de trouver des hommes assez fidèles et assez habi

CCXXXVI.

La guerre se fait aujourd'hui entre les peuples de l'Europe si humainement, si habilement, et avec si peu de profit, qu'on peut la comparer, sans paradoxe, aux procès des particuliers, où les frais emportent le fonds, et où l'on agit moins par force que par ruse.

CCXXXVII.

Les grandes places instruisent promptement les grands esprits.

CCXXXVIII.

Despréaux n'a jugé de Quinault que par ses défauts, et les amateurs du poëte lyrique n'en jugent que par ses beautés.

CCXXXIX.

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dans le fameux choeur de Jephté; mais les paLa musique de Montéclair est très sublime roles de l'abbé Pellegrin ne sont que Ce n'est pas de ce que l'on danse autour d'un tombeau à l'Opéra, ou de ce qu'on y meurt en chantant, que je me plains; il n'y a point de les pour leur confier le secret et la conduite d'une gens raisonnables qui trouvent cela ridicule; négociation? ou seroit-ce que les ministres veu mais je suis fâché que les vers soient toujours lent être l'ame de tout, et ne partager leur mi- au-dessous de la musique, et que ce soit du nistère avec personne? Cette jalousie de l'auto-musicien qu'ils empruntent leur principale exrité a été portée si loin par quelques uns, qu'ils pression. Voilà le défaut. Et lorsque j'entends ont prétendu conduire de leur cabinet jusqu'aux dire, après cela, que Quinault a porté son genre guerres les plus éloignées, les généraux étant à sa perfection, je m'en étonne ; et quoique je tellement asservis aux ordres de la cour, qu'il leur étoit presque impossible de profiter de la faveur des occasions, quoiqu'on les rendit responsables des mauvais succès.

CCXXXIV.

Montéclair (Michel), célèbre musicien, né près de Chanmont en Bassigny en 1666, montra dès sa plus tendre enfance de la disposition pour la musique; il reçut les premières leçons de Moreau, maître de chapelle de la cathédrale de Langres. En 1700 il vint à Paris, entra à l'orchestre de l'Opéra; il fut le premier qui joua de la contrebasse. Il mourut en septembre 1757, suivant Du Tillet, et le 24 mars de la même année, selon l'auteur

Nul traité qui ne soit comme un monument du Mercure ( mars 1758, p. 566 ). de la mauvaise foi des souverains.

CCXXXV.

On a de lui plusieurs ouvrages estimés des musiciens; il a mis en musique trois poëmes de l'abbé Pellegrin, et entre autres la tragédie de Jephté, représentée en 1731. B.

Pellegrin (Simon - Joseph), né à Marseille en 1663, d'abord religieux de l'ordre des Servites, et depuis abbé de Cluny, mon

On dissimule quelquefois dans un traité, de rut le 5 septembre 4745. B.

n'aie pas grande connoissance là-dessus, je ne puis du tout y souscrire.

CCXL.

Tous ceux qui ont l'esprit conséquent ne l'ont pas juste. Ils savent bien tirer des conclusions d'un seul principe, mais ils n'aperçoivent pas toujours tous les principes et toutes les faces des choses. Ainsi ils ne raisonnent que sur un côté, et ils se trompent. Pour avoir l'esprit toujours juste, il ne suffit pas de l'avoir droit, il faut encore l'avoir étendu. Mais il y a peu d'esprits qui voient en grand, et qui en même temps sachent conclure: aussi n'y a-t-il rien de plus rare que la véritable justesse. Les uns ont l'esprit conséquent, mais étroit; ceux-là se trompent sur toutes les choses qui demandent de grandes vues. Les autres embrassent beaucoup, mais ils ne tirent pas si bien des conséquences; et tout ce qui demande un esprit droit, les met en danger de se perdre.

CCXLI.

Nous ne savons pas beaucoup de gré à nos amis d'estimer nos bonnes qualités, s'ils osent seulement s'apercevoir de nos défauts. Nous voudrions sottement des hommes qui fussent clairvoyants sur nos vertus et aveugles sur nos foiblesses.

CCXLII.

475. On peut penser beaucoup de mal d'un homme, et être tout-à-fait de ses amis: car on sait bien que les plus honnêtes gens ont leurs défauts, quoiqu'on suppose tout haut le contraire; et nous ne sommes pas si délicats que nous ne puissions aimer que la perfection. On peut aussi beaucoup médire de l'espèce humaine, sans être en aucune manière misanthrope, parcequ'il y a des vices que l'on aime, même dans autrui.

CCXLIII.

179. Si nos amis nous rendent de bons offices, nous pensons qu'à titre d'amis ils nous les doivent, et nous ne pensons point du tout qu'ils ne nous doivent pas leur amitié.

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inquiète dans les indécis, etc. Organe obéissant du sentiment qui nous domine, plus trompeuse que la raison et la nature.

CCLIV.

Nous jugeons de la vie d'une manière trop désintéressée quand nous sommes forcés de la quitter. Nous n'en penserions pas de même si nous obtenions d'y rentrer.

CCLV.

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CCLXIII.

202. O pompe des cieux! qu'êtes-vous? Nous avons surpris le secret et l'ordre de vos mouvements. Dans la main d'un roi invisible, esclaves soumis et ressorts peut-être insensibles, le monde sur qui vous régnez mériteroit-il nos hommages? Les révolutions des empires, la diverse face des temps, les nations qui ont dominé, et les hommes qui ont fait la destinée de ces nations mêmes, les principales opinions et les coutumes qui ont partagé la créance des

462. Socrate savoit beaucoup moins que F.... peuples dans la religion, les arts, la morale et Il y a peu de sciences utiles.

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les sciences, tout cela que peut-il paroître? Un homme, du creux d'un rocher, et comme un atome invisible sur la terre, embrasse en quelque sorte d'un coup d'œil le spectacle de l'univers dans tous les âges.

CCLXIV.

211. J'aime un écrivain qui embrasse tous les temps et tous les pays, et rapporte beaucoup d'effets à peu de causes; qui compare les préjugés et les mœurs de différents siècles; qui, par des exemples tirés de la musique et de la peinture, me fait connoître les beautés de l'é

La science des mœurs ne donne pas celle des loquence et l'étroite liaison des arts. Je dis d'un hommes.

CCLIX.

L'esprit enveloppe les simplicités de la nature pour s'en attribuer l'honneur.

CCLX.

487. La présence d'esprit est plus nécessaire à un négociateur qu'à un ministre. Les grandes places dispensent quelquefois des moindres

talents.

CCLXI.

488. Quelque mérite qu'il puisse y avoir à négliger les grandes places, il est pourtant vrai qu'elles passent notre esprit.

CCLXII.

197. Le dégoût est un témoignage d'indigestion et de foiblesse.

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Chaque condition a ses erreurs et ses lumières; chaque peuple a ses mœurs et son génie selon sa fortune. Les Grecs, que nous avons ■ Fontenelle. — Vauvenargues a dit la même chose de Bayle. passés en délicatesse, nous passoient en sim

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CCLXVIII.

495. Tout ce que nous prenons pour des défauts n'est pas tel.

CCLXIX.

La raison et le sentiment se conseillent et se

suppléent tour-à-tour. Quiconque ne consulte qu'un des deux et renonce à l'autre, s'affoiblit lui-même, et trompe par son imprudence les sages précautions de la nature.

CCLXX.

498. L'intérêt d'une seule passion souvent malheureuse tient quelquefois toutes les autres en captivité; et notre raison enchaînée porte ses fers sans pouvoir les rompre.

CCLXXI.

CCLXXVII.

N'avoir nulle vertu ou nul défaut est également sans exemple.

CCLXXVIII.

293. On suppose que ceux qui servent la vertu par intérêt la trahiroient pour le vice utile. Point du tout l'intérêt d'un esprit bien fait ne se trouve guère dans le vice, et son inclination ou sa raison y répugnent trop for

tement.

CCLXXIX.

Si la vertu se suffisoit à elle-même, elle ne seroit plus une qualité humaine, mais surnaturelle.

CCLXXX.

262. Des auteurs sublimes n'ont pas négligé de primer encore par les agréments, flattés de

Il n'y a point de gloire achevée sans celle des remplir l'intervalle qui sépare les extrémités,

armes.

CCLXXII.

La gloire embellit les héros.

CCLXXIII.

et de contenter tous les goûts. Le public, au lieu d'applaudir à l'universalité de leurs talents, a cru qu'ils étoient incapables de se soutenir dans l'héroïque, et on n'ose les égaler à ces grands hommes qui, soigneux de conserver dans tous leurs écrits un caractère plein de di

On est encore bien éloigné de plaire, quand gnité et de noblesse, paroissent avoir dédaigné on n'a que de l'esprit.

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265. Je n'ôte rien à l'illustre Racine, le plus sage et le plus éloquent des poëtes, pour n'avoir pas traité beaucoup de choses qu'il eût embellies; content d'avoir montré dans un seul genre la richesse et la sublimité de son esprit. Mais je me sens forcé de respecter un génie hardi et fécond, élevé, pénétrant, facile, plein de force; aussi vif et ingénieux dans les petites choses que vrai et pathétique dans les grandes; toujours clair, concis et brillant; philosophe et poëte illustre au sortir de l'enfance; répandant sur tous ses écrits l'éclatante et forte lumière de son jugement; instruit dans la fleur de son âge de toutes les connoissances utiles au genre humain; amateur et juge éclairé de tous les arts; savant à imiter toutes sortes de beautés par la

CCLXC.

grande étendue de son génie, et maître dans | modération, qui n'est que paresse et vanité. les genres les plus opposés. J'admire la vivacité de son esprit, sa délicatesse, son érudition et cette vaste intelligence qui comprend si distinctement tant de faits et d'objets divers. Bien loin de critiquer ses endroits foibles ou ses fautes, je m'étonne qu'ayant osé se montrer sous tant de faces, on ait si peu de choses à lui reprocher.

CCLXXXII.

Ceux qui ne nous proposent que des paradoxes et des contradictions imaginaires sont les charlatans de la morale.

CCLXXXIII.

274. Qui a le plus a, dit-on, le moins. Cela est faux. Le roi d'Espagne, tout puissant qu'il est, ne peut rien à Lucques. Les bornes des talents sont encore plus inébranlables que celles des empires, et on usurperoit plutôt toute la terre que la moindre vertu.

CCLXXXIV.

253. Les chagrins et les joies de la fortune se taisent à la voix de la nature, qui la passe en rigueur comme en bonté.

CCLXXXV.

599. La solitude est à l'esprit ce que la diète est au corps, mortelle lorsqu'elle est trop longue, quoique nécessaire.

CCLXXXVI.

Il y a peu de situations désespérées pour un esprit ferme qui combat à force inégale, mais avec courage, la nécessité.

CCLXXXVII.

593. Nous sied-il de braver la mort, nous qu'on voit inquiets et tremblants pour les plus petits intérêts?

CCLXXXVIII.

Nous louons souvent les hommes de leur foiblesse, et nous les blâmons de leur force.

CCLXXXIX.

75. Le foible s'applaudit lui-même de sa

Les siècles savants ne l'emportent guère sur les autres, qu'en ce que leurs erreurs sont plus utiles. CCXCI.

Les simplicités nous délassent des grandes spéculations. CCXCII.

Le plus ou le moins d'esprit est peu de chose, et ce peu fait pourtant la force, la grace et la perfection des intelligences ou tout au contraire, comme la disposition de quelques uns de nos organes fait la santé ou la maladie, la difformité ou la beauté du corps, objets importants pour les hommes, quoique petits à leurs pres yeux.

CCXCIII.

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